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Les dix récits ici rassemblés ont comme point commun l'élément ferroviaire : quoi de mieux en effet qu'un voyage en train pour raconter une histoire?
On y croise donc un malheureux porteur de chapka qui, pour une étrange raison, s'attire les foudres des femmes partageant son compartiment ; la veuve d'un mafieux poursuivie par son mari défunt jusque dans le train-couchettes où elle fuit avec son amant ; un assassin qui comprend peu à peu que celle qui l'aime follement l'a pris en filature depuis des semaines et risque bien de découvrir la vérité ; deux soeurs qui réparent la locomotive de leurs ancêtres avec une singulière conception de l'intérêt général...
Se saisissant avec brio du motif du train, réservoir de récits et support de l'imagination, la romancière Olga Slavnikova déploie ici son talent comme jamais : elle porte sur la Russie contemporaine un regard sans complaisance, et, avec une once de magie si nécessaire, excelle à nous présenter des situations qui condensent à la fois le tragique et l'hilarant, dans une langue étonnante et pleine de malice.
Olga Slavnikova est une auteure russe contemporaine, qui était annoncée par le dernier Salon du livre russe Russkaya Literatura, et qui fait partie de ce challenge que je me suis lancée en octobre dernier. C'est encore une fois une auteure russe dont je savais peu de choses, encore une fois une voix à découvrir. Plus connue pour son roman L'immortel, à l'origine d'une controverse, elle est aussi l'auteure d'un recueil de nouvelles que je vous présente maintenant. le journal anglais The Guardian a inclu son roman 2017 dans la liste des meilleurs romans se déroulant en Russie, dans son propre pays il a reçu le prix du livre russe en décembre 2006. Héritière du « réalisme magique« , on en trouve d'ailleurs quelques traces dans la truculente nouvelle La statue du commandeur, ou le train sert de cadre réaliste pour l'évènement de nature surnaturelle. Ce recueil des soeurs Tcherepanov occupe une place particulière dans son oeuvre, parce que décrié par la critique russe, notamment par Lev Danilkin, qui le considère comme le pire ouvrage de son oeuvre. Rien que cela.
Naturellement le titre de ce recueil est le titre de l'une des nouvelles, l'avant-dernière de l'ouvrage. Dès le moment où vous avez connaissance des titres des autres nouvelles, le train Russie, Histoire d'amour en voiture 7, vous vous rendrez vite compte que chacune d'entre elle tourne autour du monde ferroviaire, de ce moyen de transport, encore le plus économique et donc le plus démocratique pour traverser l'immensité du territoire russe. D'ailleurs, la version russe a adopté Histoire d'amour en voiture 7 en tant que titre de recueil, je serais bien curieuse pourquoi l'édition française a choisi d'en changer. Je ne connaissais pas le reste de l'oeuvre de l'auteure russe, je ne suis donc pas apte à effectuer une quelconque comparaison avec ce qu'elle a écrit avant et après ce recueil. En ce qui me concerne, donc, je ne dirai que du bien, ou presque, des nouvelles que j'ai lues.
Lorsqu'on parle de train en Russie, ce qui me vient en premier temps, c'est l'image du mythique Transsibérien. Mais il n'est heureusement pas le seul à déchirer les vastes espaces qui constituent la fédération de Russie et Olga Slavnikova se concentre, elle, sur ces simples locomotives qui sont en charges des déplacements journaliers ou ponctuels de tout à chacun. le train, à l'image du métro dont elle parle dans un roman, est le moyen de transport emblématique du pays, j'attendais de ce que roman me fasse voir du pays. Je n'ai pas été déçue ; j'ai effectivement bien voyagé, j'ai fait connaissance avec des personnalités, pour le moins, exceptionnelles, à l'instar des soeurs Tcherepanov, ce qui explique peut-être bien le choix de cette nouvelle pour porter l'ensemble du recueil. Quoi de mieux que le train pour parler de la Russie, ce pays qui s'étend sur l'un des plus grands territoires du monde, ce pays qui abrite de nombres de peuples autochtones, de paysages, de biotopes différents et un panel de fuseaux horaires.
Le train est donc le personnage principal de ce recueil, autour duquel gravite, on s'en doute bien, une multitude de vies et se greffent une multitude d'histoires. La première nouvelle le Train Russie est tout à fait dans le ton de la nouvelle introductoire, avec l'inauguration du Train à Grande Vitesse à la gare de Moscou. À travers ce train d'un nouveau genre, l'auteure nous offre une nouvelle vision de la Russie, une tentative d'unifier ses peuplades, de rejoindre ses contrées orientales comme Irkoutsk qui borde la Mongolie. Objet de fascination, étape historique, il devient tellement adulé que les gens essaient de s'en accaparer un morceau, un peu comme ceux qui se sont octroyés un morceau du mur de Berlin, de s'approprier cette innovation, son pouvoir de maîtriser la Russie.
Mais le train n'est pas que modernité, puissance, vitesse. Il est aussi lieu de rencontres inopportunes, en tant qu'espace de repos, lieu de couchettes, lieu d'espaces clos au milieu des vastes espaces qui rapprochent des gens qui n'ont rien à faire ensemble, une espèce de lieu magique qui remet certains sur la bonne voie de leur existence.
Le train donc mais surtout les Russes. Avec quelques remarques acerbes sur la curiosité du caractère Russe, qui semble avoir des tendances à l'autodestruction en sabotant ses propres chances de survie. Ces récits ne manquent pas d'humour et d'autodérision. J'ai beaucoup aimé, notamment dans la deuxième nouvelle, ce ton, très caractéristique du roman russe moderne, à la fois moqueur et désabusé, caustique et goguenard, sur l'homme russe, coincé entre quatre femmes, lui qui est justement en train de ruminer sa hargne contre le monde féminin. Mention spéciale à l'Ivan Ivanovitch Ivanov, ce fantôme qui traverse la troisième nouvelle La Substance, le plus russe d'entre tous, il se serait appelé Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski que son nom n'aurait pas été plus incongru. Journalistes, colonels, des civils aux militaires, on ne fait pas que traverser le pays, c'est un échantillonnage en profondeur de la société qu'Olga Slavnikova effectue-là. Et le train est le transporteur, le support, le médiateur de cette exploration, parfois au centre, parfois sur le côté, mais toujours présent car il est inhérent à la Russie, ce que j'ai assimilé peu à peu en déchiffrant les nouvelles les unes après les autres.
Je pense qu'il serait inutile d'affirmer encore plus explicitement que j'ai apprécié ce recueil, évidemment certaines nouvelles ont trouvé ma préférence notamment La Substance qui aborde le thème de l'absurdité d'un certain monde, celui de l'administration et des fonctionnaires, des plus ou moins hauts-gradés qui représentent ce système étatique aberrant. le style de l'auteure est très imagé, très vivant, sans concession, le train à grande vitesse devient une créature, les journalistes se métamorphosent en insectes nuisibles sous sa plume, même les voies ferrées acquièrent des fonctions vitales. Il est autant empreint d'aphorismes percutants que de descriptions suggestives des divers paysages qui sont traversés.
Ma première immersion dans le monde d'Olga Slavnikova est réussie et prometteuse, ce recueil donne un bon aperçu de l'éventail des talents de l'auteure russe. Contrairement au critique cité précédemment, ces nouvelles me semblent très abouties, tant par le style éloquent, suggestif et bien rodé que par les échafauds narratifs de chaque récit. Elle a su exprimer une vision de la Russie très personnelle et très juste, en tout cas qui rejoint celle de divers autres auteurs que j'ai pu lire.
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