"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
1524, les pauvres se soulèvent dans le sud de l'Allemagne. L'insurrection s'étend, gagne rapidement la Suisse et l'Alsace. Une silhouette se détache du chaos, celle d'un théologien, un jeune homme, en lutte parmi les insurgés. Il s'appelle Thomas Müntzer. Sa vie terrible est romanesque. Cela veut dire qu'elle méritait d'être vécue ; elle mérite donc d'être racontée.
Dans un court livre de 68 pages , Eric Vuillard relate un"soulèvement de "l'homme ordinaire" dans les années 1524-1525 dans le Saint Empire romain germanique.Il relit avec talent L Histoire,esquissant en quelques lignes un cadre historique, social et géographique, montrant la permanence historique et géographique des injustices.Pour le lecteur c'est un bonheur de se plonger dans ce récit à l'écriture cinématographique ,de s'intéresser soudain à des pans de l'Histoire et, guidé par la plume et le regard d'Eric Vuillard ,de constater le caractère universel de ces mouvements révolutionnaires et leur actualité.
Cette rébellion contre les Princes du début du xvie siècle est de même nature que celles qui ont secoué le Kent des siècles plus tôt quand les pauvres paysans se sont révoltés contre les taxes, le servage ,leur chef Wat Tyler est massacré en 1381.Le Roi ne tiendra pas ses promesses.Quand Jean Hus prêche en Bohême il est considéré comme hérétique et brûlé en 1415.
Le livre déroule la vie de Thomas Muntzer dont le père a été pendu.Muntzer partisan de Luther est d'abord prédicateur en Saxe.Il prêche une chrétienté pure, désintéressée qui parle aux pauvres mais déplait aux riches.Il prône le contact direct avec Dieu, s'en prend au latin , dit la messe en allemand.La Réforme protestante ébranle l'ordre social.En 1524 la révolte gronde, les châteaux sont rasés en Saxe, en Thuringe.Les Princes mobilisent des armées...
Né vers 1490 à Stolberg dans une famille pauvre, Thomas Müntzer perdit très jeune son père, pendu pour avoir déplu à un comte. Il fit néanmoins de bonnes études de théologie à Leipzig et devint curé à Halberstadt et Brunswick. Partisan de Luther, souvent renvoyé de ses paroisses, il devient prédicateur à Zwickau en 1520. Il s’installa ensuite à Allstedt où il écrivit ses « Protestations ». Ses messes dites en allemand eurent un grand succès auprès des petites gens tout heureux d’enfin comprendre ce que racontaient les textes liturgiques. Une énième révolte paysanne se déclencha sur les terres du prince Albert de Mansfeld. De partout, les gens se rassemblaient formant une troupe hétéroclite, mal armée et mal ravitaillée, qui devait affronter des troupes de mercenaires disposant de canons. Müntzer prit la tête de la cohorte de gueux. Mais tout se termina dans un bain de sang. Cinq mille paysans furent passés par les armes. Le curé fut emprisonné et décapité le 27 mai 1525 à Mülhausen, devant toute la haute noblesse de la région…
« La guerre des pauvres » est court roman (92 pages) basé sur un fait historique relevant des révoltes paysannes qui furent fort récurrentes pendant de nombreux siècles en Allemagne tout comme en France avec nos « Jacqueries » et qui atteignirent leur apothéose avec la révolution de 1789 et toutes les autres, la guerre de Vendée, 1830, 1848 et la Commune de Paris en 1870. Tous ces soulèvements populaires contre l’oppression royale, ecclésiastique, ou républicaine s’achevèrent systématiquement dans des répressions féroces, le dernier en date étant le mouvement des « Gilets jaunes ». Le style de Vuillart est agréable, léger, facile à lire et un tantinet minimaliste. Pas de descriptions interminables, ni d’états d’âme alambiqués, juste l’essentiel, rien que l’essentiel. « Close to the bone », comme disent les Anglo-saxons. L’inconvénient de cette qualité c’est qu’on termine le livre en restant un peu sur sa faim. On aurait aimé en savoir un peu plus sur ce fou de Dieu révolutionnaire protestant finissant par contester Luther lui-même et sur ces révoltes populaires si peu ou si mal étudiées dans les cours d’histoire. Merci à Eric Vuillard d’avoir braqué son projecteur sur ce personnage assez peu connu chez nous.
Comment écrire un livre très actuel en parlant de faits datant de plusieurs siècles ?
Éric Vuillard le fait et le réussit bien dans ce court récit, La guerre des pauvres. Auteur découvert avec 14 juillet puis son fameux Prix Goncourt, L’ordre du jour, il excelle dans la concision et sa lecture est toujours très instructive.
En quelques pages, il nous raconte l’histoire de Thomas Müntzer dont le père fut exécuté en 1500. La vie de cet homme aurait sûrement été tout autre si, cinquante ans plus tôt, l’invention de l’imprimerie n’avait permis à de plus en plus de monde de lire enfin la Bible dans le texte plutôt que de se contenter de ce latin incompréhensibles et des commentaires orientés des gens dit d’Église.
Éric Vuillard rappelle fort à propos que, deux siècles plus tôt, de l’autre côté de la Manche, Johan Wyclif avait traduit cette même Bible en anglais, préconisant une relation directe à Dieu, se passant donc de prélats. Ensuite, John Ball a mené la révolte contre une nouvelle taxe : « Les paysans marchent en ordre et ils sont nombreux, plus de cent mille, on vient de partout, des foules misérables se rassemblent. » Hélas, ces révoltes se terminent dans le sang et par l’écrasement des plus faibles.
Retour en Bohême avec Jan Hus qui se bat contre l’argent et le pouvoir des princes : jugé, brûlé ! Enfin, on retrouve Thomas Müntzer en 1522. Il dit la messe en allemand, parle de « pauvres laïcs et paysans » mais ne voit que la violence pour changer, violence qui se retourne contre les hordes de misérables.
Dans ce livre étonnant, Dieu est mis à toutes les sauces, permettant de justifier tout et son contraire. Cette invention humaine offre toutes les perspectives puisqu’on lui fait dire ce que l’on veut, s’appuyant sur des textes écrits puis réécrits par des humains.
Éric Vuillard rappelle donc et démontre que seule la violence arrive à faire reculer les puissants qui ne cessent de tout faire pour s’enrichir toujours plus. Hélas, ceux-ci possèdent la force et les armes. Combien de révoltes suscitées par la misère se sont terminées dans le sang ? De plus, il est certain que quantité de conquêtes sociales sont sans cesse remises en cause, comme l’époque actuelle nous le confirme.
Heureusement, Éric Vuillard promet une suite à cet essai, suite peut-être plus optimiste…
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
La guerre des pauvres est un opuscule de soixante-huit pages seulement mais c’est un récit fort et intéressant sur ces oubliés qui constituent les masses laborieuses, paysans, ouvriers et manants : les pauvres.
En 1524, ceux-ci vont se soulever dans le sud de l’Allemagne contre les puissants et les nantis. Le jeune théologien Thomas Müntzer est à leurs côtés. La diffusion de la Bible puis sa traduction ont permis sa lecture et des interprétations.
Ainsi, Thomas Müntzer pense qu’il existe « une relation directe entre les hommes et Dieu. » Aussi, pourquoi tant de prélats et tant d’apparat dans l’Église qui, elle, exhorte les pauvres à accepter leur sort ?
Ses idées se diffusent et la révolte prend de l’ampleur mais les détracteurs s’organisent et le conflit est inévitable.
Dans La guerre des pauvres, Éric Vuillard relate les luttes sociales du Moyen Âge mais comment ne pas voir en écho nos propres luttes actuelles, dans un monde contemporain où plus de 80 % des richesses sont concentrées entre les mains de 1 % des plus fortunés. Il relate une lutte d’abord d’origine religieuse puis économique et politique.
Nous sentons, sous sa plume, comme dans ses précédents ouvrages, que ce soit 14 Juillet ou L’ordre du jour, un sentiment de colère, d’indignation contre l’injustice, le cynisme et l’égoïsme des puissants. Un sentiment que je partage entièrement.
"Les exaspérés sont ainsi, ils jaillissent un beau jour de la tête des peuples comme les fantômes sortent des murs" Eric Vuillard
Une écriture mordante. Une lecture politique. Un sujet qui fait écho à l’actualité, même cinq cents ans plus tard. Surtout cinq cents ans plus tard.
16ème siècle. Prémices de la Réforme et des guerres de religions qui sont sur le point d’opposer catholiques et protestants et qui vont ensanglanter l’Europe. Thomas Müntzer, prédicateur allemand, se soulève et attise la foule, à l’heure où la foule n’a plus rien. Et l’ennemi qui prend très vite la forme du Grand, du Prince, du Riche, de la Seigneurie et de l’Eglise auxquels il prône l’austérité, et auxquels il promet l’enfer.
Dans ce texte court, il n’y a pas de parti pris, encore moins de héros. Si le récit se développe à travers la vie de Müntzer, les faits sont racontés avec la distance qui leur est due, et le récit en tire ainsi une de ses forces majeures. Il n’y a ni juste, ni bon, ni méchant, la violence de Müntzer ne vaut pas plus que celle des puissants. Elles s’amalgament pour mettre en exergue la bêtise humaine dans son ensemble.
Bien sûr, il était à propos de sortir ce manifeste en pleine crise des gilets jaunes, les pauvres qu’on oppose aux opulents, encore et toujours ce fossé, ce cratère, cette division. Moi je dirais, loin de ceux que j’entends crier à l’opportunisme, que bien au contraire, le choix du calendrier est judicieux. Car, en rappelant des faits qui reviennent en boucle un demi-siècle plus tard, même sous une autre forme, Eric Vuillard nous dresse un tableau tristement ironique : Malgré tous nos progrès, technologiques, humains, nous en sommes encore là, férus des mêmes combats qu’au moyen-âge.
Alors certes, nous ne décapitons plus ceux qui s’élèvent par la voix ni ceux qui règnent par la force, nous ne crevons plus les yeux des élus déchus ou des traîtres, nous ne promettons plus le bûcher aux athées, mais au fond valons-nous mieux que nos aînés dans nos démocraties étouffées, dans nos semblants de civilités, dans nos parlements tout en dorures et en apparat ?
Ce sont ainsi toutes ces questions, non posées, non formulées, qui ne manqueront pas d’apparaître en filigrane dans votre lecture.
Donc un calendrier peut-être opportun, mais qui n’enlève rien à l’intelligence de ce texte et de son auteur.
Ce récif est une beauté d’écriture, chaque mot choisi est incisif et efficace et reflète le pamphlet de l’auteur contre le pouvoir, l’injustice et le cynisme des puissants. C’est une période historique précise qui,est décrite ici, la guerre des paysans Allemand, sous le Saint-Empire romain germanique de 1524.sous le réforme luthérienne. A travers ce récit, c’est la permanence des injustices qui ressort, Éric Vuillard, une nouvelle fois nous donne à réfléchir sur la permanence de l’histoire à l’aune des faits actuels de société.
« La guerre des pauvres » est un ouvrage court mais caniculaire eu égard à son substrat et à sa sonorité particulièrement actuelle, ouvrant une brèche définitive pour une insurrection collective. C’est au moyen d’une plume d’ordinaire audacieuse et palpitante qu’Éric Vuillard offre une turbulence littéraire qui s’adosse à une archéologie contestataire précise. Sa puissance évocatrice et sa scénographie des mots unique irriguent alors un conte historique à la forme pamphlétaire qui appelle à la vindicte populaire et participe à un certain acquittement des oubliés, des masses laborieuses. Si la personne de Thomas Müntzer n’inaugure pas historiquement l’émancipation de ces classes, il se fait tout de même le complice d’une convergence des luttes essentielle -encore aujourd’hui indispensable- par le biais d’une authentique passion dont l’apanage exclusif parvient à fédérer la foule quand même l’issue, défaitiste, ne constitue pas un élément primordial. Ce livre, précis et mitraillé, accomplit le fait de capturer l’essence d’une histoire héroïque - et non relevant du martyre, figure désacralisée par l’auteur - qui désigne le langage et la littérature comme de véritables instruments de mutinerie. Ce texte, aux chapitres affûtés, est alors un véritable ressac qui vient scruter une contemporanéité, aux confins d’une haine croissante terrifiante.
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