"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La fille du sculpteur raconte une enfance vécue comme un rêve, inspirée de celle de Tove Jansson, au début du xxe siècle, entre Helsinki et la maison familiale sur une île de l'archipel de Porvoo, où ses parents artistes se retiraient pour l'été. Dans ce livre éminemment onirique, les êtres humains se mettent soudainement à voler, des créatures imaginaires et mystérieuses apparaissent au détour de certaines criques, et Dieu le père lui-même surveille les enfants qui jouent dans le jardin.
La fille du sculpteur, traduit intégralement en français pour la première fois, est une superbe réussite d'intelligence et de poésie. Le monde entier y est à couper le souffle.
Les sculptures de papa se déplaçaient doucement autour de nous dans la lumière du feu, ses tristes femmes blanches qui faisaient un pas indécis en avant, toutes prêtes à s'enfuir. Elles savaient le danger qui rôdait partout, mais rien ne pouvait les sauver tant qu'elles n'avaient pas été sculptées dans le marbre et placées dans un musée. Là, on est en sécurité. Dans un musée ou dans les bras ou dans un arbre. Éventuellement, sous la couverture. Mais le mieux est de s'asseoir très haut dans un grand arbre, si on ne se trouve plus dans le ventre de sa maman.
Entre un père sculpteur et une mère illustratrice, l'enfance de Tove Jansson, née en Finlande au début du XXème siècle, est peuplée d'animaux, d'événements magiques et féériques.
Les séjours au bord de la mer sont peuplés d'aventures en bateau, de tempête où la mer monte jusqu'à les faire se réfugier au fond de grottes peuplées d'animaux fantastiques ...
Pendant l'hiver, la neige tombe et ensevelit leur maison, mais blottie dans sa cabane de couvertures, au creux des bras de sa mère, il n'existe aucun endroit plus sur au monde ...
Quant à l'atelier, il est peuplé des créatures magiques sculptées par son père, belles et grandes dames au x longs doigts, si fragiles lorsqu'en argile ou plâtre, elles attendent le marbre qui les protégera mais les fera partir vers des musées.
Cette enfance a nourri Tove Jansson devenue une grande auteur et illustratrice de livres pour enfants, créatrice des Moumines.
Cette autobiographie est extrêmement poétique et onirique nous emporte dans l'imaginaire d'une petite fille, entourée d'adultes et d'animaux, qui se crée son propre monde avec quelques coquillages, plumes d'oiseaux et cailloux glanés sur les plages.
Un très beau moment de lecture ...
S’il est un livre à retenir dans l’ancestral silence.
S’il est un livre piédestal de la littérature.
S’il est un livre souverain, invincible.
Ce livre, le voici : « La fille du sculpteur » de Tove Jansson, traduit du suédois par Catherine Renaud.
L’olympien au garde-à-vous dans l’ampleur d’une écoute spéculative, « La fille du sculpteur » est un classique à l’aube-née.
On aime cette voix enfantine conter l’heure sacrée de sa vie passée sur une île celle de Nyttisholmen dans l’archipel de Porvoo. Rarement un livre a une telle grâce. Dans cette capacité hors norme d’octroyer au lecteur le chemin labyrinthique vers sa propre intériorité. Ce récit est une fleur éternelle.
« Ensuite grand-père et grand-mère ont construit une grande maison avec un toit mansardé, de nombreuses pièces, fleurs et arbres, jusqu’à ce que la prairie devienne un jardin d’Éden. » « En vérité, en vérité, je te le dis, a déclaré Karin. Les élus seront toujours couronnés. »
Cette fillette qui s’éveille dans un antre privilégié est l’espace même de nos espérances. L’île de l’archipel de Porvoo :
« C’était comme un aquarium brillant dans la nuit, c’était la mangeoire de Bethléem ou la plus grande émeraude du monde. » « Et alors mon iceberg s’est éloigné de moi en glissant doucement. »
Temps de règne, quintessence, l’enfant observe, touchante et intuitive. Florinna (c’est son prénom) tient en main le plus beau parchemin pour s’émanciper, l’art en diapason.
« Maman dessinait chaque jour dans la véranda et envoyait ses illustrations à Borgà par le bateau qui vendait des harengs. » « Papa l’a regardée, puis est allé inspecter le hangar à bateaux. Pour finir, il s’est rendu en ville récupérer sa selle de sculpteur, sa caisse d’argile, les armatures de fer et tous ses outils à modeler. »
Florinna s’épanouit. Éveil formateur, paraboles, cette fillette approuve le langage d’un imaginaire exalté. Tove Jansson dépeint plus qu’une famille, une île, mais les mouvements et les contre-chants, les merveilles de la création et l’amour encerclant cette idiosyncrasie regain et salvatrice. A l’instar d’un respect pour les uns et les autres et, dans cette joie pleine, l’aube façonnée de ses mains se renouvelle subrepticement.
« Les samedis, Fanny était la personne la plus importante de toute la baie, et c’est pour cela qu’elle chantait pour elle-même avec une voix monotone et aiguë. » « Les hiboux ont volé et les lutins ont traversé la scène. »
Voyez cette intrinsèque trame, cette écriture flamboyante et posée qui m’a bouleversée et fait pleurer sous la sève de beauté absolue. Assignée à cet espace-monde où Florinna gravite, marche après marche l’apothéose des sculptures symboliques : « de grandes femmes blanches ». Ce qui est délicieux, c’est l’imprévisibilité des regards de cette enfant poète et perspicace. Cette constance d’élévation, la satisfaction de ressentir le glacé de la pierre à tailler. Métaphorique sens à fleur de main. Une créature à édifier pour le champ du monde.
« Les sculptures de papa se déplaçaient doucement autour de nous dans la lumière du feu. »
Écriture millénaire, Porvoo essentialiste, ce texte magistral est le modèle même du summum vital. Retenir cet hédonisme chantant, cette enfant lumineuse.
« Mieux vaut ne pas trop y penser, mais dès que possible tout régler avec une bonne action. » « Je veux dire, n’importe qui peut laisser s’échapper le danger, mais l’astuce consiste alors à le déplacer. »
Transcendant, bleu nuit, solaire, « La fille du sculpteur » est culte. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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