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La fille du chasseur d'écailles

Couverture du livre « La fille du chasseur d'écailles » de Lucius Shepard aux éditions Le Belial
Résumé:

Peu après que se fut estompée la lumière christique du premier matin du monde, quand les oiseaux volaient encore entre la terre et le ciel et que les plus perverses des créatures elles-mêmes brillaient comme des saints, si pure était la parcelle de mal qu'elles recelaient, il était un village... Voir plus

Peu après que se fut estompée la lumière christique du premier matin du monde, quand les oiseaux volaient encore entre la terre et le ciel et que les plus perverses des créatures elles-mêmes brillaient comme des saints, si pure était la parcelle de mal qu'elles recelaient, il était un village nommé Hangtown accroché au dos du dragon Griaule, une gigantesque bête d'un mille de long qu'un charme magique avait paralysée sans toutefois la tuer et qui régnait sur la vallée de Carbonales, contrôlant dans ses moindres détails la vie de tous les habitants, auxquels elle manifestait sa volonté grâce aux ineffables radiations émanant de la soute froide de son esprit. Du garrot à la queue, la majeure partie de Griaule était recouverte de terre, d'herbe et d'arbres, ce qui, par certains côtés, le faisait paraître comme un élément du paysage, une colline parmi toutes celles qui entouraient la vallée ; hormis les sections dégagées par les chasseurs d'écailles, seuls demeuraient visibles une portion de son flanc droit, son cou et sa tête, et celle-ci s'était effondrée sur le sol, ses gigantesques mâchoires à demi ouvertes, pour former un talus presque aussi élevé que les éminences alentour. Perché à environ huit cents pieds d'altitude, juste derrière la plaque fronto-pariétale qui le surplombait ainsi qu'une falaise moussue, le village se composait de plusieurs douzaines de masures aux toits en bardeaux et aux murs de planches usées par les intempéries, qui entouraient un lac alimenté par une rivière issue d'une colline proche et coulant sur le dos de Griaule ; ce lac était cerné par des bosquets de cerisiers de Virginie, des enfilades d'aubépines et de chênes étiques, et, n'eût été la sensation de hantise qui imprégnait les lieux, comme un frémissement évoquant l'atmosphère d'une ruine antique, un promeneur arpentant la rive du lac aurait cru découvrir un village des plus ordinaires, certes un peu plus négligé que la moyenne, car ses rues étaient jonchées d'entrailles et d'os de siffleurs, de pelliculs et autres parasites infestant le dragon, mais dont les habitants, avec leurs vêtements miteux, leurs regards hostiles et leur visage empreint de lassitude, n'avaient rien que de très banal.


Cette nouvelle est extraite du recueil Le Dragon Griaule

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