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" J'appelle de ce nom la famille telle qu'elle s'est constituée chez les sociétés issues des sociétés germaniques, c'est-à-dire chez les peuples les plus civilisés de l'Europe moderne. je vais en décrire les caractères les plus essentiels, tels qu'ils se sont dégagés d'une longue évolution pour se fixer dans notre Code civil.
La famille conjugale résulte d'une contraction de la famille paternelle 1. Celle-ci comprenait le père, la mère, et toutes les générations issues d'eux, sauf les filles et leurs descendants. La famille conjugale ne comprend plus que le mari, la femme, les enfants mineurs et célibataires. Il y a en effet entre les membres du groupe ainsi constitué des rapports de parenté tout à fait caractéristiques, et qui n'existent qu'entre eux, et dans les limites où s'étend [?] la puissance paternelle. Le père est tenu de nourrir l'enfant et de pourvoir à son éducation jusqu'à sa majorité. Mais en revanche l'enfant est placé sous la dépendance du père ; il ne dispose ni de sa personne, ni de sa fortune dont le père a la jouissance. Il n'a pas de responsabilité civile. Celle-ci revient au père. Mais quand l'enfant est majeur quant au mariage - car la majorité civile de vingt et un ans le laisse sous la tutelle du père en ce qui regarde le mariage - ou bien dès que, à un moment quelconque, l'enfant est légitimement marié, tous les rapports cessent. L'enfant a désormais sa personnalité propre, ses intérêts distincts, sa responsabilité personnelle. Il peut sans doute continuer à habiter sous le toit du père, mais sa présence n'est plus qu'un fait matériel ou purement moral ; elle n'a plus aucune des conséquences juridiques qu'elle avait dans la famille paternelle 2. D'ailleurs, le plus souvent, la cohabitation cesse même avant la majorité. En tout cas, une fois l'enfant marié, la règle est qu'il se fait un foyer indépendant. Sans doute il continue à être lié à ses parents ; il leur doit des aliments en cas de maladie, et, inversement, il a droit à une portion déterminée de la fortune familiale, puisqu'il ne peut pas [en droit français], être déshérité totalement. Ce sont les seules obligations juridiques qui survivent [des formes de famille antérieures], et encore la seconde paraît destinée à disparaître. Il n'y a là tien qui rappelle cet état de dépendance perpétuelle qui était la base de la famille paternelle et de la famille patriarcale. Nous sommes donc en présence d'un type familial nouveau. Puisque les seuls éléments permanents en sont le mari et la femme, puisque tous les enfants quittent tôt ou tard la maison [paternelle] je propose de l'appeler la famille conjugale."
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