Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
« Tu ne veux pas que j'écrive ce livre. Tu me l'as dit. Tu me l'as demandé. Tu y avais pensé toute la soirée, toute la nuit, tu ne voulais pas. Ou, plus précisément, tu ne voulais pas que je l'écrive maintenant. Ce livre, Laurence, tu l'écriras quand je serai mort. Voilà ce que tu m'as dit. » Un père accusé de corruption, une mère qui se meurt, un univers qui s'effondre. Dix ans après, Laurence Tardieu ouvre une « lettre au père », pour comprendre. Qui est cet homme, qu'enfant elle a aimé d'un amour fou ? Cet homme intègre et généreux, qui s'est retrouvé brutalement condamné puis emprisonné ? Comment accepter qu'un être humain n'est pas un, mais multiple, faillible - humain ? Comment sortir du silence qui la lie depuis toujours à ce père, si proche et si lointain, pour s'arracher à lui et exister, enfin ?
Mais qu’est-ce qui lui a pris à Laurence Tardieu d’écrire ce livre ?
Non, pas de l’écrire, ça, ça lui a à priori fait beaucoup de bien.
Mais plutôt, qu’est-ce qui lui a pris de le publier.
Son père lui avait demandé de ne pas le faire.
Et nous, ça ne nous concerne pas.
Qu’elle l’écrive et le donne à son père, ça aurait suffi.
C’est beaucoup trop intime, trop personnel.
Surtout, ça concerne beaucoup trop son père, donc on devient indiscrets.
Il ne nous a rien demandé cet homme, il n’a pas envie qu’on connaisse sa vie.
Et ça se comprend.
Leur relation est bonne, mais il y a beaucoup de silences entre eux.
Silences qui étouffent Laurence Tardieu.
Seule l’écriture la libèrera, ça, on le comprend bien, d’autant qu’elle maîtrise assez bien l’écriture.
Mais de là à nous prendre pour témoins, franchement, ça me gêne beaucoup, et ce n’est pas ce que j’attends d’un écrivain.
J’ai eu la même impression quand j’ai lu Annie Ernaux. Que le lecteur est pris pour un psy.
Livre lu à l'aveugle, c'est à dire sans savoir qui en est l'auteur, quel en est le titre et sans avoir lu la quatrième de couverture.
Dans ce roman, le lecteur apprend très vite que la narratrice se nomme Laurence, qu'elle est écrivain, qu'elle a déjà écrit deux romans évoquant le milieu carcéral.
Laurence s'adresse à son père, elle lui pose des questions, elle veut comprendre. Pourquoi, alors qu'il était un des directeurs de l'ex Compagnie Générale des Eaux, a-t-il été condamné pour corruption?
« est-ce mon père qui nous a trahis, ou lui qui a été trahi? »se demande-t-elle.
En 2000, tout ce en quoi elle croyait, les valeurs transmises par sa famille, s'effondrent. Sa mère, atteinte d'une maladie incurable, meurt, et son père est condamné.
« ...mon monde a vacillé. Ma terre a tremblé. Soudain tous les repères s'inversaient, ou, plutôt, volaient en éclats: il n'y en avait plus. Je ne savais plus rien. J'étais dans un état de sidération: ce en quoi j'avais jusque-là toujours cru s'effondrait. »
La narratrice éprouve le besoin, dix ans plus tard, d'écrire ce livre, mais son père lui demande d'attendre sa mort pour le faire.
« Tu ne veux pas que j'écrive ce livre. Tu me l'as dit. Tu me l'as demandé. Tu y avais pensé toute la soirée, toute la nuit, tu ne voulais pas. Ou, plus précisément, tu ne voulais pas que je l'écrive maintenant. Ce livre, Laurence, tu l'écriras quand je serai mort. Voilà ce que tu m'as dit. »
Ce roman est un roman sur la recherche de vérité, sur une famille très attachée à la sauvegarde des apparences, où on ne montre pas ses sentiments, on se tait.
« Dans notre famille, on se tait. De plus en plus on se tait. On s'enfonce dans le mutisme comme d'autres dans l'alcool. »
C'est le long cheminement qui permettra à la narratrice de vivre, de respirer à nouveau.
« Je ne veux plus me noyer. Je veux remonter à l'air libre. Respirer. »
C'est aussi un questionnement sur l'écriture, sur son pouvoir.
« J'ai adossé depuis longtemps ma vie à l'écriture. Je m'en suis remise à elle comme on s'en remet à un être qu'on aime: éperdument. Envers et contre tout. Ecrire, c'était lutter contre le silence. Faire surgir, des eaux dormantes, des mots que je découvrais miens. C'était prendre conscience que je pouvais, moi aussi, parler.
Ecrire, c'était aussi tenter de mettre en ordre ce qui dans ma vie l'était si peu. Avoir l'illusion de triompher sur le désordre.
Aurais-je tout faux?
Pour la première fois ce matin je me demande si l'écriture peut résoudre quoi que ce soit. J'ai peur de m'être trompée, que cette entreprise d'écriture soit vaine. J'ai peur d'en rester avec ces blancs qui m'aveuglent, ces trous noirs qui m'aspirent. J'espérais, en m'engageant dans ce texte, faire jaillir du sens, reconstituer une unité. »
Après en avoir fini la lecture, j'ai délicatement détaché la couverture de papier Kraft pour d écouvrir un auteur que je n'avais encore jamais lu et le titre, merveilleusement bien choisi, de ce texte: Confusion des peines de Laurence Tardieu
Il s'agit là d'un roman poignant. Une belle écriture. Un texte à conseiller à ceux qui ne le connaissent pas encore.
Roman ? Récit autobiographique ? Lettre d'une fille à son père ?
Je préfère lire "La confusion des peines" comme un cri d'amour éperdu à l'intention d'un père violemment devenu étranger.
Peu importe en définitive l'aspect générique puisque l'écriture épouse au plus près chaque déchirure, explore chaque blessure pour tenter de comprendre et d'accepter la brutale métamorphose d'un univers ordonné en chaos inarticulé.
Dix ans après la mort de sa mère et la condamnation de son père à une peine de prison, la narratrice affronte une réalité qui lui reste indéchiffrable en brisant le silence familial. Elle trébuche, se cogne, se blesse. Proche de la chute, elle vacille et reste debout mais effondrée de l'intérieur. Les questions, lancinantes de douleur et du désir de comprendre enfin pour aimer encore, s'enchaînent dans une plongée vertigineuse où tous les repères, tout ce qu'on croyait intangible, se brouillent, se confondent. De cet arrachement au père rêvé, fantasmé, naît un amour absolu et apaisé. Et c'est déchirant de douceur et d'espoir que de ressentir au creux des mots de Laurence Tardieu cette re-naissance possible.
Cette écriture nous met à nu, en fouillant profondément derrière les apparences, au-delà des mots évidés de leur sens.
De quoi est fait l'amour que l'on porte à ses parents ? Sur quel socle repose-t-il ? Admiration ? Respect ? Complicité ? Que connaît-on finalement de ceux qu'on aime ?
"La confusion des peines" c'est le long chemin qui conduit à aimer "quand même" et on continue à l'arpenter bien après la lecture.
L'année 2000 est une année noire dans la vie de la narratrice. Cette année voit la mort de sa mère et l'incarcération de son père, dirigeant de la CGE pour corruption. Une année sur laquelle la chape de plomb du silence pèse dans la famille. Il ne faut surtout pas en parler. Un silence que la narratrice veut briser, et pour elle, écrivain la seule façon de briser le silence puisque personne ne parle, c'est de faire un livre de cette vie marquée par le silence, le non dit . Et pour cela, pour la première fois, elle va désobéir à l'interdit paternel.
"Tu ne veux pas que j'écrive ce livre. Tu me l'as dit. Tu me l'as demandé. Tu y avais pensé toute la soirée, toute la nuit, tu ne voulais pas. Ou, plus précisément, tu ne voulais pas que je l'écrive maintenant. Ce livre, Laurence, tu l'écriras quand je serai mort. Voilà ce que tu m'as dit."
Avant la chute, Laurence voyait son père avec ses yeux de petite fille, elle l'idéalisait, ce père si intelligent, si fort, une force toute en douceur, toute en sourire, mais une force indéniable. Mais déjà dans ses moments heureux de l'enfance, le silence régnait, il ne fallait surtout pas se parler d'amour, surtout pas s'exhiber. C'est ce silence qui décrit le mieux les relations dans cette famille.
"Comme toujours tu ne disais rien. Tu caches. Tu n'exprimes pas. Toujours le sourire, la douceur, l'enveloppement. Pas de problème, il n'y a pas de problème, jamais. Moi aussi avec toi je cache. Je tais. Je ne dis pas. Je formule des phrases , je prononce des paroles, mais pas celles que je voudrais te dire, celles que je porte en moi, qui sont ce que je vis, ce que j'éprouve, qui me définissent. Avec toi je contourne. Je fais semblant. Je passe à côté de moi."
La condamnation du père va intervenir comme un séisme, une déflagration, le monde de Laurence, tout ce en quoi elle croyait va s'écrouler. Le père va subir et faire subir à sa famille une double peine, celle de son incarcération avec tout ce que cela comporte comme douleur, et celle du silence qui va l'englober, l'amplifiant, la doublant. Elle ne comprend pas, elle ne comprend plus. Par ce livre, en brisant le silence, c'est de son père tant aimé qu'elle veut se rapprocher. C'est de cet être imparfait qu'elle veut se rapprocher. Et le seul moyen pour elle de le faire c'est l'écriture. C'est par l'écriture de ce livre qu'elle va comprendre ce père, le faire tomber de son piédestal pour l'aimer encore plus.
Ce superbe livre, est une magnifique lettre d'amour d'une fille son père. Un amour adulte, un amour débarrassé de toutes les idéalisations de l'enfance. Par ce livre la petite fille devient une femme, en cassant cette image du père parfait. Un texte porté par le style de Laurence Tardieu. Une écriture vivante, vibrante. L'écriture du coeur, une écriture qui bat, qui palpite qui saigne. Encore une fois vous m'avez bouleversé Laurence.
"Mais moi je n'en veux pas des vraies histoires, elles ne m'intéressent pas les vraies histoires, écrire ça n'est pas raconter des histoires, c'est tenter d'atteindre la lisière de la vie, cette matière-là mouvante, violente, imprévisible, or la vie ce n'est pas une histoire, la vie ça ne se déroule pas, ça ne passe pas, ça se tord, ça hoquette, ça n'a ni début, ni milieu, ni fin, pas de personnages, ce sont des corps qui avancent, qui tombent, qui aiment, qui ne savent pas, on avance tous en titubant, et personne n'en sort indemne, on finit tous par mourir."
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