"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Jean-Michel est très heureux, en apparence : il a une femme brillante, un enfant éveillé, une belle carrière dans l'immobilier. Pourtant, ce bonheur est illusoire.
Les bleus sur sa joue pourraient être imputables à un mauvais coup au rugby. S'il n'ose pas en parler, c'est parce que la vérité est dérangeante. Un homme battu, c'est le déshonneur, mais battu par sa femme, c'est l'extrême soumission, la castration au ciseau à bois.
Jean-Mi endure les gifles et reste avec sa femme, jusqu'au jour où une rencontre improbable lui ouvre les yeux sur sa vie de couple.
« La violence est apparue incolore, insidieuse, avant d'éclabousser nos murs. D'abord une remarque désobligeante, ensuite des reproches, puis des gifles distribuées entre mes manquements et mes oublis. Je croyais que ce serait passager, que tu allais redevenir comme avant. Et plus tard, un coup de pied, un cendrier lancé à la figure. Tu me cognes pour canaliser la tempête qui prend toute la place dans ta tête.
Parce que c'était plus qu'une claque, Marylène, c'était l'hôpital et des points de suture. Une gueule de mec brisé. » Nicolas Robin, 44 ans, est l'auteur de plusieurs romans, dont trois, très remarqués, parus aux éditions Anne Carrière : Roland est mort (2016), Je ne sais pas dire je t'aime (2017) et Une folie passagère (2019). Dans La Claque, il aborde le sujet encore méconnu et pourtant bien réel des hommes battus.
L'incipit de ce roman donne le ton : "Le jour où j'ai fait rétrécir ton pull en cachemire, tu m'as giflé". On n'a encore rencontré aucun personnage mais quand on connaît la règle de l'accord du participe passé avec le verbe avoir, on sait que c'est un homme qui a été giflé. On retient son souffle et la première analyse se confirme de plus en plus violemment.
Jean-Michel, agent immobilier, 35 ans, rugbyman amateur, vit en couple avec Marylène depuis trois ans et son fils, Antonin, six ans, avec lequel il a lié une relation très forte. Il est heureux jusqu'à cette première gifle. Il pourrait répliquer avec ses 85kg contre ses 50kg à elle. Mais il refuse de devenir un homme violent parce que son éducation lui a inculqué qu'on ne frappait pas une femme et que la famille était un engagement.
C'est une rencontre tout à fait improbable, une bonne sœur complètement atypique, sur le parvis de la Défense, qui va lui montrer le chemin pour n'être ni victime, ni bourreau.
Nicolas Robin s'est attaqué à ce sujet encore tabou que sont les hommes battus, avec beaucoup de sensibilité, de justesse, d'émotion; il souligne le sentiment prédominant chez ces hommes qu'est la honte qui les empêche, encore plus que les femmes, de se confier : honte de se laisser dominer par une femme, peur de paraître une mauviette, peur des moqueries des autres hommes. Il faut rappeler ce chiffre : 28% des victimes de violence conjugales sont des hommes. En parler, prendre en compte ce phénomène, ne diminue en rien le combat pour protéger et sauver les femmes battues.
L'auteur aborde aussi le sujet des droits de celui qui n'est pas le père d'un enfant, ne l'a pas reconnu, mais l'élève comme son fils; lorsque le couple se sépare de façon conflictuelle, la mère peut couper tout lien entre son ex-compagnon et son enfant même si la loi a évolué.
Enfin, le thème des traumatismes de l'enfance qui déterminent l'adulte que nous devenons sous-tend tout le roman.
Le sujet des hommes battus émerge lentement en littérature sous la plumes d'auteurs qui savent parler aux émotions; je pense à "Ma grande" de Claire Castillon paru en avril 2018 ou très récemment "L'homme battu" d'Olivia Koudrine, paru en mai 2021, que je vais probablement lire.
Un beau roman qui fait réfléchir.
Un livre qui inverse les codes, Jean Mi est un personnage attachant, agent immobilier qui adore sa compagne Marylène et son petit garçon. Il semble avoir la vie idéale jusqu'à ce qu'un jour Marylène lui assène une gifle. A partir de là une mécanique se met en marche. En inversant les rôles, l'auteur fait réfléchir sur la honte, la difficulté de parler, de se sentir victime, les codes de la masculinité. Il instille de l'humour et un peu de lumière à travers le personnage de Soeur Solange qui va donner de la force au personnage, de l'innocence à travers la relation de Jean-Mi est Antonin. Il démonte les mécanismes de l'emprise dans un couple.
Un ouvrage efficace, qui réussit à rendre la tension palpable et on se demande comment cette violence va se terminer.
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