Alors que les membres du jury s’attèlent à leurs dernières lectures et peaufinent leurs arguments pour le 5 mai prochain, où ils devront désigner cinq romans finalistes, revenons sur les 30 titres sélectionnés pour le Prix Orange du Livre 2015.
Je viens est un roman comique. Il mouline les sujets qui fâchent, le racisme qui a la vie dure, la vieillesse qui est un naufrage, et les familles que l'on hait. Il illustre une fois de plus les lois ineptes de l'existence et leurs multiples variantes : l'amour n'est pas aimé, le bon sens est la chose du monde la moins partagée, les adultes sont plus immatures que les enfants, les riches se reproduisent entre eux et prospèrent sur le dos des pauvres, etc. Il vérifie aussi la grande leçon baudelairienne, à savoir que le monde ne marche que sur le malentendu. Charonne, personnage récurrent des romans d'Emmanuelle Bayamack-Tam et narratrice de la première partie est précisément celle qui vient chambouler cet ordre des choses - qui est aussi un crime contre l'humanité. Abandonnée deux fois (par ses parents biologiques puis par ses parents adoptifs), grosse, noire (ou perçue comme telle), Charonne est mal partie dans la vie mais elle va imposer sa vitalité irrépressible et la force agissante de son amour - quand bien même cet amour n'est ni reconnu ni apprécié (cf. les lois ineptes de l'existence). Mais pour accablante qu'elle soit, la réalité devrait pouvoir s'écrire sans acrimonie, dans une langue qui serait celle de la farce ou du vaudeville - avec lequel cette histoire a beaucoup à voir.
Je viens est un roman fétichiste, investi par les objets, ceux que l'on achète, collectionne, inventorie, transmet. Ce livre est une maison, Bleak House dickensienne dans laquelle chaque narratrice (elles sont trois) s'aménage une chambre à soi. Certains éléments décoratifs ont été chinés virtuellement (l'ottomane, les papiers peints vintage.), d'autres encore appartiennent à l'espace du dedans, souvenirs fabriqués, malentendus et haines tenaces, tout aussi concrets que les autres. Les personnages finissent eux aussi par être gagnés par la matière, se réifier et se figer comme si la maison tenait les habitants sous ses sortilèges : l'enfant est un objet que l'on ramène en boutique parce qu'il ne fait pas l'affaire ; la grand-mère se vitrifie sous son maquillage d'un autre âge, ses laques et ses parfums.
Je viens est une histoire de fantômes, trois morts que la maison cantonne dans une pièce embrumée de fumerolles bleues. Pythonisses incertaines de leurs oracles, détenteurs d'une sagesse qui peine à s'exprimer, ils n'en vaticinent pas moins à l'intention de Charonne, Nelly et Gladys. Ils sont le contrepoint mystérieux et poétique de ce récit si prosaïque, la promesse que la vie ne tient pas toute entière dans l'accumulation des biens matériels, si jouissive que soit cette possession. Le récit rend compte de cette jouissance, mais il dit aussi qu'un message viendra de la mer, un message qui sera à la fois enfance de l'art et déploiement de la magie.
Je viens est fait d'autres livres. C'était déjà le cas des précédents romans d'Emmanuelle Bayamack-Tam, mais elle semble avoir décidé de systématiser et surtout d'exhiber le procédé. Je viens s'est donc écrit depuis cette expérience de la sidération que constituent les premières lectures, sidération qui tient autant à l'histoire racontée qu'à la matérialité du livre, sa couverture et ses illustrations. De fait le livre de contes fait ici partie de ces objets que les personnages se transmettent. La Belle-au-bois-dormant, La Chèvre de M. Seguin, Petrouchka, Les Musiciens de Brême, La Reine des neiges, traversent et trament le récit, passant d'une partie à l'autre et se chargeant de significations personnelles et parfois dérangeantes. Pour Charonne les contes participent aux sortilèges de la maison et la font vivre sous une sorte de dôme, snowglobe enchanté dont il s'agira de sortir pour aller à la rencontre de la ville sans nom, c'est-à-dire Marseille.
Enfin, Je viens est un triple portrait de femmes. Une fille, sa grand-mère et sa mère y prennent successivement la parole. Les trois récits se recoupent parfois, sans qu'il y ait de redite, ni même de véritable concordance. On frôle parfois la contradiction, car comme le dit Charonne (la fille), « on n'est jamais si bien dupé que par soi-même », ce qui fait que chacun vit dans sa petite vérité intime et invérifiable.
Nelly (la grand-mère) raconte sa vie in extremis, entre ressassement et déploration. Sa mémoire flanche et sa voix se brise à trop buter sur « ce qu'on devient ».
Parce qu'elle cherche à justifier son incapacité à vivre, Gladys (la mère) produit quant à elle un discours vindicatif et furibond qui tient souvent du délire. Elle est sans doute le personnage le plus ingrat du récit.
Charonne est celle qui vient. Si les connotations érotiques de ce verbe existent, Ce n'est pas ce qui intéresse l'auteur. « Je viens », c'est la proclamation, par Charonne et à la suite de Michaux (« Agir, je viens »), de sa volonté de redresser les torts, de parler contre les lois ineptes, de faire passer sur la maison borgne comme un souffle de bienveillance qui en dissiperait la léthargie et les aigreurs.
Charonne est une missionnaire, comme le sont souvent les personnages d'Emmanuelle Bayamack- Tam, et elle la lance dans une geste héroïque, à l'assaut du racisme ordinaire, de la négligence parentale et de la dépression sénile, pour ne citer que quelques uns de ses adversaires identifiables. « Où était éparpillement, est soudure, où était infection, est sang nouveau, où étaient les verrous est l'océan ouvert. ».
Alors que les membres du jury s’attèlent à leurs dernières lectures et peaufinent leurs arguments pour le 5 mai prochain, où ils devront désigner cinq romans finalistes, revenons sur les 30 titres sélectionnés pour le Prix Orange du Livre 2015.
Ils sont enfin en poche, tous les livres qu'on aime !
Après avoir établi une liste de trente romans le 9 mars dernier, le jury du Prix Orange du Livre s'est à nouveau réuni ce mardi 5 mai pour sélectionner les cinq finalistes. Retour sur des débats hauts en couleurs !
Charonne est adoptée à l’âge de cinq ans par Gladys et Régis qui, au bout de quelques mois, n’en veulent plus. Parce qu’elle est devenue trop noire, trop grosse, que ses cheveux sont crépus… Ce n’est pas ce qu’ils avaient commandé. Heureusement, la grand-mère Nelly va s’occuper d’elle. Charlie, le grand-père, l’emmène faire la tournée des bars avec lui ; elle y rencontre ses amis tous plus racistes et homophobes les uns que les autres. Ses parents passent leur temps à voyager et à tester de nouvelles philosophies de vie. Et puis il y a Coco son seul ami, le jeune fantôme héroïnomane et épris de poésie, que Charonne retrouve dans le bureau du haut, avec qui elle lit des contes russes.
C’est une lecture vraiment singulière, qui se déroule en trois parties ; une partie pour chacune de ces femmes : Charonne, Nelly & Gladys, trois générations de femmes différentes. Trois vérités également, trois façons de voir les choses. Charonne, la première à prendre la parole, est l’enfant abandonnée toute son enfance, rejetée par sa mère biologique puis par ses parents adoptifs. Si elle a envie de se jeter par la fenêtre à six ans, elle va finir par développer malgré tout une joie de vivre et apprendre à vivre avec sa famille en i. Nelly, ancienne vedette de cinéma, qui se désespère de vieillir, va s’occuper de cette enfant indésirable. Gladys, la non-mère, est exécrable, haineuse et mesquine, elle verra toujours en Charonne une gamine calculatrice et avide d’argent.
Une lecture dense, qui aborde au fil des pages de nombreuses questions, comme le racisme, la vieillesse, la famille et ses relations complexes… Le comportement de la mère adoptive, Gladys, m’a complètement révoltée. En fait, la plupart des personnages m’ont beaucoup agacée et je n’ai pas ressenti le moindre attachement pour eux.
Si j’ai trouvé l’écriture très belle, j’ai eu du mal à me plonger dans ce roman ardu… Je suis restée extérieure à l’histoire et me suis franchement ennuyée par moments. Mais il y a certains passages que j’ai beaucoup aimés, poétiques et irréels, comme ceux qui se déroulent dans le bureau et qui mettent en scène le fantôme héroïnomane, allongé nonchalamment sur l’ottomane, qui prend une allure différente en fonction des personnes qui le rencontrent.
Emmanuelle Bayamack-Tam est agrégée de lettres modernes, née à Marseille, elle vit et enseigne le français en région parisienne. Elle a publié deux pièces, huit romans et obtenu le prix Alexandre-Vialate en 2013 pour "Si tout n'a pas péri avec mon innocence". Elle a sévi également dans le genre policier, sous le pseudonyme de Rebecca Lignieri.
Je viens, paru en janvier 2015 était dans ma pile à lire depuis le printemps dernier. Je l'ai enfin lu. Grand bien m'a pris ! L'écriture est belle, très belle. Les sujets abordés : le racisme, la vieillesse, la maladie, l'amour, le manque d'amour, l'abandon, la famille recomposée, l'argent, ses travers, les trahisons, les désillusions et tant d'autres. Tous nous incitent à la réflexion. Ajoutez-y un fantôme et nous voici embarqué dans un conte philosophique.
Je viens, c'est trois portraits de femmes. Une fille, sa grand-mère et sa mère. Elles prennent successivement la parole. C'est Charonne qui ouvre le bal. Charonne a vingt ans. Née d'une mère rwandaise qui s'est fait violer par un soldat belge, Charonne a été abandonnée à la naissance. Adoptée à cinq ans, elle sera abandonnée une seconde fois par sa famille d'adoption. Charonne a six ans quand elle se retrouve avec ses parents adoptifs dans le bureau de l'aide sociale à l'enfance pour sa restitution. C'est que Charonne est une petite fille noire, grosse, avec de la paille sur la tête en guise de cheveux. Elle est loin des standards attendus. Alors, comme ses parents adoptifs ne peuvent se débarrasser d'elle, ils la garderont bon gré, mal gré. Charonne grandira dans l'indifférence de tous, sans amour, ni tendresse mais dans une maison bourgeoise du boulevard du Belvédère à Marseille. Ses grands-parents adoptifs y habitent également. Charonne ne connaîtra que le racisme et le rejet jusqu'au jour où sa grand-mère adoptive prendra conscience de la situation de Charonne et lui ouvrira son cœur. Loin d'être complexée par sa couleur de peau et son surpoids, Charonne est une jeune fille intelligente dotée de répartie, d'autodérision et d'humour. Elle est généreuse et bienveillante à l'égard des membres de sa famille adoptive. Le racisme est son quotidien, elle fait avec. Charonne a un rêve, elle veut devenir une vedette comme sa grand-mère, Nelly.
Nelly porte un regard très ironique et caustique sur sa vie, notamment sur sa vie amoureuse et sexuelle, mais également sur la femme qu'elle est devenue. Autrefois très belle et très convoitée, elle reste obsédée par son apparence. Bien qu'elle soit toujours très coquette malgré ses quatre-vingt-huit printemps, Nelly n'est pas aussi superficielle qu'elle voudrait nous le faire croire. C'est la seule qui manifestera de l'intérêt et de l'affection pour Charonne. C'est en parlant de son sujet favori, à savoir, elle-même, que Nelly sensibilisera Charonne aux relations mère-fille, homme-femme, à la nécessité de se fixer des objectifs dans la vie, cette vie qui passe trop vite, bien trop vite et dont il faut jouir avant de devenir sénile. Nelly apporte un regard touchant et très lucide sur la vieillesse et la maladie.
Nelly est plus proche de Charonne que de sa propre fille, Gladys, que rien ne semble toucher. Et pourtant au fur et à mesure que Gladys s'exprime, ses blessures jaillissent. Une mère trop occupée à gérer sa carrière de pseudo-actrice, un père qui voue une passion au genre féminin, ce n'est qu'avec Régis, son "frère d'alliance", à la suite du remariage de sa mère avec Charlie, que Gladys trouvera un équilibre. Frère d'alliance deviendra époux. Un vrai Vaudeville !
Malgré ces quelques lignes, Je viens reste un livre assez indescriptible. Réalité et fiction, passé et présent se mêlent et se confondent. Je viens bouscule les traditions familiales et est surtout une belle description du racisme ordinaire et de la vieillesse, jugez plutôt :
"J'ai six ans, j'en ai dix, j'en ai treize, Charlie perd la tête mais j'ai toute la mienne et elle est aussi bien faite que bien pleine, en dépit des commentaires désobligeants qu'elle s'attire :
- Tiens, t'as encore amené ta guenon ?
- Qu'est-ce qu'elle est vilaine !
- Ben dis donc, celle-là, tu vas avoir du mal à la marier !
- Elle va à l'école ? Ils ont réussi à lui apprendre à lire ? Ah
ils sont forts, les profs d'aujourd'hui !
- Penses-tu ! Elle sait même pas parler !
- A part le langage des singes, quand elle veut sa banane !
- Y'a bon banane !
- Note que y'a le zoo, pas loin : t'as qu'à la mettre avec ses
frères et sœurs ! (p. 45 - 46)
.../...
C'est une blague, voilà ce que je me dis tous les matins depuis vingt ans, en me regardant dans la glace, sous l'éclairage pourtant flatteur de ma salle de bains. Heureusement que passé un certain âge, Dieu nous envoie la presbytie. Et puis quand la presbytie ne suffit plus, l'Alzheimer prend le relais, ce qui fait que l'un dans l'autre, nous ne serons jamais tout à fait conscients de l'étendue des dégâts. Mais même avec cette faible conscience, même avec cette acuité visuelle amoindrie et cette tête qui n'y est plus vraiment, je n'en reviens toujours pas et je m'y fais encore moins. (p.147)
Jamais triste, acide et humoristique, Je viens mérite d'être lu. Même si parfois nous avons l'impression de nous égarer, au bout du compte, on apprécie ces femmes, surtout Charonne. Et puis la plume d'Emmanuelle Bayamack-Tam est tellement belle !
Alors, viens, venez et laissez-vous guider par le fantôme du 27 Bld Belvèdère...
JE VIENS vient ( ça me rappelle une chanson !) de me procurer un plaisir énorme, celui de découvrir un auteur qui entrera dorénavant dans le peloton de ceux que je suivrai à jamais ! Je sais bien qu'il ne faut jamais dire jamais, mais la lecture du dernier roman d'Emmanuelle Bayamack-Tam est de celles qui vous font tout oublier autour de vous et vous rend addict total à un univers, une écriture.
JE VIENS, pourtant, fut un livre qui végétait depuis quelques mois sur ma pile à lire. On me l'avait offert mais je n'avais pas vraiment envie de m'y plonger malgré une presse plutôt dithyrambique. C'est d'ailleurs cette même presse qui m'a fait un peu reculer. Comme elle en dit souvent trop, je la parcours en diagonale... et mon oeil était tombé sur des phrases vantant la présence de fantômes dans l'histoire, dialoguant avec les personnages et tenant un assez grande importance. Mon sens cartésien, très très peu porté sur l'ésotérisme de bazar n'a fait qu'un tour et m'a fait regarder l'ouvrage avec l'envie d'un chat devant un bol de céleri rave. Et puis, un soir, un peu désoeuvré, j'ai ouvert le livre et j'ai lu le premier paragraphe. Et là, dès les premières lignes j'ai su que quelqu'un qui écrivait ce qui suit, ne pouvait pas me décevoir :
L'un des grands avantages de la négligence parentale, c'est qu'elle habitue les enfants à se tenir pour négligeables. Une fois adultes, ils auront pris le pli et seront d'un commerce aisé, faciles à satisfaire, contents d'un rien. A l'inverse, ceux qu'on aura élevés dans le sentiment trompeur qu'ils sont quelque chose multiplieront à l'infini les exigences affectives, s'offusqueront au moindre manquement et n'auront de cesse qu'ils ne vous pourrissent l'existence. Faites le test.
JE VIENS, c'est ce regard mordant sur nos vies, avec une touche d'empathie pour tous ceux qui le méritent et une plume acérée et habile qui sautille sur les mots, les situations avec un appétit féroce pour décrire les sentiments même les plus inavouables. Alors qu'importe qu'il y ait des fantômes, ce livre est pur bonheur de fantaisie, de construction, de style.
JE VIENS, sous ses allures légères, s'empare de sujets âpres comme le racisme ambiant dans toutes les couches sociales ou l'adoption comme mode de contentement et donc acte de consommation, mais aussi creuse un sillon narquois et réjouissant en décrivant la famille comme le nid de toutes les névroses ou l'enfer sur terre qu'est la vieillesse lorsqu'elle nous tombe dessus. Et malgré ce qui apparaître un handicap pour un lecteur qui souhaiterait se détendre face à notre monde, le roman emporte tout sur son passage, tel un fou du roi qui gratouille avec facétie.
JE VIENS ne se résume pas à son histoire de famille allumée mais possède un deuxième niveau de lecture tout aussi emballant, car jamais lourd, jamais prétentieux par rapport au lecteur qui ne posséderait pas les codes (au contraire même, partageuse, l'auteur se débrouille avec finesse pour justement enrichir celui qui ne les possède pas). Un jeu perpétuel ( et érotique) avec certains contes classiques ( ici, la belle au bois dormant et la chèvre de Mr Seguin) qui prennent un sens psychanalytique franchement marrant. Et puis d'autres références peuvent faire plaisir aux amateurs de clin d'oeil. J'en ai vu quelques unes mais je suis persuadé que le texte en recèle beaucoup, placées avec talent, pour ne jamais ralentir ni baisser le régime du récit.
JE VIENS a été un formidable moment de lecture, un de ceux dont on se dit après avoir tourné la dernière des 462 pages que compte ce livre : Zut, c'est déjà fini ! J'ai été happé par cet univers bourré d'imagination, ludique, caustique. Même si certains narrateurs sont franchement imbuvables ( Gladys, la mère végétarienne, bouddhiste, sans gluten, ayant essayé de rendre sa fille adoptive après un an d'adoption pour incompatibilité d'humeur ), l'écriture fluide et inventive d'Emmanuelle Bayamack-Tam balaie tout sur son passage pour notre plus grand plaisir.
JE VIENS est le plus merveilleux cadeau que j'ai eu en cette fin d'année 2015 par ailleurs si sinistre. C'est la promesse, que quoi il se passe et arrive, certains d'entre nous ont le don pour nous insuffler de l'énergie en offrant cet inestimable expérience d'une lecture qui nous enthousiasme et que l'on a envie de partager.
Dans la famille moi d'abord les autres ensuite, je demande la grand-mère, l'actrice la femme fatale, et puis la mère, vite passons, et enfin la fille, Charonne.
C'est un livre qui se lit comme un jeu de cartes, au départ, on distribue les cartes, un peu comme un nouvel être qui arrive sur Terre, un mélange de hasard et de caractérisques propres, l'inné et puis pour mettre un peu de piquant, il faut du hasard, des atouts, des questions et des choix multiples, et bien çà c'est la pioche !
Et là, quel imbroglio ! !
Nous avons en un livre, toutes les possibilités, le bon comme le meilleur, le sublime comme la médiocrité, et tout son lot de sentiments, de facilités, l'empathie et la haine, l'amour et le rejet, l'argent et la pauvreté, les blancs contre les noirs...
Et puis vous avez ces êtres sublimes, qui malgré toute l'adversité vont s'élever et ne voir que le meilleur dans toutes les situations, çà c'est Charonne, jeune enfant noire adoptée pour combler le vide de deux âmes soeurs !
Et pour vivre et grandir dans cette famille, il faudra en avoir du courage, affronter une mère qui vous ignore et vous rejette alors même qu'elle vous a choisie, c'est dur !
Sa mère qui aurait pu être tellement différente si par un malencontreux concours de circonstances, elle n'avait pas rencontré ces deux pestes, si elle avait pu aimer elle aussi ses parents, cette mère tellement parfaite...
Cette femme qui ne veut pas vieillir, qui a été adulée, chouchouttée durant toute sa vie, ancienne star de cinéma, une vedette comme on n'en fait plus..qui a élevé sa fille de loin, qui aurait pu et aurait du très certainement lui accorder plus d'attention.
Sa fille qui lui ressemblait tant enfant, qui était tellement prometteuse, et qui du jour au lendemain est devenue cette "chose"...
Quand je dis que tout aurait pu être différent, je fais référence au fait que l'on peut croire quelque fois que le destin est tout tracé, une belle famille, des parents beaux et intelligents, une bonne éducation et l'on pense tout de suite que la descendance suivra ce chemin tout tracé et bien non...lisez ce roman !!
Trois chapitres pour les points de vue de Charonne (la petite fille), Nelly (la grand-mère) et Gladys (la mère) sur leur vie de famille. Trois générations, des vécus communs, des ressentis très différents, de nombreuses tensions et surtout des rancœurs.
Ce qui est intéressant dans le fonctionnement de ce roman, c’est que lorsqu’une narratrice nous raconte sa vie, nous y croyons. Quand une autre nous retrace les mêmes évènements sous un angle différent, nous trouvons les explications à leurs comportements. J’ai alors envie de leur ouvrir les yeux sur l’autre pour qu’elles recommencent leur vie avec beaucoup plus d’écoute et de partage. Il en est ainsi dans nos vies quotidiennes.
Des thèmes très actuels et variés sont abordés et peuvent nous toucher : l’obésité et le regard de l’autre, le racisme, la vieillesse, l’adoption, les regrets d’une mère (« j’avais qu’à aimer les gens au lieu de restaurer les objets ») et une pointe de surnaturel auquel nous nous raccrochons parfois pour survivre.
Le personnage de la grand-mère est très attachant, j’ai eu envie de plaindre celui de la mère qui essaie de se convaincre qu’elle aime son mari (et qu’ils partagent un amour sans faille) en le répétant tout au long de son chapitre. Quant à la petite fille, elle m’a attristée par ses difficultés à être aimée par sa famille dont ses parents en priorité.
J’ai adoré lire les aventures de ces trois personnages hors du commun. Le livre est divisé en 3 parties pour nous offrir le point de vue des ces 3 femmes diamétralement opposées:
On débute avec Charonne qui est une jeune fille noire, obèse, abandonnée à la naissance par ses parents biologiques puis abandonnée par ses parents adoptifs. Elle s’invente des histoires et s’imagine star de la chanson à la façon de Marvin Gaye.
Puis nous avons Nelly, une ancienne star, la grand-mère adoptive qui ne parle que de ses 2 maris (le premier dont elle était éperdument amoureuse et le second qui fût beau comme un dieu), de son maintien de sa ligne même à 85 ans, néglige sa fille Gladys, méprise ses employés de maison, se sent seule mais c’est la seule à s’inquiéter pour Charonne. Elle prévoit de se suicider avec son mari qui perd la boule parce qu’elle en a assez de vivre.
Et puis il y a Gladys qui est la fille de Nelly, elle a épousé son demi-frère, le fils du second mari de sa mère, n’a jamais su lui donner d’enfant d’où la présence de Charonne dans la maison. Elle n’aime personne n’a jamais fait d’étude ni même travaillé et passe six mois de l’année au Bhoutan.
Charonne est le personnage fragile de l’histoire celui qui nous sensibilise, tandis que Gladys est le personnage le plus odieux, elle est même capable de penser que Charonne devrait faire le concours de télé-crochet afin de se ridiculiser devant la France entière et qu’elle comprenne qu’elle n’a pas de véritable talent. Au bout de 6 mois elle a voulu « rendre » Charonne car elle était devenue trop « noire » (ce dont elle ne s’attendait absolument pas d’autant plus que le mari de sa mère (donc son beau-père qui est aussi le père de son mari) est raciste) et trop obèse.
Bref, des personnages hors du communs qui évoluent à Marseille aux abords d’un zoo vide et dans une maison dans laquelle s’introduisent quelques fantômes qui ont pour habitude de se droguer dans le bureau. Ce qui est d’ailleurs mon seul bémol puisque je n’ai pas très bien compris leurs rôles dans cette histoire. Les grands thèmes qui m’ont poussés à lire ce roman étaient le racisme, la (non) relation parents/enfants, le rapport entre les « classes sociales » et la vieillesse et je peux dire que je n’ai pas été déçu car tout ceci est très bien traité avec une touche d’humour (grinçant).
https://animallecteur.wordpress.com/2015/02/27/je-viens-emmanuelle-bamayack-tam/
livre très étonnant en rapport au précédent, les portraits des personnages amènent une vision différente de la réalité perçue par chacun, l'écriture de très haut niveau et le lecteur est toujours surpris par l'histoire et ses rebondissements qui vont assez loin dans le coté noir des sujets.
humour, décalage, fantômes,...
C'est un livre qui se lit par petites touches. Je lui trouve cependant quelque longueurs et suis un peu déçue après l'enthousiasme qui m'avait emporté il y a deux ans avec "Si tout n'a pas péri avec mon innocence" , du même auteur. On retrouve les mêmes éléments: les deux femmes, mère et grand-mère, déjà Gladys ce prénom qui revient et surtout l'un des personnages principaux: la jeune fille, malmenée par l'existence. C'est pour moi un roman moins bien ciselé, pour autant faut-il s'arrêter là, je ne crois pas.
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