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Je viens de tuer ma femme. Ce qui m'ennuie, c'est les faire-part. Je dois absolument les écrire avant d'aller à la gendarmerie. Évidemment je n'ai plus de timbres. Je lui en avais pourtant demandé d'en acheter. En prévision. Je vais devoir m'habituer à faire les choses moi-même. Au moins aujourd'hui. Demain le juge s'occupera de tout. Je n'aurai plus à penser. Je serai libre.
C'est par ces mots qu'Emmanuel Pons nous embarque dans un roman étonnant, qui se joue de la vraisemblance et de la réalité, car tout y est vraisemblable, tout y est vrai.
Emmanuel Pons a tué sa femme. Il s'en est débarrassé avec soulagement, sûr de son bon droit, comme si son acte n'était en définitive que la fin d'une relation qui l'étouffait, le blessait, l'empêchait d'être lui-même. Il l'a fait de façon organisée, raisonnée, sans préméditation, à la fin d'une journée semblable à toutes les autres, la journée d'un couple ordinaire, sans éclat, sans passion.
6 Qui pourrait croire Emmanuel Pons capable d'un tel geste ? Qui aurait pensé qu'il pût s'acharner sur sa femme à coup de couteau, la rouler dans un tapis puis la ranger dans le congélateur qu'elle venait de remplacer pour y stocker plus de denrées ?
Personne, à Oherville, petit hameau de Normandie où il habite, ne le prend au sérieux lorsqu'il avoue son crime au détour de conversations qu'il voudrait salvatrices. On ne s'émeut pas. On écoute distraitement. Le crime ne parvient même pas à lester le coupable d'une aura particulière.
La vie quotidienne continue. Elle va durer sept jours. Sept jours où, même si l'étau se resserre, rien ne change vraiment dans la vie d'Emmanuel Pons. Il se lève, mange, parle à sa femme, vigoureusement ou tendrement, se couche, échafaude des plans pour la faire disparaître, la soustraire aux éventuelles investigations de la gendarmerie, prépare une fuite en règle, être là, puis ne plus y être, disparaître pour toujours, ailleurs, à l'étranger, loin en tout cas.
Il n'ira pas loin, ou partira pour toujours, c'est selon...
La lecture de ce roman nous ébranle profondément. L'histoire, insensée, violente, subversive, est racontée si simplement qu'elle nous maintient dans la vie réelle, sans jamais, malgré l'outrance, nous en faire sortir. Nous balançons sans cesse entre beau fou rire et léger frisson d'inquiétude.
C'est tout le talent singulier d'Emmanuel Pons, qui nous donne là son premier roman.
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