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Zakhar Prilépine, que beaucoup considèrent en Russie comme le Maxime Gorki de notre temps, est, à 38 ans, l'auteur d'une dizaine de romans traduits dans plusieurs langues. San'kia, le plus célèbre d'entre eux, a fait de lui un gourou de la jeunesse. Ni ses idées politiques radicales ni son engagement dans le mouvement national-bolchevique de Limonov ne détournent de lui des millions de lecteurs. C'est qu'il empoigne la terrible réalité russe des « années zéro », de 2000 à aujourd'hui, sans pathos ni faux-semblants, avec une lucidité implacable servie par un immense talent. Il était temps d'offrir aux lecteurs français son Je viens de Russie, recueil de miniatures écrites à la volée, sur les genoux de l'actualité. Autant que le sous-texte de ses romans, elles forment un condensé merveilleusement spontané de ses émotions, de ses colères et de ses intuitions. Ainsi, ose-t-il avouer avec humour ses pulsions régicides dans « Comment je n'ai pas tué Eltsine ».
Il y est donc question de politique, de littérature, d'histoire, d'amour, d'impressions de voyage, de tout ce qui le fait vivre et écrire à cent à l'heure. Il dit mieux que personne l'effroi que ressent la grande majorité des Russes devant « le magma incandescent qui cherche la sortie », autrement dit la menace d'effondrement général qu'il nomme Terra Tartarara. Mais, en contrepoint de cette version possible d'Apocalypse now, il dit tout son bonheur de « venir de Russie », ses sensations d'enfance provinciale qu'il garde aussi fraîches que la délicieuse brûlure de la neige dans les bottes. L'unité du livre tient à cet alliage subtil de pressentiments funestes et de jubilation infinie d'appartenir à cette terre.
Ces chroniques écrites en 1999 et 2011 sont de diverses longueurs, d'intérêt varié et de compréhension plus ou moins évidente. Ce sont des articles politiques, Zakhar Prilepine est très engagé contre le régime actuel, contre les libéraux et l'ouverture au capitalisme sans garde-fou, sociétales, sociales, littéraires, selon les humeurs et les envies de l'écrivain. Elles ont toutes en commun de parler de la Russie d'aujourd'hui, parfois sur un mode revendicatif, parfois en parlant de l'histoire de ce pays et de ses habitants pour mieux tenter d'expliquer les raisons pour lesquelles selon lui, le capitalisme sauvage de ces vingt dernières années ne fonctionne pas. Z. Prilepine ne prétend pas avoir raison, il prétend avoir des opinions, des avis ni plus légitimes ni moins que les avis des gouvernants actuels, et souhaite les exprimer sans crainte pour lui ou pour les siens. Car en Russie, il ne fait pas bon être contre V. Poutine : contrôles fréquents, intimidations pour les actes les plus insignifiants.
Ces chroniques sont un excellent moyen de se faire une idée non passée par le filtre des médias et politiques occidentaux : on est avec quelqu'un de l'intérieur, comme disait Francis Cabrel qui n'a rien -enfin peut-être m'avancé-je- de russe mais c'était juste pour montrer l'étendue de ma connaissance en matière de chanson française ! Z. Prilepine vit en Russie avec femme et enfants, il participe à la vie littéraire, intellectuelle, politique de ce pays qu'il aime tant, au point parfois de virer carrément nationaliste, et là, j'avoue que je coince un peu ; bon, du chauvinisme, pourquoi pas, on aime bien dire du bien de son pays quand il le mérite, mais dans quelques chroniques je trouve qu'il va un peu loin. Ceci étant, la Russie a été tellement décriée que tenter de la rétablir aux yeux de tous est une tâche quotidienne à laquelle s'emploie aisément l'auteur. Il reste fidèle à ses idées qui sont de ne pas jeter tout le passé de son pays avec Staline et ses millions de morts.
Dans ses écrits, il n'est pas tendre, ni avec Gorbatchev ou Eltsine que nous voyons en Occident comme les précurseurs de l'ouverture du pays à la liberté, ni avec V. Poutine, ni avec les apparatchiks du pouvoir actuel ou les courtisans. Il peut cependant l'être dès qu'il parle de sa vie d'enfant, de sa bien-aimée et de ses enfants et de son pays, de sa culture. C'est un livre instructif, parfois excessif qui me renvoie une image assez fidèle de celle que j'avais avant du peuple russe : "Je raconte qu'il existe un mythe sur l'attirance intime des Russes pour une main de fer, le despotisme et la tyrannie. Mais que les Russes se rappellent et n'apprécient pas moins la clémence de leurs dirigeants que n'importe laquelle de leurs décisions autoritaires." (p.81) Un mythe qui n'en est pas vraiment un, comme il le montre dans ces textes : son peuple aime avoir à sa tête des hommes forts, puissants qui savent montrer qu'ils ont de l'audace et qu'ils n'ont pas peur, il aime aussi les voir humains, et c'est sur ce paradoxe que Vladimir Poutine forge sa stature et son pouvoir qu'il n'est manifestement pas prêt de perdre au vu des derniers événements en Crimée particulièrement et plus largement en Ukraine.
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