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Jan Karski est un messager de la résistance polonaise.
En 1942, il entre dans le ghetto de Varsovie, puis essaie d'alerter le monde sur le sort de la Pologne et l'extermination des Juifs d'Europe. Pourquoi Jan Karski n'a-t-il pas été écouté ? Que s'est-il passé, à Washington, en 1943, lors de son entretien avec le président Roosevelt ? Qu'est-ce que Jan Karski veut dire lorsqu'il déclare : " Je suis un catholique juif " ? Ce livre, avec les moyens du documentaire, puis de la fiction, interroge le destin de cet homme exceptionnel, dont l'existence modifie l'histoire du XXe siècle.
Un livre bouleversant, qui modifie le regard sur la Shoah, la Pologne et les Américains qui ne sauvent plus le monde depuis bien longtemps.
Tout a commencé par un film ou plutôt une œuvre : "Shoah" de Claude Lanzmann. Yannick Haenel, le regarde, et parmi tous les témoignages d'une force et d'une intensité inouïes, il est bouleversé par celui d'un homme : Jan Karski. Qui est-il, ce Polonais devenu Américain, à la voix lente qui commence l'entretien par une fuite hors du champ de la caméra ? Karski est un résistant, membre actif de l'armée intérieure polonaise, qui fut chargé d'une tâche aussi ardue qu'essentiel. Il est, auprès de l'Occident, porteur d'un message douloureux et urgent : l'extermination des Juifs est en train de s'accomplir au centre de l'Europe. Messager "officiel" du gouvernement polonais réfugié à Londres, il a pour mission d'alerter, entre autres et en priorité, les gouvernements anglais et américain sur ce qu'il a vu dans le ghetto de Varsovie où il s'est rendu deux fois avec un guide polonais, et dans un camp. Lui-même a été arrêté, torturé par les SS, a frôlé la mort de si près que son existence est un miracle, est parvenu on ne sait comment à s'échapper de l'Europe assiégée. Et il découvre que malgré tout cela, les plus hautes instances américaines mettent en doute son témoignage, se montrent plus incrédules qu'empressés d'agir. On ose lui dire : « Je ne dis pas que vous êtes un menteur, mais je ne vous crois pas. » Karski a un entretien pathétique et désespérant de nullité avec Roosevelt à la Maison-Blanche, qui baille et ne cache pas son ennui. Sidéré par cette indifférence, miné de ne pas être parvenu à faire passer son message comme il le souhaitait, c'est-à-dire en déclenchant des réactions immédiates et des actions concrètes, il rumine ce qui est pour lui son échec et qui deviendra son cauchemar. Après avoir survécu à tant d'horreurs, il reste donc brisé, partagé entre indignation et désespoir, mesurant la distance abyssale qui sépare l’Amérique en guerre conquérante des réalités des camps, des wagons à bestiaux et des fours crématoires de la vieille Europe...
En 1944, il publie un livre-témoignage "Story of a Secret State" ("Histoire d’un secret d’Etat", pour la traduction française de 1948 ), qui, d’ailleurs, comprend des passages supprimés dans la première édition, pour ne "choquer" (!!!) ni les Soviétiques ni les Américains... Il a été réédité en 2004 sous le titre "Mon témoignage devant le monde".
Haenel a divisé son livre en trois parties qu'il explique dans une note avant le début du récit.
La première partie est consacrée au témoignage de Jan Karski dans le film "Shoah". L'auteur précise que les paroles retranscrites dans le livre sont très exactement celles que Karski prononce, le reste est la description exacte de ce que l'on voit à l'écran.
La deuxième partie est un résumé du livre de Karski sur 80 pages, de sa mobilisation au début de la guerre à son entretien à Washington avec Frankfurter, en passant par ses visites au ghetto de Varsovie et dans un camp, sa vie de résistant. Le récit est à la troisième personne.
Enfin, dans la dernière partie, Haenel se met à la place de Karski, du Karski exilé et qui n'a pas réussi à se faire entendre, le Karski d'après la guerre, dans cette période où, d'après Haenel, on ne sait plus rien de la vie du résistant. L'écrivain a décidé de parler à la première personne, à la place de celui qui, ayant échoué à faire réagir les nations d'Occident sur la question juive, s'est enfermé un temps dans le silence. Ce n'est pas une attitude surprenante, les rescapés des camps en ont fait autant qui témoignent, après la guerre, que personne n'a voulu les écouter ni les entendre. C'était trop dur à supporter, sans doute, ces récits au-delà de l'horreur. Tout comme était insupportable, insurmontable le message de Karski. Haenel a pour ambition de dire de l'intérieur le désespoir, le cauchemar, la rumination incessante d'un homme qui a dû porter un message trop lourd pour lui, ses accès de révolte. "Un homme porte l’enfer de Dante en lui et on ne le croit pas." On comprend aisément l'intention de Yannick Haenel, il veut nous faire partager la nuit intérieure, la solitude unique du prophète qui n'a pas été entendu, du témoin capital mais impuissant.
Sauf qu'on ne peut pas faire de la prosopopée avec de l'indicible. Et que le livre d'Haenel pêche par orgueil.
Au-delà de toutes les polémiques dont il a fait l'objet, pas toujours justifiées, parfois démesurées, le livre d'Haenel pose une question aussi littéraire que philosophique, celle des limites de la fiction. L'écrivain a-t-il le droit de faire de la fiction avec des personnages historiques, en s'immisçant dans leur esprit, en parlant à leur place ? La question ne se poserait pas de la même façon, avec la même passion si le personnage concerné n'était pas un résistant polonais, un témoin des atrocités commises sur les Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, un rescapé de la barbarie, un messager du pire que personne n'a voulu croire... Si le sujet n'était pas aussi grave, aussi terrible. Si l'on n'avait pas l'impression qu'Haenel fait dire à Karski ce qu'il ressent, lui, qu'il ré-interprète les faits, qu'il invente les mots et les pensées, qu'il veut surtout insister encore et encore sur la culpabilité de l'Occident qui n'a rien fait alors qu'il savait. Il ne s'agit pas de dire qu'il est interdit d'écrire sur certains sujets, sous prétexte qu'ils nous dépassent, bien au contraire. Jorge Semprun qui a pris part à la "polémique" avec une légitimité plus qu'absolue, estime qu'Haenel est «dans la lignée de ces jeunes écrivains qui s’attaquent à des sujets difficiles, essentiels, comme Jonathan Littell avec Les Bienveillantes. A-t-on le droit de parler de la Shoah dans un roman ? Oui. A-t-on le droit de parler de la Shoah si on n’est pas Claude Lanzmann ? Oui». Si ce n'est que Yannick Haenel ne se contente pas de parler de la Shoah. Il fait parler Karski de la Shoah et c'est en cela que le livre sonne faux. Pourquoi avoir choisi de commenter un entretien filmé qui se suffit à lui-même ? Pourquoi avoir voulu résumer en 80 pages un livre-témoignage qui en comporte plus de 400 ? Et surtout, pourquoi et comment prendre la parole à la place d'un homme qui a démontré par sa vie même combien prendre la parole au nom des autres est difficile voire impossible ?
Les qualités d'écrivain de Yannick Haenel ne sont évidemment pas en cause, l'auteur écrit bien, certaines de ses phrases sur l'humanité, l'abandon, la conscience et le crime sont pertinentes. Mais Haenel n'a ni l'expérience ni les armes pour incarner Karski à sa place. C'est lorsqu'il prend possession de sa parole que le projet littéraire dérape et se fourvoie. Encore une fois, "l'affaire" ne serait pas aussi grave s'il s'agissait d'un autre personnage, d'un autre contexte. Mais Haenel utilise une figure héroïque, un rescapé de l'enfer comme personnage de "fiction".
Personne ne peut s'arroger le droit de décider à la place de cet homme ce qu'il a pensé, ressenti, eu envie ou non de dire. En ce sens, Haenel apparaît comme un imposteur. Et son imposture est manifeste dès l'exergue de son livre où la citation de Paul Celan "Personne / ne témoigne pour le / témoin" ("Niemand/zeugt für den/Zeugen") est étrangement modifié en "Qui témoigne pour le témoin ?"...
Sans doute Yannick Haenel aurait-il dû s'en tenir à la version originale, pas tant pour l'exergue de son roman que pour une réflexion approfondie sur les limites de la fiction.
Le livre est composé de trois parties.
Tout d'abord, l'auteur analyse l'interview de Jan Karski par Claude Lanzman au début du film "Shoah". Jan Karski évoque sa mission de messager auprès des alliés et du gouvernement polonais en exil. Deux leaders juifs polonais l'avaient missionné pour témoigner sur le ghetto de Varsovie et sur les camps de concentration.
On suit dans cet interview toute la souffrance du souvenir, l'insuffisance de la parole.
Dans la seconde partie, l'auteur reprend le récit de Jan Karski publié en 1944.Jan Karski livre son témoignage sur les horreurs vécues par les polonais, peuple abandonné de tous et détruit à la fois par les nazis et par les russes. C'est la partie la plus active du livre qui raconte l'action de résistant de Jan Karski. C'est un vibrant hommage et une reconnaissance de la Pologne.
La troisième partie est une fiction. L'auteur s'appuie sur les éléments de la vie de Jan Karski pour interpréter ses actes et ses paroles. Il accuse notamment les alliés, et particulièrement les Etats-unis d'avoir refusé d'aider les juifs européens par peur d'une immigration massive. Il réfléchit sur la culpabilité et la réalité même de l'humanité. Après de longues nuits blanches et le silence, Jan Karski reprend sous l'influence de ses étudiants son devoir de témoignage.
Cela restera un témoignage incontournable de "ce crime contre l'humanité" ou "crime de l'humanité" que fut l'extermination des juifs européens pendant la seconde guerre mondiale avec de plus, un vibrant réquisitoire pour le peuple de Pologne.
"Face au cavalier polonais de Rembrandt, j'ai pris la décision de rester enAmérique"
" Face au cavalier polonais, je regarde, j'écoute, je suis enfin che
Yannich Haennel a bâti son livre en trois parties, qui chacune à leur façon mettent la focale sur un des aspects du témoignage de Karski, suite à son passage éclair dans le Ghetto de Varsovie en 1942.
Dans la première partie, Yannick Haennel revient sur l'intervention de Karski dans le film documentaire "Shoah" que Claude Lantzmann a sorti sur les écrans en 1985, film de presque dix heures relatant l'extermination des juifs durant la deuxième guerre mondiale.
La deuxième est consacrée à un résumé que fait Haennel de cette intervention et la troisième, qui a mon sens, est la plus riche car la plus libre, c'est la traduction des pensées que Yan Karski aurait pu avoir, son analyse de l'immobilisme des États Unis face à sa révélation de l'horreur et surtout du mensonge par omission dont se sont rendus coupables les acteurs de Yalta.
C'est un livre très fort, qui a suscité énormément de polémiques lorsqu'il est sorti, car beaucoup ont voulu contester cette version des réflexions prêtées à Karski.
Cette troisième partie, qui prend appui, de toutes ses forces, sur les deux premières, est criante de vérité et de sincérité. Qu'importe si Karski n'a pas tout à fait eu cet état d'esprit le restant de sa vie, il est bon pour nous, que Yannick Haennel ait réussi à combler le vide en mettant des mots et des phrases sur ce silence définitif dans lequel Karski s'était emmuré après 1985.
Jean Karski entre clandestinement dan sle ghetto de Varsovie , ceci afin que lui, voie et dit on monde ce qu'il a vu et témoigne de l'atrocité . Il est porteur d'un terrible message et tentera en vain de le délivrer dans le monde libre.En lisant ce témoignage, je pense à ces enfants, ces méres broyés dans l appareil de mort nazi. J avais les jambes tremblantes , plus jamais cela hélas. A lire et à relire comme témoignage unique ds ll histoire concentrationnaire
Dominique Leger a tres bien commente ce livre mais j'aimerais ajouter un commentaire personnel sur le fait que tous les gouvernants des grandes puissances de ce monde connaissaient les projets de Hitler et savaient qu'ils les executeraient sans etat d'ame.Apres la guerre, des hommes , comme Jan karski qui ont essaye d'avertir de la catastrophe qui etait en train de se derouler mais en vain ,n'ont plus du croire en rien.Les gouvernants:Churchil,roosevelt,..;ont sacrifie un peuple.
ouiaiiis c'est pas trop littéraire comme style, mais c'est vraiment que je l'ai adoré ce livre
La vérité est terriblement simple, les Alliés savaient, Jan Karski envoyé du gouvernement polonais auprès de Londres et Washington - Roosevelt soi-même - en a porté le témoignage pour la crédibilité duquel il a visité le ghetto de Varsovie et un camp d’extermination. L’auteur à son tour témoigne selon un procédé littéraire singulier : le 1er chapitre reprend les termes de l’intervention de Jan Karski dans le film Shoah de Claude Lanzmann, le 2e résume son propre récit Story of a secret state paru en 1944 à New York (traduit en France en 1948, réédité en 2004)). Le 3e chapitre est une fiction par laquelle l’auteur fait part des réflexions du témoin tout au long de sa vie bouleversée par l’échec de sa mission. C’est un magnifique bloc d’écriture où s’exprime une rage dévastatrice de la passivité des Alliés (l’espace manque pour de terribles citations ; celle-ci, ironique: « La surdité est la ruse du mal »). Et dévastatrice de sa propre personnalité : « Depuis le 28 juillet 1943 [ ] je n’ai pas trouvé le sommeil », et aussi, drôlement : « L’insomnie protège la mémoire ».
La grandeur de ce livre est littéraire - il faut lire l’épisode du Cavalier Polonais, tableau de Rembrandt à la Frick Collection par lequel le héros retrouve la Pologne de son cœur - et historique : sur ce point essentiel de l’histoire, le livre élargit la base de la conscience mondiale que « l’extermination des juifs d’Europe n’est pas un crime contre l’humanité, c’est un crime commis par l’humanité ». Cette base est désormais triangulaire : le film Shoah, le livre de Jan Karski soi-même et ce troisième sommet. De quoi ébranler l’historiographie - pas seulement stalinienne - pour laquelle ce témoignage est au mieux une thèse, au pire une manipulation. 65 ans après il faut aller à la rencontre de ce « roman » essentiel. Pour ma part, c’est « le » livre de la rentrée !
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