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Petite déjà, Emmanuelle portait un chemisier Cacharel en liberty dont les pointes du col percent encore le coeur de L., vingt ans plus tard. Petite déjà, L. semblait vivre son enfance à travers celle de son amie, en spectatrice attentive, discrète, ultrasensible. Nul frôlement surpris de loin dans les ombres floutées de la grande maison de la vallée de Chevreuse, siège de secrets tus où elle n'était qu'invitée de passage, ne lui a échappé. Il n'est pas de silence, complice ou contrit, flottant entre les parents d'Emmanuelle ou entre l'enfant et sa mère, qui ne résonne encore à son oreille. De cette vie voisine, elle n'a rien raté, sinon les vingt années qui viennent de s'écouler, passées à rater un peu la sienne mais comme on manque un train.
C'est dans le train, justement, celui qui l'entraîne vers les retrouvailles inattendues, inespérées, avec Emmanuelle, que la jeune femme devenue mère d'un petit garçon à moitié italien réorganise aujourd'hui ce passé ébréché, dans le reflet des vitres brouillé par le paysage - qui toujours peut en cacher un autre.
Roman historique de l'instant, INVERNO commence comme un polar, fait mine parfois de taquiner le mélo et dessine en condensé, sans en avoir l'air, - comme les enfants tracent des visages dans la condensation sur les vitres des trains (toujours les trains) - le destin de trois générations de femmes. Dans un geste esthétique à la grâce inquiétante, l'auteur tisse une structure en lanterne magique, qui bouleverse la chronologie pour mieux saisir la vérité d'un soupir, la blessure d'un regard, le tressaillement d'un coeur.
Ce petit livre est une découverte intéressante, mais pas captivante, de la rentrée littéraire. Inverno, c’est un roman offrant plusieurs narrations reliées entre elles par un personnage récurrent nommé laconiquement « L. » qui, entre deux gares, promenant son petit garçon, évoque ses souvenirs, épars et mélangés. Les voyages en train favorisent assurément la remontée de pensées liées au passé. La plupart des souvenirs de L. convergent vers Bérengère, la mère de sa meilleure amie Laurence : c’est cette figure de femme-enfant qui émerge dans Inverno et prend presque toute la place. En filigrane du parcours de Bérengère, d’autres scènes prennent place, sans qu’il y ait de réelle logique narrative entre elles. Nous ne savons que peu de choses, quelques bribes évoquées ici ou là. L’avantage avec ce type de récit, c’est qu’on peut se laisser porter par le style et l’écriture, très délicats, sensibles et presque fragiles par endroits. L’inconvénient, c’est que l’ensemble reste un peu flou et on peut se perdre ! Mais peut être est-ce le souhait de l’auteur ? Je recommande donc ce livre aux rêveurs mais je le déconseille à ceux qui aiment suivre un personnage de A jusqu’à Z !
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