"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un professeur danois obtient sa mutation au Groenland et se heurte au choc des cultures. Le roman dénonce, avec un humour irrésistible, les méfaits de la colonisation du Groenland par le Danemark.
Martin, un instituteur danois en milieu de carrière, demande sa mutation dans la province la plus septentrionale du Danemark, le Groenland. Et parmi les postes qu'on lui propose il choisit un hameau, Nunaqarfik, à 500 km au nord du cercle polaire. Il y débarque en même temps qu'un lycéen groenlandais, Jakúnguaq, qui, selon le système éducatif en cours, vient de passer une année au Danemark et rentre au pays.
Nous sommes dans les années 1970. Martin arrive au Groenland avec son baluchon d'idées préconçues, de mauvaise conscience coloniale et de bonnes intentions. Que très vite ses amis groenlandais mettront à mal : Gert l'imprévisible, qui commence par lui vendre des chiens qui ne lui appartiennent pas ; Pavia, le pochard invétéré, qui voit dans sa puissante BSA Lightning 650 cm3 (par ailleurs tout à fait incongrue sur les glaces arctiques) une planche de salut ; Jakúnguaq l'adolescent perturbé par son séjour en métropole ; la belle Naja, qui partagera ses nuits sous les peaux de bêtes.
Confronté au choc des cultures, à l'inadéquation du système éducatif danois dans un territoire si différent, Martin va s'éprendre de la réalité de ce pays et de ses habitants, dans leur splendeur et dans leurs drames. C'est là qu'il apprendra à admettre ce qui est incompréhensible, à aimer ce qui est, sans se préoccuper de ce qui aurait pu être (ímaqa en inuit signifie "peut-être"). C'est là qu'il trouvera tout ce dont il rêvait : l'aventure, l'immensité et l'amour.
Habité d'une passion sincère et contagieuse pour le Groenland, Flemming Jensen traite ici d'un sujet grave - celui d'un Groenland dont toutes les valeurs ont été bouleversées par la colonisation danoise et qui commence enfin, dans les années 1970, à se réapproprier son héritage culturel - avec un humour dévastateur qui n'est pas sans évoquer Jørn Riel.
Dans les années 70, Martin, un instituteur danois de 38 ans, tourne en rond dans sa vie. Il demande sa mutation au Groenland ("pays constitutif du Royaume du Danemark" selon Wikipedia), dans un petit comptoir (ce n'est pas un hasard si le terme a des relents de colonialisme) de 150 habitants et 500 chiens, situé 500 km au nord du cercle polaire.
Armé de son idéalisme, de sa bonne volonté et de sa soif d'aventures, Martin débarque à Nunaqarfik. Sur le bateau qui l'a emmené dans ce bout du monde, se trouve également Jakúnguaq, un ado de 13 ans qui revient chez lui après avoir passé une année scolaire au Danemark.
Pour tous deux, le choc des cultures est violent. le gamin a du mal à se réadapter à sa vie d'avant, qu'il renie, et Martin comprend que c'est lui, l'instituteur plein de savoirs, qui a tout à apprendre. A commencer par le groenlandais, cette langue que son supérieur à Copenhague lui a pourtant formellement déconseillé de parler. Après tout ce sont les Groenlandais qui doivent s'adapter, et pas l'inverse.
Au fil du temps, Martin s'intègre, s'adapte à ce mode de vie simple où le rire, le sens de la fête et la fraternité sont fondamentaux. Il perçoit de plus en plus l'absurdité des contraintes éducatives danoises, totalement inadaptées au contexte local. Et si encore il n'y avait que l'enseignement... Mais il assiste impuissant aux ravages que la "modernité", le "progrès" et le profit causent à cette société traditionnelle basée sur l'art de la chasse, qui se transmet d'une génération à l'autre. Même Greenpeace et BB se font tacler en beauté, à cause de la campagne appelant au boycott du commerce des peaux de phoques. Campagne dont Martin n'imaginait pas "qu'elle contribuerait à ce point à la mort de toute une culture de chasseurs", ce qui est d'autant plus rageant que l'ONG a fait pleurer dans les chaumières occidentales "en jouant sur un sentimentalisme totalement déconnecté des faits réels" (il s'est avéré qu'il s'agissait d'un groupe de Norvégiens massacrant brutalement des bébés phoques près de Terre-Neuve), et sans que "le fait qu'il ne fût jamais venu à l'esprit des chasseurs groenlandais, qui de tout temps ont vécu de la capacité de production de la nature, de se jeter sur des proies aux fourrures et à la valeur nutritive si médiocres, n'[aie] la moindre influence sur le débat".
Une histoire tragi-comique, avec une foule de scènes hilarantes dans la première partie (c'est rare qu'un roman me fasse rire autant), un peu moins dans la deuxième, dont on sent qu'elle va tourner au drame au vu des tensions familiales entre Jakúnguaq et ses parents.
Avec humour, ironie et tendresse, l'auteur dénonce l'impérialisme culturel danois et la mondialisation rampante de l'époque. Une histoire de tolérance et d'humanité, touchante et attachante, désespérante aussi.
"C'était comme ça qu'on devenait un grand chasseur : il suffisait de rester là où on était. Car il faut une vie entière pour percevoir le vent, le changement du temps, les courants de la mer et les voies de l'esprit. (...) Martin hocha la tête, et intérieurement, il se sentit gagné par la tristesse. C'était la sagesse d'une société statique qui, à présent, allait inévitablement être écrasée par la perception de la vitesse d'une société dynamique. Et il n'y avait en réalité rien à faire".
Nunaqarfik, à plusieurs centaines de kilomètres au nord du cercle polaire, 150 habitants dont Martin, instituteur danois de trente-huit ans qui cherche un sens à sa vie et qui a demandé sa mutation dans la province la plus septentrionale du Danemark, le Groenland. Contrairement à ce que ses supérieurs lui avaient recommandé, il sympathise avec la population, apprend le groenlandais et se voit bien rester toute sa vie dans ce village. Avec beaucoup d'humour, Flemming Jensen dénonce les méfaits de la colonisation danoise au Groenland. En dépit de l'autonomie accordée en 2009 par le parlement danois, le Groenland continue encore aujourd'hui de se voir imposer certaines mesures comme d'obliger la population à apprendre le danois par exemple. Pays le moins densément peuplé au monde ce qui, en ces temps de pandémie a de quoi nous faire rêver, il est néanmoins associé à l'Union européenne (si, si, je vous assure!) et la lecture de ce roman jubilatoire nous donne envie d'aller voir ce qui s'y passe!
C'est superbe ! Une plongée vertigineuse et glaciale dans le Groenland des années 70. On suit un instit' danois, Martin, venu trouver une nouvelle vie à Nunaqarfik, en plein pôle Nord, où le bonheur tient a peu de chose : la pêche du jour et le stock de papier toilette dans l'épicerie. Il découvre avec un enthousiasme débordant, une naiveté feinte, cette nouvelle vie qui s'offre à lui, mais aussi le destin des hommes et des femmes qui peuplent la banquise depuis des générations.
C'est à la fois tendre et violent, drôle et profondément tragique. On pense forcément aux livres de Jorn Riel, grace à qui j'ai exploré le Groenland il y a déjà quelques années.
Au delà de l'aventure humaine du roman, le propos est aussi anticolonialiste, il dénonce les dangers de la course à la "civilisation" qui se fait dans le mépris des traditions et cultures des peuples autochtones. (A ce titre, j'aimerais mentionner le film L'étreinte du serpent, 2015, qui avec beaucoup de poésie, fait échos à ces mêmes problèmes, mais en Amazonie). Et Flemming Jensen ne manque ni de poésie ni d'humour, pour partager cette rocambolesque histoire.
C'est rafraichissant, ça ne laisse pas indifférent et en plus on apprend des choses sur le Groenland ! Mais oui, il le faut lire, absolument
Découverte de l'histoire coloniale du Groenland, d'un monde de traditions étonnantes.
Un instituteur plein de convictions et de bonnes intentions.
Très agréable.
Une rafraîchissante incursion au Groenland dans laquelle l'auteur s'attache a démontrer les méfaits de la mondialisation, de la colonisation et... de l'alcool ! J'ai apprécié le passage portant sur le massacre des bébés phoques, qui ouvre les yeux sur la médiatisation à tout va d'épisodes indignes mais non significatifs !
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