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Marie Rafalovitch a 14 ans lorsque, le 25 juillet 1944, elle est arrêtée à Toulouse, trois semaines avant la libération de la ville. Elle ne connaît presque rien des origines de sa famille : c'est sa déportation qui lui apprend qu'elle est juive, et que ce mot la condamne.
Elle a été arrêtée sans ses parents ni son frère : elle est la seule adolescente livrée à elle-même dans un convoi de mères et d'enfants déporté vers Ravensbrück, puis Bergen-Belsen. Au camp, Marie découvre les humiliations, l'épuisement, les expériences menées sur le corps des déportées, la mise à mort pour un regard ou pour un geste. Elle apprend l'âpreté des relations qui se nouent entre les êtres lorsqu'ils sont réduits à rien. Elle tient, en dépit de tout. Jamais elle ne pense à la vie qu'elle a laissée, jamais non plus elle ne croit à sa propre mort.
A son retour, comme bien d'autres, Marie se tait. Personne ne songe à écouter les rescapés juifs. Surtout elle a survécu, quand la Shoah a emporté la quasi-totalité des familles polonaises de ses deux parents : de quoi devrait-elle se plaindre ? Des années plus tard, on invite Marie à témoigner. Elle prend la parole. Va dans les écoles à la rencontre des élèves. Elle sait désormais qu'il est impossible de dire, et impossible de se taire.
Aujourd'hui, accompagnée par Marion Cocquet, Marie livre ces pages sobres et inoubliables, dans l'espoir que la Shoah ne devienne pas, ou pas trop vite, une page d'histoire parmi d'autres - aussi lointaine, dit-elle, que la guerre de Cent ans...
Les éditions Grasset publient depuis quelques années des témoignages de rescapées de la Shoah. Des textes sobres, écrits souvent à quatre mains (ici Marie Vaislic est accompagnée par Marion Cocquet), qui transmettent un parcours de vie. Un seul témoignage ne résume pas le génocides des juifs de France. Mais chaque voix permet de saisir un peu mieux une époque, une mentalité. Outre les faits, le témoignage de Marie Vaislic est animé par la nécessité de ne pas oublier, de ne pas minimiser ce qui s'est passé. Outre les faits, ce livre nous montre ce que Marie et ses parents pouvaient savoir, ce que l'adolescente qu'elle était connaissait de ses origines, de la place de la culture juive. Qu'est-ce qu'être juif, juive ? Comme elle le dit, c'est la guerre, la France de Vichy qui lui a appris cela.
Marie Vaislic raconte son parcours, le quotidien dans les camps, les rumeurs se propageant et une fois, la guerre terminée, ce qui reste. En parlant de son mariage avec Jean, également déporté, elle partage les questions de couple complètement soumises au traumatisme. Avoir des enfants ? Mais si les nazis revenaient... La peur ne s'éteint pas. Il y a une force dans ce livre, une voix qui se fait entendre et transmettre toute la violence de la tragédie vécue. Ponctuellement, elle rappelle la présence des habitants autour des camps, de cette foule qui, une fois la guerre terminée, disait qu'elle n'avait rien vu.
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