"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce roman était présent dans les deux premières listes du Prix Goncourt 2018 À l'entendre, j'étais très fort, à seize ans, pour tout effacer, et ça continue. Pourtant, à force de déblatérer sans réfléchir, j'ai commencé à lui prouver et à me prouver que je me suis fourré dans de drôles de situations. Si quelqu'un m'avait dit hier : tu t'es comporté comme le pire voyeur, pour surprendre un couple dans son lit, je ne l'aurais pas cru. C'est revenu tout seul, devant cette fille dans son fauteuil. Je sentais son souffle sur ma peau, incroyable ce qu'elle m'insuffle. Presque malgré moi, j'ai reconstitué la scène oubliée. Et d'autres. Elle va finir par me convaincre que je lui cache quelque chose. Que je me cache quelque chose ? Comme l'impression de rencontrer un inconnu qui s'appellerait Jeff Valdera. Et dans le genre inconnu, elle se pose là aussi, avec ses questions insistantes... Lors de ses séjours avec sa tante à Davos, à l'hôtel Waldheim, l'adolescent Jeff Valdera n'aurait-il été qu'un pion sur un échiquier où s'affrontaient l'Est et l'Ouest au temps de la guerre froide ? Inventer sa mémoire ou inventer sa vie ? C'est la question à laquelle tente de répondre François Vallejo avec Hôtel Waldheim, son roman le plus intime. Mais n'est-ce pas cette même quête qui traverse son oeuvre depuis vingt ans, que ce soit dans Madame Angeloso (prix France Télévisions), Ouest (prix du Livre Inter) ou encore Un dangereux plaisir ? Ce livre a été sélectionné par [France culture->https : //www.franceculture.fr/litterature/les-dix-livres-de-la-rentree-litteraire-le-choix-de-france-culture-et-lobs] parmi les romans de la Rentrée littéraire 2018 : _ « Tous ceux qui aiment les romans à tiroirs, l'espionnage, l'univers de Thomas Mann, les montagnes là-haut des sanatoriums de Davos, les histoires de transfuges de la RDA... C'est un très bon livre. » Sandrine Treiner _ _ Pour découvrir la vidéo de présentation réalisée par la librairie Mollat, c'est [ici->https : //www.youtube.com/watch ?v=nhYFKwx4jao] !
eff Valdera, écrivain, reçoit une carte postale surannée de Suisse montrant l’hôtel Waldheim à Davos où il a passé plusieurs années de son adolescence, des vacances avec sa tante célibataire. Au dos de cette carte est écrit « ça vous rappelle queque chose ? » D’autres arrivent avec des messages quelque peu énigmatiques pour lui. Il finit par trouver l’auteur et se retrouve face à une belle femme Frieda Steigl, fille de Friederich Steigl, universitaire de l’Allemagne de l’Est ayant fui pour l’ouest et ayant habité le même hôtel que Jeff, en août 1976
D’emblée Frieda le met en position d’accusé. Les papiers de la Stasi, devenus publics depuis plusieurs années, le prouvent, il a joué un rôle dans la disparition de son père cet été-là. Or, Jeff, n’a que des souvenirs fragmentaires de cet épisode. Oui, il jouait au jeu de go avec son père. Oui, il jouait aux échecs avec un monsieur Linek. Oui, il parlait souvent au directeur de l’hôtel. Oui, il se rappelle, maintenant qu’elle en parle, qu’il a dû porter ou ou deux messages… Mais bon, il avait 15 ans, il découvrait Thomas Mann grâce à une vieille femme qui vit à l’année dans l’hôtel. Des souvenirs de vacances heureuses d’un adolescent lambda.
Dans la joute entre Frieda et Jeff, qu’en est-il des souvenirs ? Souvenirs que Jeff a gardé, ou souvenirs peut-être contraints par les précisions de Frieda. Mémoire personnelle ou fichiers de la Stasi ? La mémoire de Jeff lui est personnelle, celle de Frieda vient des écrits de la Stasi. « Alors, plus je prétends n’y rien comprendre, plus j’ai l’air d’avouer que je dissimule ? » Avec les révélations des écrits de la Stasi, le doute entre en Jeff. A-t-il joué un rôle dans la disparition de Steigl ? Qui dit la vérité et ou est cette vérité ? Vivre sa vie ou chercher sa vie dans les souvenirs ? Toutes ces questions servent la joute, la bagarre entre Frieda et Jeff.
Un livre prenant, quelque fois étouffant, ponctué par les erreurs de langage de Frieda, sur l’interprétation des souvenirs, la culpabilité. François Vallejo ouvre une page du livre de l’Allemagne d’avant la réunification, celle de la guerre entre les deux Allemagnes, de la fuite des cerveaux, du pistage forcené par les agents de la Stasi.
Pour moi, ce livre est écrit au rythme du pas du montagnard suisse qui ne s’arrête qu’une fois arrivé au but. Malgré les engueulades, les propos vifs qu’échangent Frieda et Jeff, la densité du livre, l’auteur me laisse le temps, grâce à son écriture précise, de suivre le lent processus de mémorisation qui pourrait le mener aux portes de la folie.
Un roman dense où je retrouve l’ironie froide, le mystère, les rapports de force servis par une écriture dense, classique, précise. Le suspense, les hésitations de Jeff, le forcing de Frieda, mais également le lent processus de vérité m’ont tenu en haleine jusqu’au bout
J’apprécie beaucoup l’univers de François Vallejo. Ouest avec les rapports maître-vallet, m'a marquée. Je vous parlerai bientôt de « Un dangereux plaisir » lu dans la foulée.
« Son roman le plus intime » peut-on lire en quatrième de couverture. Jusqu’où va l’intimité ? Sans doute jusqu’au fantasme qu’il soit sexuel ou géopolitique. A seize ans, on n’a, sauf circonstances extraordinaires, pas assez de souvenirs pour captiver un lectorat nombreux. Pourquoi ne pas les inventer, les rêver, les développer et en faire un excellent roman ? L’entrée en matière de qualité, suffisamment intrigante pour vous conforter à tourner les pages, semble le confirmer. Le mystère se dissipe, un peu, mais pas trop, suffisamment pour installer l’intrigue qui s’est déroulée quarante ans plus tôt et dans laquelle le petit jeune homme qu’était le narrateur aurait joué un rôle, peut-être même le rôle principal, sans en avoir conscience. Jusqu’ici tout va bien mais, même sur les sommets alpins, le brouillard doit finir par disparaître.
Vous mêlez habilement une pincée de Suisse alémanique montagneusement chic à Davos, un hôtel de famille, des personnages ternes qui n’ont pas droit à la parole (seul le narrateur s’exprime renforçant le caractère intimiste), quelques parties d’échecs ou de go, vous pimentez le tout avec un zeste de Stasi et vous laissez gratiner quelques heures avec une pincée de Thomas Mann et sa Montagne Magique. Vous obtenez…un roman intimiste, une histoire en pointillés et une désillusion certaine si vous vous êtes laissé prendre aux fausses confidences de l’éditeur (ah, la quatrième de couverture !) vous confiant sotto voce, que vous allez découvrir l’histoire d’« un pion sur un échiquier où s’affrontait l’Est et l’Ouest au temps de la guerre froide ».
Le dernier mot à l’auteur ? « On voit que vous lisez beaucoup la littérature française. L'adultère, c'est son vieux sujet ». Non, comme son narrateur, je lui confisque la parole pour remplacer irrévérencieusement « l’adultère » par « le nombril ». Déception.
Premier conseil au sujet de ce roman : 1) ne pas lire la 4e de couv - je ne les lis jamais car certaines racontent beaucoup trop ! 2) ne lire aucun article à son sujet (sauf le mien, bien sûr, hihi, car je vous promets que vous ne saurez RIEN.) Oui, moi j'ai eu la chance de me lancer dans un livre qui a très vite piqué ma curiosité tout simplement parce que je ne savais PAS DU TOUT où il allait me mener… Et disons-le, l'effet de surprise est tout de même génialissime et nous tient en haleine jusqu'au bout (oui oui, il y a du thriller dans ce roman!)
Alors sachez que vous pouvez lire cette chronique tranquillement, je ne vous livrerai AUCUN secret.
Vous allez donc faire connaissance avec un certain Jeff Valdera, quinquagénaire habitant à Sainte-Adresse, qui, un beau matin, reçoit une carte postale un peu étrange, c'est le moins que l'on puisse dire ! D'abord parce que plus personne n'écrit de carte postale (si ? Vous ? ah pardon !) Et puis, le modèle est ancien, un peu jauni. Pas de signature. Et quelques lignes dans un français plus qu'approximatif : « ça vous rappelle queqchose ? »
La carte postale a été postée en Suisse, à Zurich plus exactement. Quatre vues sont représentées : deux de paysages enneigés de Davos (canton des Grisons) et deux autres d'un hôtel : l'hôtel Waldheim. Est-ce que ce lieu, et notamment cet hôtel, rappelle quelque chose au narrateur ? Oui… et non ! Oui parce qu'il y a séjourné adolescent , dans les années 70, en compagnie de sa vieille tante Judith qu'il accompagnait un peu la mort dans l'âme. Non parce qu'il ne garde de ce lieu aucun souvenir si ce n'est un voyage en train-couchette au cours duquel il avait pu admirer une jeune Allemande se mettre quasi nue avant d'enfiler une tenue de nuit. Effectivement, il se souvient aussi très vaguement du patron de l'hôtel, de clients pas très jeunes et d'une vieille femme, une certaine Mme Finkel, passionnée par Thomas Mann et sa Montagne magique qui se passe justement à Davos… mais tous sont certainement morts et enterrés au moment où il reçoit cette carte. Si c'est de ces gens-là dont il faut se souvenir, ça va être difficile ! Et puis, pourquoi chercher à se plonger dans une époque très ancienne dont il a à peu près tout oublié ? Oui, pourquoi ?
Notre Jeff Valdera s'apprête donc à oublier dans un coin cette carte postale défraîchie, lorsqu'une autre missive du même acabit tombe dans sa boîte à lettres…
Et c'est là que ma mission de chroniqueuse prend fin. Maintenant, croyez-moi sur parole. Vous allez être happé par ce texte dont les thèmes principaux, comme vous l'aurez peut-être deviné, tournent autour de la mémoire, de la perception consciente et inconsciente que nous avons des êtres et des événements. J'ai pris un très grand plaisir à lire ce roman passionnant, très original et non dénué d'humour. Allez-y les yeux fermés… vous ne serez pas déçu !
Au fait, il est toujours en lice pour le concours !
On y croit !
LIRE AU LIT http://lireaulit.blogspot.fr/
«Personne n’arriverait à croire qu’une survivance des moyens de communication les plus archaïques comme une carte postale puisse bouleverser un homme, moi, la vie d’un homme, la mienne; une carte postale.» Les premières lignes du nouveau roman de François Vallejo – que j’ai lu avec Un dangereux plaisir – nous en livrent d’emblée le programme. Le facteur vient d’apporter une carte postale représentant un hôtel à Davos et quelques lignes énigmatiques et anonymes qui doivent lui rappeler «queqchose». Une seconde carte reçue un peu plus tard va à peine être plus précise, mais déclencher chez son destinataire la machine à souvenirs: « Je laisse aller les images, ça ne s’arrête plus, qu’est-ce qui m’arrive? Un étranger non identifié a ce pouvoir, avec deux bouts de carton ringards, de déclencher chez moi une sorte d’enquête sur mes vacances de petit prétentieux minable de la fin des années soixante-dix. Et j’ai l’air d’y trouver mon plaisir. Des sensations auxquelles je ne pensais plus depuis longtemps m’agitent, alors qu’elles ont une valeur toute secondaire, l’ordinaire d’un adolescent en virée provisoire à l’étranger… »
Voilà Jeff à quinze ans dans le train de nuit qui va de Paris à Zurich en compagnie de sa tante Judith. Ensemble, ils se rendent à Davos respirer le bon air des Alpes suisses. Les deux jeunes Suissesses qui offrent à l’adolescent la vue de leur corps nu et son premier émoi amoureux suffiraient à son bonheur. Car pour le reste, hormis quelques impressions, le train rouge montant vers la station des Grisons, le plateau de viande séchée offert par l’hôtelier pour accueillir ses pensionnaires, il n’y a guère que quelques visages qui surgissent du néant. « Je fais le tour des visages de ce temps-là, à l'hôtel Waldheim, en premier le patron, Herr Meili, qui a pas mal compté pour ma tante, et aussi pour moi ; le personnel, oublié, sauf Rosa, sorte de gouvernante toujours en service, malgré son grand âge ; des ; des clients solitaires, des couples, des familles en vacances, tous installés dans la vie, à l’aise, de nationalités diverses (…) un noyau d’habitués, comme Mme Finke, le seul nom précis qui me revienne… »
Sauf que son mystérieux correspondant va finir par se dévoiler et lui permettre de se rafraîchir la mémoire. Frieda Steigl lui donne rendez-vous près de chez lui, à Sainte-Adresse, pour lui expliquer la raison de ses courriers et le mettre en face de ses responsabilités, car elle le croit coupable d’avoir aidé les espions de la Stasi et d’avoir provoqué un terrible drame. Car Frieda a pu remonter une partie de son histoire familiale grâce aux archives de la police politique de l’ex-RDA mise à disposition des personnes mentionnées ou de leurs descendants après la chute du mur. Si, sur les documents en sa possession, il se confirme que des espions étaient bien présents dans la station grisonne et que l’hôtel Waldheim servait bien de plaque tournante pour l’accueil de personnalités ayant pu franchir le rideau de fer et trouvé refuge à l’Ouest, Jeff n’aura du haut de sa jeunesse, de se candeur et de sa soif de découvertes n’été qu’un chien dans un jeu de quilles.
Pour lui, l’été à l’hôtel Waldheim se sont des jeux de go et d’échecs, des promenades en montagne, la découverte de l’œuvre de Thomas Mann, à commencer par La Montagne magique qui s’impose dans le lieu même où se situe le sanatorium décrit par l’auteur de Mort à Venise et Les Buddenbrook, ainsi que l’éveil de la sensualité. Il a bien observé et espionné, mais pour son propre compte plus que pour répondre à la demande de Herr Meili.
Mais Frieda Steigl ne l’entend pas de cette oreille et finira par mener son interlocuteur sur les lieux de son soi-disant forfait. C’est là que François Vallejo va lever le voile sur ce roman d’initiation qui éclaire une époque, celle de la Guerre froide.
Un roman prenant comme un bon thriller, une écriture précise et soucieuse de n’omettre aucun détail. Bref, une œuvre que le jury du Goncourt a bien raison de sélectionner pour son prestigieux prix littéraire.
D'énigmatiques cartes postales d'un expéditeur inconnu parviennent au domicile de Jeff Valdera le narrateur . Elles montrent l'Hôtel Waldheim de Davos en Suisse dans lequel il a séjourné il y a une trentaine d'années lorsqu'il avait 16 ans et y accompagnait sa tante. Elles ont été envoyées par une allemande, Frieda, fille de Stiegl, un professeur d'université qu'il y avait rencontré. Ils finissent par se retrouver. Que lui veut-elle?
Jeff semble avoir été le dernier témoin à avoir vu Stiegl encore vivant et Frieda l'invite à lui livrer ses souvenirs. Comment être précis 30 ans après ?
De vagues images qui semblent n'avoir aucun lien entre elles lui reviennent en mémoire. Qu'à cela ne tienne, qu'il livre tout ce qui lui revient, Frieda se charge d' établir des relations entre ces « divagations mémorielles ».
C'était à Davos, du temps de la guerre froide, entre Allemagne de l'Ouest et de l'Est, et de la Stasi à l'affût d'un réseau de passeurs. Jeff, l'adolescent «voyeur aveugle mais pas voyant » de ce qui se passe autour de lui dans l'hôtel, devient à son insu porteur de messages dont il ne comprend ni teneur ni la portée. Je n'en dirai pas plus.
Jeff, amené à descendre au plus profond de lui-même,se méfie, a l'impression d'être piégé, manipulé par Frieda. qui un jour disparaît, le laissant désemparé mais curieux.
C'est alors lui qui part à sa recherche dans un Davos qu'il ne reconnaît plus, où il se sent perdu mais pourtant attendu. Le mystère s'épaissit puis des pistes apparaissent.
HOTEL WALDHEIM est un roman dense, comme le sont les romans d'espionnage, mais dont l'atmosphère pesante est allégée par quelques scènes cocasses et quelques personnages pittoresques
Si je me suis sentie parfois un peu perdue dans ce puzzle qui se reconstitue peu à peu, j'ai beaucoup apprécié le lent processus de la remontée des souvenirs suscité par le flash d'une image , l'évocation de l'atmosphère désuète de l'hôtel où s'ennuie parfois l'adolescent ainsi que par le jeu trouble du chat et de la souris entre Frieda et Jeff, partagé entre réticence et attraction face à cette étrangère en recherche de vérité sur la mort de son père et de sa propre identité.
L'auteur a choisi pour ce roman circulaire dont les dernières lignes renvoient aux premières, un dénouement ouvert,et distillant ainsi le mystère d'une autre disparition .
L'écriture de Vallejo joue habilement de l'intrusion du passé dans le présent, et a l'art de restituer le flot de la pensée, en mêlant dans un discours indirect libre très fluide, monologue intérieur et propos tenus , dit et non dit.
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Comme toi, j'aime cet auteur et j'ai eu le plaisir d'une dédicace de ce livre qui est encore dans ma pile à lire! La rencontre a eu lieu le jour où la liste du Goncourt est passée de 8 à 4, une fois de plus il est éjecté et je trouve cela injuste.