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Hizya est une jeune femme comme les autres, tellement comme les autres?! Ce qui se confirme - si besoin en était - à l'écoute des confidences entendues dans le salon de coiffure où elle a finalement trouvé du travail, malgré son diplôme d'interprète de la fac d'Alger. Toujours chez ses parents, sous l'oeil attentif de ses frères, elle rêve à une vie de liberté et à un grand amour. comme au cinéma?!
C'est cette réalité qu'Hizya nous révèle, la sienne, celle du quotidien de la société algérienne, celle de la désespérance d'une jeunesse qui suffoque dans un pays immobile. Elle nous raconte l'être femme aujourd'hui et là-bas, alors que sa vie d'adulte se construit.
À travers de somptueuses fulgurances poétiques, Maïssa Bey se jette tout entière dans la bataille?: puissent toutes les Hizya - d'Algérie et du monde - s'appuyer sur elle, sa force, sa liberté?!
Maïssa Bey est une auteure algérienne qui publie depuis quasiment vingt ans chez le même éditeur, L'aube. J'avais entendu parler d'elle mais ne l'avais pas encore lue. Son roman puise dans les légendes, les figures féminines algériennes, celles qui se sont dressées contre la dominance masculine, comme Hizya, héroïne d'une élégie du poète algérien Mohamed Ben Guittoun composée en 1878 et intelligemment reproduite à la fin de l'ouvrage que je tiens en mains. Cette Hizya a refusé tous les hommes qu'on lui présentait pour pouvoir épouser celui qu'elle aimait, Sayed. Elle est morte à vingt-trois ans, un mois après son mariage.
L'autre Hizya, la jeune femme du roman se pose beaucoup de questions : à son âge beaucoup de femmes sont déjà mariées et mères et elles restent à la maison pour s'occuper de la famille. Hizya rêve d'indépendance et d'amour partagé. Elle se confronte alors aux traditions, mais elle rencontre aussi beaucoup de femmes qui refusent les diktats des hommes.
Bien qu'un peu long parfois, c'est un roman qui se lit assez vite, notamment grâce à sa construction en petits chapitres qui dialoguent entre eux. D'une part, le quotidien d'Hizya, puis en italique, introduites par le "tu", les réactions et interrogations que ces événements suscitent en elles, ce qu'elle aurait pu ou dû faire, les reproches qu'elle se fait, souvent en relation à ses peurs, ses doutes.
Roman de femmes écrit par une femme. Féministe, sûrement, tellement il est difficile de vivre en tant que femme dans un pays dans lequel leurs droits sont quasi nuls, mais dans lequel elles ont une pléthore de devoirs. Maïssa Bey fait vivre son héroïne dans un monde macho, terriblement difficile : "Autour de toi, chaque jour, des femmes, des jeunes filles -ni princesses ni filles de pacha- se font insulter, agresser, parfois violer. Pourquoi ? Certaines parce qu'elles sont dans la rue, simplement. D'autres parce qu'elles portent des vêtements jugés provocants, offensants pourla morale. On les accuse de trouble à l'ordre public. Des tarés, des frustrés, des excités, et parfois des gamins à peine pubères, considèrent qu'elles occupent un territoire qui leur est réservé et qu'elles le polluent par leur seule présence." (p.221/222). Maïssa Bey parle de tout sans tergiverser : de la peur d'Hizya de rencontrer une connaissance à elle lorsqu'elle se promène dans la rue avec un garçon, des viols domestiques subis par les femmes mariées, des multiples grossesses, de la soumission aux hommes, de certaines qui sont quasiment les esclaves de leurs maris, obligées de céder à toutes leurs demandes, de la peur de la montée de la religion extrême et des carcans qu'elle dresse devant les femmes, du port du voile, de sexualité, de la pauvreté du pays qui peine à garder ses diplômé(e)s, ...
Maïssa Bey ne mâche pas ses mots, et ça fait du bien de les lire. Je ne suis pas sûr qu'elle soit en odeur de sainteté auprès des mâles algériens, au moins ceux qui persistent à croire que les femmes leurs sont inférieures et inféodées.
Un roman qui s'il ne nous apprend pas grand chose que nous ne sachions déjà a le mérite de mettre le doigt sur toutes ces inégalités d'une manière forte et sans équivoque. Le portrait d'une femme de notre époque confrontée aux archaïsmes masculins et religieux.
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