80 ans après, il est toujours essentiel de faire comprendre cet événement aux plus jeunes
Je n'ai pas assisté à l'enterrement de ma mère. Pendant une interminable année, des assauts de culpabilité m'ont rongé. Il m'a semblé, pour en sortir, qu'un catafalque de papier me permettrait non point d'ensevelir la disparue, mais de reconstituer son existence et de m'apaiser. L'ancienne danseuse qui ne savait ni lire ni écrire s'est alors redressée, telle qu'elle avait toujours été, opiniâtre, énergique et tournée vers un impératif : faire de chacun de ses nombreux enfants un être accompli. En écrivant ce qu'elle a aimé, détesté ou combattu, m'est bien sûr revenu notre secret ; enfant, alité et agonisant dans un hôpital, un vieil inconnu murmura à Mère une formule qui me sauva la vie : «Mbil idou inga kat kara.» Par-delà nos espaces désormais disjoints, Mère intervient toujours. Ce livre en est la preuve. Il redonne voix et corps à celle qui m'invitait à habiller le ciel de prières pour détourner de mon chemin de furieux orages. E. É.
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