Mayombo, étudiant né à l'aube de l'indépendance, est écartelé entre son amour pour la patrie qui l'a vu naître et grandir, et celui pour la France où il a terminé ses études ; entre son amour pour sa mère et celui pour sa compagne, une Marseillaise brune et jolie ; entre son idéalisme et son ambition.
Comme Mayombo, des milliers d'étudiants quittent l'Afrique pour étancher leur soif de savoirs. Mais combien reviennent chez eux partager leurs lumières ? Pourquoi cette difficulté à rentrer ? Éric Joël Bekale pose une question essentielle pour l'Afrique d'aujourd'hui, dans un texte où l'humour le dispute à l'émotion.
Un style original, comme ce dialogue muet entre Lesgie, la compagne du héros, et Mayombo:
Là-bas, l'enfant, quel que soit son âge, demeure l'enfant de ses parents qui conservent le droit de s'immiscer dans ses affaires, et donc dans les miennes. Que mes beaux-parents décident quoi que ce soit dans ma vie, je ne pourrai jamais le supporter. Mayombo lisait dans les pensées de sa compagne. Mentalement, il lui répondait, espérant qu'elle ne se cantonnerait pas égoïstement sur son seul point de vue.
Comment te faire comprendre certaines choses ? Et moi alors ! Depuis que je vis ici, j'ai dû faire des efforts sur moi-même, parfois renier des valeurs auxquelles je croyais pour m'intégrer au mode de vie occidental. Combien de fois ai-je été scandalisé par les comportements qu'affichent des Français et qui sont contraires à mon éducation africaine ?
On ne m'a jamais demandé mon avis, savoir si ceci ou cela était bon ou pas pour moi, jamais ! Aujourd'hui, je suis un Français à tout point de vue. Pourquoi ne peux-tu pas admettre que dans mon pays, tu doives faire un effort pour respecter mes traditions et t'intégrer, à ton tour, dans notre mode de vie ? Ce n'est rien d'autre qu'un échange de bonnes procédures, un parallélisme de formes. Mais, sur ton visage fermé, tes yeux rougis et ta bouche chagrine, je lis les mauvais signes de la résistance. Tout en toi, actuellement, me dit que tu n'es pas d'accord avec moi.
Derrière le romancier, le poète n'est jamais loin :
La nuit s'annonce belle, gaie et amoureuse. Au-dessus de l'Arc de Triomphe, la lune offre son sourire aux Parisiens. La température, plutôt douce, laisse filer le vent d'automne qui, sur les amoureux assis sur les bancs pubics, pose une caresse fraîche. Avec les feuilles qui se détachent des branches d'arbres pour planer dans l'onde que creuse le vent de la saison morose, une chanson de Brassens glisse dans l'air. Partis de la place de la Concorde, Lesgie et Mayombo, bras dessus bras dessous, marchent vers Le Fouquet's. Lesgie observe les yeux de son compagnon. Des milliers de confettis y tiennent leur foire. Elle se jure de ne jamais le quitter.
Une description unique du voyage initiatique bwiti :
Je sens mon corps devenir léger et fluide. Perdant mon équilibre, je tombe à la renverse.
Quelque chose sort de moi. Un double immatériel, transparent, translucide et fumeux qui s'extirpe de mon corps. Il traverse le cercle de chaleur et pénètre la surface de l'eau. Il plonge dans la nuit noire. Attiré par la matière impalpable, une sorte d'entonnoir, un trou noir, un aimant invisible l'aspire. Progressivement, il grimpe, de plus en plus vite, vers un point lumineux qui projette sur lui des milliers d'étoiles filantes. Cet autre, ce double, c'est moi. Mon être est transporté par un courant plus fort que moi. Je traverse des centaines et des milliers de kilomètres. Je me dirige vers une lueur qui, elle aussi, se rapproche de moi.
Soudain, c'est le choc. J'ai percuté la clarté de plein fouet. Elle me happe et je me retrouve dans un ciel dégagé et fluorescent.
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