Le suisse Stefan Zweig a mis sa très belle plume au service de quelques grands hommes de l'Histoire, pas toujours bien connus, et on continue cette série des "vies", après celles d'Amerigo Vespucci ou de Magellan, avec celle du français Joseph Fouché.
Fouché le mal-aimé, "le mitrailleur de...
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Le suisse Stefan Zweig a mis sa très belle plume au service de quelques grands hommes de l'Histoire, pas toujours bien connus, et on continue cette série des "vies", après celles d'Amerigo Vespucci ou de Magellan, avec celle du français Joseph Fouché.
Fouché le mal-aimé, "le mitrailleur de Lyon", disciple moderne de Machiavel, girouette diplomatique, anguille politique insaisissable mais redoutable, tour à tour professeur ecclésiastique, pilleur d’églises, communiste, riche millionnaire et enfin duc d’Otrante.
[...] Ce n’est pas un bel homme, il s’en faut de beaucoup. Un corps maigre, d’une sécheresse presque spectrale ; un visage étroit, osseux et anguleux, d’une laideur désagréable.
[...] Cet homme tenace et d’une puissance de travail inouïe a toujours l’air fatigué, malade, convalescent.
Outre la qualité de l'écriture de Zweig (une très belle prose ici), cette bio de Fouché est passionnante tout simplement parce qu'elle nous fait traverser quelques années troubles de notre Histoire, quelques années pas toujours bien connues : de la Révolution de 1789 à la restauration en 1815, années qui virent Fouché se confronter (et survivre) à Robespierre et à Napoléon, excusez du peu !
[...] Tous ceux qui le voient ont l’impression que dans ses veines ne circule pas un sang chaud et rouge. Et en vérité, même moralement, il appartient à la race des êtres à sang froid.
[...] Robespierre et Napoléon se briseront tous deux contre cette impassibilité de pierre.
Au fil de la Convention, du Directoire, du Consulat et de l'Empire, la trajectoire étonnante de Fouché permet à Zweig de nous donner un point de vue sur ces années bien étonnant : on y redécouvre un Napoléon belliqueux et colérique, empêtré dans les affaires de son clan corse ainsi qu'un Robespierre qui préfigure les dictateurs modernes des révolutions socialistes (les Mao ou les Staline par exemple).
[...] Une révolution, il le sait, dans son expérience précoce, n’appartient jamais au premier qui la déclenche.
[...] Se tenir dans l’obscurité a été pendant toute sa vie l’attitude de Joseph Fouché : n’être jamais le détenteur apparent de l’autorité et, pourtant, la posséder entièrement.
Quelques longueurs tout de même mais parce que les trahisons et volte-face de Fouché se répètent au fil des péripéties historiques !
Pour celles et ceux qui aiment les politiciens.
Bonsoir Nina,
"Opportuniste à souhait", et bien plus encore!
J'ai particulièrement apprécié les duels psychologiques Fouché-Robespierre et Fouché-Napoléon. Cet être "au physique spectral" qui se dresse contre ses deux géants, sans jamais d'attaque directe, toujours sournoisement.
J'ai juste un regret: que Zweig n'ai pas plus développé le côté de la vie personnelle de Fouché qu'il ne fait qu'aborder: cela n'enlève rien à la qualité du travail sur le plan politique, mais l'homme a l'air si totalement différent avec sa femme et ses enfants, qu'on a envie d'en savoir plus, et la complexité de sa psychologie aurait été ainsi renforcée (et du coup, révélée plus intéressante).
Pour ma part, la prochaine biographie que j'aimerai tenter de Zweig est celle de Magellan.
Amicalement.