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On est au début des années 80. Banlieue parisienne. La Courneuve. Fatima et ses amies algériennes de la cité se retrouvent au square. C'est leur patio. Elles sont les premières immigrées, héroïnes de la littérature française. Dalila, 7 ans, la fille de Fatima, ne quitte pas le flan de sa mère. Elle écoute les histoires du quartier. Violence et tendresse dans l'exil. Bavardages, rires, cris, colères, bagarre, viols, flics... Dalila, battue par son père a décidé de gagner.
Nous sommes dans les années 80 dans les 4000 de La Courneuve. Beaucoup de familles maghrébines habitent ici. Fatima et les autres femmes, en majorité Kabyles totalement illettrées, se retrouvent souvent en bas de leur immeuble, toujours sur le même banc du square à côté d’un arbre, et parlent, racontent comme pour se libérer de la peur de l’inconnu, des inconnus que sont devenus leurs maris et enfants.
Dalila, fille de Fatima, restait collée à sa mère pour les écouter parler et souvent, il n’y est question que de coups portés aux filles. Les mères voudraient tant que les enfants réussissent à l’école, elles qui n’y sont jamais allées. Si elles sont indulgentes avec leurs fils fugueurs, qui désertent l’école, il n’en va pas de même avec les filles. Au Pays, elles sont enfermées, ici, c’est plus dur et elles craignent pour leur virginité, véritable sésame pour un mariage arrangé lors de vacances algériennes….
Les garçons, et bien, ils abandonnent petit à petit l’école, se retrouvent à plusieurs à Paris. Leur soif d’argent facile poussent certains à se prostituer au Boul’mich. Pour d’autres, c’est la bande de petits malfrats. Que voulez-vous, le père a abandonné leur autorité sur eux. Alors, les mères, lorsque se déclenche une bagarre entre bandes et que les forces de l’ordre arrivent, ont peur qu’un de leurs fils soit emmené au poste… Les pères sont souvent absents de par leur travail et leur boulot au noir ou leurs arrêts aux bistrots. Les mères, quant à elles, ont tissé une certaine connivence avec leurs enfants, même si cela ne va pas jusqu’à les défendre lorsque les pères les bat.
Tout cela Dalila l’entent, le retient et se dit Jamais. µDevenue adolescente, elle ose l’interdit en allant se balader à Paris avec une amie. Bien sûr, tout se paie cash et trash : lorsqu’elle rentre un peu tard ne voulant rien dire, le père prépare la ceinture et tabasse sa fille sans que Fatima ose, le plus souvent, intervenir. Pourtant, un jour, Dalila décide de sauter le pas : elle va partir de chez elle, fuguer… cela fait 8 jours que son père la tient séquestrée dans sa chambre. Et oui, que voulez-vous, au Pays, les filles sont séquestrées et pas besoin, à cette époque, d’aller trop à l’école, pour sa marier à 17 ans avec l’élu que votre père à choisi.
Je souhaite bon courage et bonne chance à Leila, car son nouveau parcours ne sera pas facile.
Je me pose une question. Est-ce ce manque de disponibilité du père, cette perte de repère qui a fait que certains se sont tournés vers des imams plus ou moins intégristes qui leur ont donné une ligne de conduite ??? ou ce besoin de racines qu’ils refusaient lorsque les pères leurs demandaient dans leur enfance d’apprendre les rites de tuerie du mouton pour les fêtes... ou lors des vacances au Pays ? Et oui, ce Pays, ce Pays de cocagne dont les pères leurs rebattent les oreilles. Ils vont même jusqu’à prévoir le retour de leur dépouille pour un enterrement là-bas, surtout ne pas être enterrés en terre mécréante !! Mais jamais il n’est question de mêmes dispositions pour la dépouille de leurs femmes.
Le livre de Leïla Sebbar est une véritable immersion dans ce monde qui m’est inconnu. Une très jolie couverture et un beau papier l’agrémente. Une belle lecture qui ne fut pas toujours facile. Ce livre, dur par moments est très instructif. Cela confine à l’étude sociologique.
Chronique des cités en banlieue parisienne dans les années 80.
A la Courneuve, au début des années 80, les cités sont peuplées de beaucoup d’étrangers, de Portugais, d’Antillais, et surtout d’Algériens, des Algériens déracinés qui ont fait venir leur famille en France. Fatima fait partie de ces femmes illettrées -parce-que, au bled, l’école c’était pour les garçons- qui ont suivi leur mari dans un pays qu’elle ne connait pas et dont elle ne parle pas la langue : alors elle retrouve ses compatriotes au square et elles se racontent leur détresse, la précarité économique, le silence de l’époux, la violence qui frappe les filles assujetties à leur père ou à leur frère, les garçons qui échappent à leur autorité, les mariages forcés, la détresse des femmes qui n’ont d’autre choix que se taire et obéir à leur mari, la violence qui naît du racisme et de la pauvreté… Dalila, la fille de Fatima, blottie silencieusement contre sa mère, écoute les femmes dévider leurs histoires, leurs hommes, leurs enfants, leurs difficultés, pour tromper l’angoisse… et Dalila comprend ce que sera sa vie si elle reste chez elle.
Alors Dalila décide d’échapper à son destin et de s’enfuir.
Véritable document sur la vie quotidienne des familles immigrées dans les années 80, Les Algériennes au square retrace un quotidien souvent tu et ignoré parce ces femmes ne sortaient pratiquement pas de chez elles sinon flanquées de leur mari pour aller acheter un produit de première nécessité à Barbés. Trente ans plus tard, les problèmes ne sont pas forcément les mêmes mais le bilan reste sombre.
A noter le ravissant écrin des éditions Elyzad poche !
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