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La Rome d'Auguste a cru à la pérennité, et elle a fondé sa durée sur des dieux de marbre et sur la poésie de Virgile. À la mort de ce chantre national, il ne restait plus, pour s'affirmer, que les voix de la contestation. Le premier dissident du Principat, Ovide, écrivit des Métamorphoses, un poème d'amertume où les statues divines du pouvoir devenaient mutantes, où le monde se peuplait d'hommes-bêtes et de femmes-fleurs. Nul carnaval pourtant, en cette moire fabuleuse, mais l'intuition que l'homme est condamné à la chute et à l'âge de fer, que la vie est une déshumanisation progressive et le langage, un piège permanent. Derrière les masques des dieux se dissimulent les dénégations épistémologiques d'une pensée délétère et les aveux théoriques d'une poésie en recherche. La censure d'Auguste ne s'y trompa guère, qui sut résoudre ces énigmes romaines d'Ovide et condamna l'impertinent à l'exil, loin de Rome. En un temps où l'on croyait à une poésie d'État, le crime d'Ovide pouvait être - suprême prémonition qui était bien dans sa manière - d'avoir exilé cette poésie loin de sa source idéologique en créant, au sein d'un univers panthéiste, les fictions d'une voix sans corps, d'une poésie en fuite et d'une musique sans mots.
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