"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Hélène Podliasky, grande tante de l'autrice, s'est échappée d'un camp de travail forcé avec la complicité de huit autres femmes résistantes. Elles ont traversé les lignes de front de l'Allemagne pour rejoindre Paris. Ce livre raconte leur histoire. Les neuf femmes avaient toutes moins de trente ans lorsqu'elles ont rejoint la résistance. Elles ont fait de la contrebande d'armes à travers l'Europe, hébergé des agents parachutistes, coordonné les communications entre les secteurs régionaux, parcouru les itinéraires d'évasion vers l'Espagne et caché des enfants juifs dans des appartements dispersés. Elles ont été arrêtées par la police française, interrogées et torturées par la Gestapo pour être finalement déportées en Allemagne. Leur amitié est née au cours cette terrible épreuve. À Leipzig, elles forment un groupe très soudé, faisant leur possible pour conserver leur dignité. Au moment de la débâcle allemande, forcées de participer à une marche de la mort, les neuf femmes parviennent à s'évader de manière audacieuse. Gwen Strauss a effectué un travail de recherches incroyable pour mettre au jour cette histoire saisissante d'entraide et de sororité malgré l'horreur, pour faire perdurer la transmission au sein des familles et au-delà. "Hélène embrassa la colonne du regard et vit qu'elle s'était distendue. Des intervalles s'étaient formés entre les sections, il n'y avait pas un garde en vue. Elle donna un coup de coude à Jacky. - Maintenant?! chuchota-t-elle en hâte. - Mais nous avions décidé d'attendre la nuit, objecta son amie d'une voix angoissée. Hélène tapota l'épaule de Zinka. - Regarde, il n'y a pas un soldat dans les parages?! - Tu as raison, c'est notre chance, confirma Zinka en prenant la main de Zaza." G.S.
Elles étaient neuf, de Gwen Strauss, relate, comme l’indique le sous-titre, L’histoire vraie de l’évasion d’un groupe de femmes qui a survécu au pire de l’Allemagne nazie.
Mais quelle leçon de courage et quelle leçon de vie que ce récit !
En préambule, Gwen Strauss présente en quelques lignes chaque jeune femme. Ce groupe des neuf se compose de Hélène Podliasky connue des autres sous le nom de Christine, Suzanne Maudet (Zaza), amie de lycée d’Hélène, Nicole Clarence, Madelon Verstijnen (Lon), Guillemette Daendels (Guigui), Renée Lebon Châtenay (Zinka), Joséphine Bordanava (Josée), Jacqueline Aubéry du Boulley (Jacky) et Yvonne Le Guillou (Mena), .
Elles avaient toutes moins de trente ans lorsqu’elles ont rejoint la Résistance, et même plusieurs, moins de vingt ans. Elles ont assuré l’acheminement d’agents et de messages et la réception de parachutages d’armes, apporté leur aide aux réfractaires au service du travail obligatoire, hébergé des agents parachutistes, parcouru les itinéraires d’évasion vers l’Espagne ou caché des enfants juifs dans des appartements dispersés. Toutes ont été déportées pour raisons politiques.
Hélène, brillante ingénieure, polyglotte, cette aisance avec les langues étrangères feront d’ailleurs d’elle, tout naturellement, une meneuse à Ravensbrück, « le pilier de leur groupe », est la grand-tante de Gwen Strauss, l’autrice.
Partie d’un entretien enregistré avec Hélène en 2002, « Comme ce fut le cas dans de nombreuses familles, on préférait laisser derrière soi cette période sombre », Gwen Strauss a dû effectuer un vaste et incroyable travail de recherche pour mettre au jour cette saisissante histoire d’entraide et de sororité malgré l’horreur, recherche dans différents fonds d’archives et immersion dans des entretiens radiophoniques et des archives filmées lors des retrouvailles d’Hélène avec Lon.
La première publication, The Nine, est paru en anglais en 2021. Cette édition de 2024, traduction de l’anglais par Catherine Delaruelle, permet enfin de découvrir le parcours exceptionnel de ces jeunes femmes.
Gwen Strauss consacre un chapitre à chacune des héroïnes faisant un retour sur leur vie, leurs actions en tant que résistantes, leur arrestation, les tortures, leur arrivée au camp, leur survie, toutes les épreuves endurées, leur évasion pendant une marche de la mort. Pour chacune d’elles, en présentation, une photo individuelle prise dans leur vie « d’avant », des portraits de jeunes filles resplendissantes de santé et de bonheur….
Toutes arrivées à Ravensbrück à l’été 1944, elles sont transférées en août près de Leipzig au Kommando Schönefeld, camp satellite de Ravensbrück puis de Buchenwald, où elles sont affectées à l’usine d’armement Hasag, à la production de munitions et de Panzerfaust, un lance-grenade portatif comparable au bazooka, à destination de la Wehrmacht. Elles devront effectuer ces travaux extrêmement pénibles, 12 heures par jour, avec un manque cruel de nourriture, durant huit mois, n’hésitant pas, malgré les risques à freiner le travail et à le saboter le plus possible.
Face à l’avance des troupes alliées, la nuit du 13 avril 1945, on ordonne aux 5000 prisonnières de s’assembler dehors sous un crachin glacial, les neuf tentent de rester groupées, et le 14 avril, à deux heures du matin, le cortège de déportées franchit les grilles du camp et est emmené dans une marche de la mort.
Encadrées par les soldats SS, les 5000 d’abord divisées en groupes de 1000 puis en cohortes de 100 doivent marcher par rang de cinq à travers les villes et villages.
Le 15 avril, profitant d'un moment d'inattention de leurs gardes, les neuf parviennent à s’échapper de la marche, à sortir du rang et à sauter dans un fossé : « Elles avaient réussi. Elles s’étaient évadées ! »
Commencent alors des jours d’errance pour rejoindre les troupes américaines stationnées dans la ville allemande de Colditz où elles arrivent malades et affaiblies, avec une traversée de la Mulde dantesque. Du temps s’écoulera encore avant leur retour chez elles…
Ce récit absolument sidérant révèle le rôle essentiel de l'entraide et la sororité dans la survie à des épreuves défiant toute imagination.
Gwen Strauss fait ressortir avec talent toutes les ressources dans lesquelles ces femmes sont allées puiser pour survivre et rester des êtres humains. Le soutien qu’elles se portent les unes aux autres, toujours vigilantes et prêtes à aider celle qui vacille, leurs caractères très dissemblables leur permettant justement de se stimuler mutuellement, et puis cette inventivité à créer d’autres mondes, ces astuces de recettes qui peuvent paraître complètement improbables pour survivre dans cette période où elles souffrent atrocement de la faim, c’est cette solidarité qui les aidera à tenir...
Lire la suite sur la chronique illustrée, ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/02/gwen-strauss-elles-etaient-neuf.html
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