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L'idée et la pratique du sacrifice jouent un très grand rôle dans les domaines de la religion, de l'éthique et de la politique. Dans ce bref essai, Moshe Halbertal en éclaire la signification et les implications : à partir d'une analyse du vocabulaire même du sacrifice (que signifie par exemple le glissement de sens d'un mot comme « victime », à l'origine purement rituel, pour désigner par la suite une catégorie ayant subi une injustice ?), il développe une théorie du sacrifice comme offrande et examine les relations entre sacrifice, rituel, violence et amour. Quelle est la place du sacrifice de soi dans la vie éthique ? Comment, dans l'ordre politique, le sacrifice peut-il être tour à tour un idéal de noblesse et une puissance terrifiante de destruction ?
En des pages aussi simples que décisives, l'auteur traite successivement des deux versants du sacrifice, selon qu'il est « sacrifice à » ou « sacrifice pour » ;
Dans le premier cas, c'est essentiellement la sphère religieuse et rituelle qui est concernée ; dans le second, la sphère politique et morale.
Dans le domaine religieux, le sacrifice est une offrande, en tant que forme spécifique du don au sein d'une structure hiérarchique. Cette dernière fait que le don est susceptible d'être rejeté, ce qui cause la blessure à l'origine du rituel et de la violence (exemple de Caïn). Il entre nécessairement en lui une ambiguïté fondamentale : à la fois geste de reconnaissance et de gratitude et instrument d'échange, cette ambivalence créant une tension dans toute pratique sacrificielle.
Dans cette partie de l'ouvrage, Moshe Halbertal permet de comprendre en quel sens l'analyse désormais dominante de René Girard s'applique peu à la pratique réelle du sacrifice.
Dans le domaine politique et moral, le sacrifice est lié à l'idée de dépassement de soi ; mais on y retrouve une ambiguïté analogue, dans la mesure où l'offrande de soi à de plus hautes valeurs peut compromettre sa teneur morale potientielle dans la justification des actes les plus brutaux. L'auteur déconstruit la relation trop vite établie entre sacrifice de soi et violence, en montrant que le sacrifice de soi, dans ses cas les plus manifestes, est souvent plus périlleux pour les communautés que l'amour de soi-même le plus exacerbé. Explorant les dimensions positives et négatives du sacrifice de soi, Halbertal éclaire enfin le rôle du sacrifice passé, qui entend lier, obliger les générations suivantes : l'État moderne se définit à ce titre comme une communauté sacrificielle voulant confisquer à son profit ce qu'il entre de non-instrumental dans le sacrifice, car l'État est pris lui-même dans la tension entre l'échange marchand et la dimension transcendante dont il désire le monopole.
Un ouvrage particulièrement décisif et éclairant dans les temps que nous vivons.
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