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À travers deux courts romans qui explorent, comme en miroir, les mours anglaises et chinoises de l'époque coloniale, Eileen Chang nous offre une analyse subtile des ressorts amoureux - dans une société décadente, où séduction et sensualité, pudeur et obscénité répondent à des convenances d'une exquise hypocrisie.
Premier brûle-parfum. La jeune Wei-lung sollicite la protection d'une tante, riche mondaine sur le déclin, laquelle voit en Wei-lung la promesse d'une nouvelle stratégie.
Second brûle-parfum. Roger Empton, professeur à South China University, épouse une jeune fille idéale qui par grand mystère ignore tout du désir.
Délicatesse infinie et cruauté feutrée des sentiments, malentendus, emportements secrets, suavité évanescente des passions et de leurs ruses. Ici, l'enchantement romanesque a la force d'une promesse entre deux amants. Et c'est le cour battant que nous entrons dans l'univers de ces Deux brûle-parfums.
Personnage éminemment romanesque, flamboyant de liberté rebelle, de beauté et d'intelligence, Eileen Chang est née en 1920 à Shanghai. Initiée très tôt aux enchantements raffinés des chefs-d'ouvre de la littérature classique chinoise, elle a commencé sa carrière d'écrivain à vingt ans, dans la période de la guerre sino-japonaise et de la Seconde Guerre mondiale.
À la fois portée par le souffle de liberté venu de l'Occident et pénétrée de culture traditionnelle, Eileen Chang déploie tout son art d'observatrice romanesque dans cette Chine en mutation. Bientôt désenchantée, elle se détourne d'une gloire déjà considérable et, après un long séjour à Hongkong, s'exile en 1955 aux États-Unis. Elle s'éteint à Los Angeles en 1995.
Traduit du chinois par Emmanuelle Péchenart
Eileen Chang est une écrivaine née en 1920 qui a commencé à écrire dès ses vingt ans et a fini sa vie en 1995 à Los Angeles. Deux brûle-parfums est écrit en 1943. Je ne suis point féru ni même amateur de littérature asiatique, j'ai toujours un peu de mal à entrer dedans. Ce livre fait un peu exception, parce que j'y ai trouvé beaucoup de charme et d'élégance dans l'écriture, dans les histoires joliment racontées qui sont quand même assez terribles, désenchantées et font la part belle à des personnages qui ont franchi les limites de la bonne société (notamment dans le premier brûle-parfum). Quelques passages descriptifs m'ont semblé longs, répétitifs, mais l'ensemble est plaisant, feutré, rien n'est expressément dit, tout est suggéré ; là où l'on aurait pu faire un roman trash, l'auteure fait dans la délicatesse. Elle crée des personnages en proie aux soucis de l'époque dans la belle société argentée ou en grand désir de l'être. Les passions, les ruses, les mises en scène, la rumeur, rien n'est éludé. Ni même le racisme ordinaire en cours à Hong Kong à l'époque : "Mais oui, (...) je suis une sang-mêlé, moi aussi j'en souffre. Regardez, les seuls partis que nous pourrons trouver, ce sont des garçons comme nous. Certainement pas des Chinois, parce qu'avec notre éducation étrangère nous ne pouvons pas nous entendre avec les Chinois de souche. Pas des étrangers non plus ! Lequel parmi les Blancs qui vivent ici n'a pas de préjugés raciaux ? Et même si l'un d'entre eux voulait un tel mariage, la société s'y opposerait. Celui qui épouse une Orientale, il peut faire une croix sur sa carrière. Personne, de nos jours, ne serait encore assez stupidement romantique pour s'y risquer." (p.69/70) Comme quoi, rien en change...
Pour résumer : une bien agréable surprise que cette traduction -tardive- d'Eileen Chang qui n'a rien à envier aux meilleurs écrivains occidentaux de l'époque tant par son écriture que par l'ambiance qu'elle crée, charmante, très bonne société anglaise du début du siècle dernier avec des personnages ciselés, totalement coincés par les carcans de la société dans laquelle ils vivent.
Deux brûle-parfums, ce sont deux court romans dont l'action se situent à Hong Kong à l'époque coloniale.
Dans le premier brûle-parfum, Ko Wei-lung est une jeune Shanghaienne d'origine modeste qui demande à Madame Liang, sa riche tante à la réputation sulfureuse, de l'héberger pour pouvoir continuer ses études à Hong Kong. Bien qu'elle ait presque atteint la cinquantaine, Madame Liang, une mondaine sur le déclin, se fait appeler "Jeune madame" par ses domestiques et voit en Wei-lung une nouvelle occasion d'attirer de jeunes hommes dans ses soirées... Wei-lung s'y résout au risque de perdre ses illusions et son innocence.
Dans le deuxième brûle-parfum, Roger Empton est un professeur respecté de la South China University à Hong-Kong, sur le point d'épouser la jeune et belle Susie Mitchell. Cette dernière, de par son éducation incomplète, ne connaît rien à l'amour et aux plaisirs de la chair. Lors de sa nuit de noces, elle réagit très mal au point de compromettre la réputation de Roger...
Quel plaisir que de plonger dans ces deux romans qui évoquent une société partagée entre les traditions et la modernité occidentale. Le choc de culture est très bien représenté par Eileen Chang qui nous fait ressentir l'ambiance coloniale comme si on y était. On y aperçoit les mauvais travers et l'hypocrisie d'une société mondaine qui se veut trop moralisante tout en acceptant certains comportements indécents, une société où les femmes manquent d'éducation sexuelle par puritanisme, ou bien se laissent aller à tous leurs désirs.
L'écriture d'Eileen Chang est agréable et nous embarque dans son univers dès le début par ses mots qui ouvrent le récit : Retrouvez chez vous, s'il vous plaît, un vieux brûle-parfum de famille tout constellé de vert-de-gris, allumez-y des copeaux d'aloès et écoutez-moi vous raconter une histoire du Hongkong d'avant-guerre : lorsque les copeaux auront fini de brûler, mon histoire, elle aussi, sera terminée.
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