Une liste de 8 romans incontournables sur la Guerre d'Algérie
Ils ont été appelés en Algérie au moment des événements , en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies.
Mais parfois il suffit de presque rien, d"une journée d'anniversaire en hiver, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Une liste de 8 romans incontournables sur la Guerre d'Algérie
A travers l’histoire de Bernard, un sdf alcoolique et sexagénaire, Laurent Mauvignier s’empare du sujet de la guerre d’Algérie, rarement traitée par les écrivains contemporains. Ils étaient simples appelés pendant la guerre d’Algérie. Ils ont vu, sont revenus et se sont tus. Quarante ans de silence ont coulé sur la vie des héros de Laurent Mauvignier.
Récit d'une grande tension concentré sur moins de vingt-quatre heures sur les traces que la guerre d'Algérie a laissées dans des mémoires.
« Des hommes » de Laurent Maurignier, un livre qui pourrait être divisé en trois parties avec la fête comme élément déclencheur : le présent, avec Bernard dit « Feu de bois » qui offre à sa sœur Solange pour ses 60 ans et son départ à la retraite une broche or et diamants, lui ,le pauvre, le rebut qui vit aux dépens des autres et de la famille, un cadeau qui attise la suspicion et la jalousie ; le passé, qui resurgit, un souvenir qui vous dévore l’âme et perturbe vos nuits des années après, le syndrome post-traumatique, l’Algérie vécu en 1962 avec son lot d’atrocités, et Chafoui qui appelle la vengeance dans la tête de Bernard ; et l’avenir, avec cet argent qu’il avait gagné à la loterie, ce pactole confié à la mère parce qu’on n’avait pas atteint la majorité pour gérer ses sous, mais suffisamment grand pour combattre à côté des harkis sur une terre inconnue qu’on appelait l’autre France. Un récit poignant.
Lu à sa sortie en 2009, j’ai eu envie de le relire avant de voir le film de Lucas Belvaux.
« Ce bloc de silence qui s’est rétracté » c’est Bernard, dit Feu-de-Bois, la soixantaine.
Il pue : l’alcool, le mauvais tabac, la crasse et la sueur des sentiments enfouis depuis trop longtemps.
Laurent Mauvignier va nous tracer cette histoire en quatre actes : l’après-midi, le soir, la nuit et le lendemain matin.
Vingt-quatre heure chrono dans la vie de ce village de la Bassée.
Une fête se prépare dans la salle municipale, Solange la sœur de Bernard a réuni famille et amis pour ses soixante ans et son départ à la retraite. C’est joyeux et Bernard arrive, il a fait des efforts il s’est mis sur « son 31 » enfin à sa façon. Chaque invité a déposé son petit cadeau mais lui attend à l’écart et s’approche de sa sœur, il extrait de sa poche un écrin. Tout le monde l’observe car il n’a pas les moyens, il vit plutôt comme un clochard.
La grogne monte, car certains l’ont aidé financièrement sans revoir leur argent alors cette dépense !
Solange est gênée, elle aussi, elle ne sait comment réagir, mais lui attend qu’elle montre le plaisir que lui procure cette broche offerte.
« Un bijou. Lui, il y avait pensé.il avait réfléchi et je trouve que c’était bien de sa part, non, vous trouvez pas, vous, de penser à sa sœur en se disant que personne d’autre lui offrirait un bijou comme ça parce qu’elle avait personne pour le faire ? »
C’est Rabut, le cousin qui raconte, principalement mais les voix du village s’entremêlent. Chacun y va de son chapelet pour faire le portrait de Bernard avant qu’il ne soit Feu-de-Bois et c’est glauque, aussi sale que la crasse qu’on lui attribue. Ça pue.
Un autre personnage Février va tempérer les souvenirs de cette sale guerre, il sera un contrepoint très important.
« Rabut. Pourquoi vous dites tout ça. C’est pas la peine de charger la barque. Il a pas besoin. Non ? Vous croyez pas ?
Ecoutez, Rabut, votre cousin il est ce qu’il est, mais quand il parle de vous, il dit pas de mal. Il dit le bachelier et ça le fait rire tout seul, mais c’est tout. »
A partir de là le récit est une résurgence, comme ces eaux souterraines qui ressortent à la surface.
Comme d’autres jeunes Bernard est envoyé en Algérie en 1960, quand il rentre, il ne revient pas au village, il s’installe en région parisienne, a une femme et deux enfants. Il les laissera quelques années plus tard, et s’installera dans la vielle masure de son oncle, qui abritera sa solitude, au mur accrochées quelques photos, pas de sa femme et de ses enfants, non, des photos de petits algériens et surtout celle d’une petite fille. Pourquoi est-il revenu ?
« Il travaille tous les jours à retaper sa maison et très vite on le voit qui rôde autour de la maison de sa mère, qu’il cherche à venir chez elle, qu’il attend, qu’il regarde, qu’il guette le moment où elle acceptera de lui parler. »
C’est une plongée en apnée dans les traumatismes de ceux qui reviennent de la boucherie des guerres. Ils ne disent rien de ce qu’ils ont vécu mais on ne sollicite pas leur parole, ils sont revenus c’est bien mais la collectivité ne veut pas savoir.
Des blessures gravées dans le marbre de leur chair.
Laurent Mauvignier fait un récit tendu à l’extrême avec une polyphonie qui parfois se noie dans une cacophonie pour révéler, cacher ?
Il dit la tragédie, il donne la parole aux sans-voix. Ces anonymes, ceux qui se fondent dans la masse pour faire de la chair à canon, de la main-d’œuvre pas chère, et sous sa plume ils sont là, individualisés et humains.
Bernard le mutique, feu-de-Bois l’explosif, c’est un destin dans la grande Histoire.
Le silence comme une chappe de plomb, et le lecteur ne lit pas ce livre, il écoute, il reçoit.
Ecrire les non-dits pour plus de réalité.
Cette guerre et l’Algérie, cet enfer quotidien auquel rien ne les avait préparés, cette barbarie sans mots… Des trahisons de tous côtés. Cela détruit, lamine indéfiniment à l’intérieur.
C’est un livre bouleversant car le monstre se révèle et il a encaissé depuis l’enfance, personne ne naît pour être seul.
©Chantal Lafon
La phrase de Jean Genêt, en exergue , qui tourne autour de la notion de blessure donne le ton de ce roman bouleversant par l’évocation des atrocités dont les appelés ont été témoins ou responsables , qui ne cessent de hanter ces hommes 30 ans après.
Un roman puissant, dont l’action se concentre sur moins de 24heures , en quatre chapitres inégaux dont le titre indique un moment de la journée : après-midi , soir, nuit et matin . La partie 3, partie pivot, sorte de tempête sous un crâne pour Rabut et consacrée à la remontée nocturne des souvenirs nous renvoie au passé traumatisant de la guerre d’Algérie . Nous comprenons mieux alors le comportement étrange de Bernard évoqué dans les deux précédents chapitres et l’attitude que Rabut finira par adopter au petit matin .
Les deux personnages sont l’un comme l’autre également attachants, l’un comme l’autre brisés par leur expérience algérienne, ils ont réagi différemment , l’un dans une marginalisation, l’autre dans une intégration à la société . La dernière phrase du roman traduit bien cette fêlure irréversible : «Je voudrais savoir si l’on peut commencer à vivre quand on sait que c’est trop tard »
Un roman âpre, magnifique, servi par l’écriture de Mauvignier , une écriture heurtée, qui tient en haleine , qui essouffle, et emmène irrésistiblement le lecteur dans sa course effrénée
Dans un petit bourg de campagne, il y a Bernard, dit Feu-de-bois, alcoolique, qui vit pratiquement comme un clochard.
Il y a Solange, sa sœur.
Il y a Rabut, son cousin avec qui il a fait l’Algérie, mais ils ne se parlent pratiquement plus.
Et puis d’’autres encore.
Le jour de l’anniversaire de Solange, Bernard pète un plomb et agresse la familles de Saïd Chefraoui.
Les phrases se bousculent, s’enchaînent, s’entraînent, nous portant dans une lecture fiévreuse difficile à interrompre.
On veut comprendre ce qui se passe entre tous ces gens.
C’est alors que Rabut se remémore tout ce qui s’est passé en Algérie, il y a quarante ans.
« Des hommes », ce sont tous ces hommes jeunes qu’on a envoyé à la guerre, face à d’autres hommes, des hommes jeunes eux aussi.
Et ces hommes, d’un côté comme de l’autre, ils sont devenus vieux, et depuis tout ce temps, ils vivent avec la guerre en eux sans pouvoir en parler à personne.
Enfant, à chaque repas, j’entendais mon grand-père nous parler de la guerre (il parlait, lui), et je trouvais ça pénible, sans comprendre à l’époque le traumatisme qu’ils endurent, ces hommes qu’on envoie à la guerre.
J’ai lu plusieurs livres de Laurent Mauvignier, les ai tous appréciés, mais celui-là sort particulièrement du lot.
Il a parfaitement réussi à saisir le ressenti ‘des hommes » qui sont passés par là.
C’est vraiment un livre fort et poignant.
Lu à sa sortie en 2009, j’ai eu envie de relire ce roman après avoir vu le film de Lucas Belvaux.
Je ne suis pas une inconditionnelle de Laurent Mauvignier et pourtant j'ai apprécié cette histoire.
L'auteur a su lever avec sensibilité le voile qu'on a déposé sur la guerre d'Algérie. Son héros, c’est Bernard, dit Feu-de-Bois, soixante ans et l’amertume, la rancœur comme refrain de sa vie. Il boit pour oublier, il se néglige, est asocial. Seule Solange sa sœur semble le comprendre. Pourtant, lorsqu’elle invite famille et amis à la fête qui célèbre son départ à la retraite, Bernard va « déconner » une fois de plus et bousiller la fête ;
Pourtant, Bernard a eu une vie normale avec un travail, une épouse et deux enfants. A présent, il rumine son passé dans la solitude.
Peu à peu va s’entrouvrir cette porte qui nous mène à l’Algérie de 1960, et cette guerre sale qu’on ne veut pas nommer et oublier. Les traumatismes de Bernard, les morts laissés là-bas le hantent au point qu’il exhume des photos d’enfants algériens plutôt que ses propres gosses. Que s’est-il donc passé en 1960 ?
L’auteur sait à merveille explorer les traumatismes du passé, faire resurgir ces souvenirs qu’on voudrait laisser enfouis au fond de sa mémoire. Il ne juge pas, non, simplement il raconte et dénonce la barbarie d’une guerre sans nom, les non-dits et l’oubli collectif d’une société qui refuse la vérité.
Beaucoup de retenue et d'émotion dans ce roman Le style est exigeant pour un sujet qui ne l’est pas moins.
Un roman bouleversant.
Ce livre, si l’on veut en apprécier toutes les subtilités, ne se lit pas rapidement. L’écriture de Mauvignier est ici plutôt exigeante, très belle et très juste comme toujours, à condition de prendre son temps pour bien saisir tout le poids des mots. Cet ouvrage n’est pas un plaidoyer contre la guerre, du moins il ne me semble pas que ce soit l’objectif de l’auteur. Pourtant, en nous racontant, par bribes, le quotidien de ces jeunes envoyés en Algérie, Mauvignier nous montre, de manière brutale mais sans jugement, quelques-unes des atrocités commises au nom de rien, par ces hommes qui, par des décisions politiques qui les dépassent, sont devenus des soldats en pays étranger, entraînés à refuser à leurs adversaires jusqu’à leur humanité, pillant, violant, tuant sur leur passage, ou au contraire mortifiés devant l’horreur et la barbarie de ce que le langage courant appelle avec pudeur des « actes de guerre ». L’auteur dissèque ses personnages, pour nous montrer comment ces jeunes ont été marqués à vie par cette expérience meurtrière. Comme à l’accoutumé quand il s’agit des livres de Mauvignier, la lecture de ce roman ne laisse pas indemne !
Alors, qu’il a été écrit des km de livres et de films sur les guerres de 14-18 et de 39-45, Il est intéressant de constater que l’omerta collective qui frappait la mémoire d’une guerre déguisée sous le nom d’ »évènement », semble enfin se dissiper.
Peut-être parce que l’Algérie, « bon, ben c’est pas Verdun », sans doute parce que l’Ennemi n’y était pas clairement identifié, certainement parce que le terme héroïque était dévolu aux protagonistes de la Grande Guerre ou de la Résistance, les combattants d’Algérie se sont retranché derrière le silence.
Laurent Mauvignier enfreint enfin le tabou pour nous livrer ce livre magnifique et bouleversant, une histoire d’hommes broyés par l’Histoire, des hommes qui ont tué, violé et torturé ou au contraire, ont assisté impuissants à l’horreur. On les voit se débattre, essayer de survivre à l’abjection et au crime et l’auteur pose la question : que reste-t-il de l’homme, de l’humanité dans cette Algérie en guerre ?
Mauvignier pose la question du Mal, comme le fait Jérome Ferrari dans « Où j’ai laissé mon âme » : et il semble que ce n’est pas le Bien qui l’a emporté… Quant au silence qui a tenté d’étouffer les témoignages, il est assourdissant.
« Des Hommes », n’est pas seulement un roman sur la guerre d'Algérie, c'est un livre où parlent tous ceux qui ne trouveront jamais la paix. C'est un livre sur la guerre qui continue après la guerre, un livre sur le traumatisme, semblable à celui dont ont souffert, à en devenir fous, les rescapés du Chemin des Dames ou les vétérans du Vietnam.
Un livre bouleversant et nécessaire servi par une plume âpre et douloureuse !
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