Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Magistral premier roman indien où le paysage, la terre, la mer, les montagnes et les personnages principaux (deux jeunes mariés, un yéti mélancolique, un géologue, une tortue...) semblent inventer un genre en soi : la fiction de la nature.
Un roman tellurique, où les histoires semblent surgir organiquement le long d'une ligne de faille qui fait trembler la terre et tout ce qu'elle contient de l'océan Indien à l'Himalaya. Peut-être le premier roman où la nature s'exprime directement.
Deux jeunes mariés s'installent dans une ancienne demeure coloniale, sur les îles Andaman, et tentent de s'apprivoiser. Ils savent qu'ils se sont déjà aimés dans d'autres vies. Girija Prasad est un scientifique fasciné par les volcans lilliputiens et les phénomènes naturels de l'archipel. Chanda Devi est un peu sorcière ; elle sait amadouer les éléphants en colère, prévoir les tremblements de terre et parler aux fantômes qui peuplent les îles (soldats japonais, lord anglais, mangeurs d'escargots, une chèvre bêlante).
Plusieurs personnages plus loin (un jeune révolutionnaire, un trafiquant désabusé, un yéti mélancolique, une tortue, une strip-teaseuse...), on retrouve leur descendant le long de la ligne de faille sismique : un géologue chargé de s'assurer que le prochain sommet himalayen, prévu pour être plus haut que l'Everest, surgira bien dans le cadre des frontières de l'Inde, pour encourager le tourisme.
Premier roman au souffle incroyable, Dérive des âmes et des continents surprend par sa puissance narrative, à la hauteur des tsunamis qu'il contient.
« Dérive des âmes et des continents » est né depuis la nuit des temps. Tant sa beauté est socle. La poésie est un talisman. On ressent les forces spéculatives, l’intime-épopée, la vertigineuse lumière, mystique et viscérale.
Deux jeunes êtres dans l’aube de leur mariage apprennent la conjugaison sensuelle et vierge encore. Sur les îles Andaman où la nature ordonne tout.
Cette fable-conte, entre l’Himalaya et l’océan Indien est transcendante. Ici, tout est déambulation, parchemin de paraboles. La trame est superbe, fiancée à l’essentialisme.
« Semer des graines, uniquement pour déraciner. » « On trouve toutes sortes de fleurs et de fruits sur un seul arbre, des jonquilles et fleurs de lotus aux orchidées, des pommes et des pastèques aux humbles noix de coco. Tout est possible car rien n’est impossible ».
On reste attentif à l’entendu, aux chuchotements, à la volupté. La nature est déesse et maîtresse. Les personnages qui gravitent sont des emblèmes. L’onirisme est apothéose.
« Entouré de ténèbres, Platon s’était accroché aux couleurs. Il rêvait en couleurs. Il leur parlait. Il vivait à l’intérieur d’elles ».
La boucle même de la vie, ce qui fusionne et encense les vénérables échappées de l’autrice, Shubhangi Swarup, parée de l’Inde, rassemblant l’épars pour mieux nous éveiller encore et encore. L’inde métaphysique où le cartésien n’est pas loi. On lit en dévorant les pages nourricières. On est en fusion dans cette litanie, cette source et qu’importe si, ici, tout est magie, rêves, images et quintessence. C’est l’essentiel qui bat ici, comme du linge frais claquant au vent, au bord même du monde et des cosmopolites regards.
Ce serait comme une lecture tracée dans le contre-jour où les ombres seules assignent, « à la faveur de l’obscurité, des transformations radicales se produisent ». « La pluie se met en colère, même quand je ris ». « Au fil de son histoire, Katmandou a vu se succéder de nombreux royaumes prospères sur les berges de la Bagmali ». « Les nuits de pleine lune, elle était l’esprit d’un océan ».
Le récit est dentelle, myriade, soupir, murmure et caresse. Un périple-monde, la Canopée et la nature qui perce l’écorce de nos surdités. L’Inde-cachemire et diapason, l’âge éternel et les vergers du temps. « À l’extérieur la nuit est un fantôme, le fruit de l’imagination de la neige ».
L’ethnologie en prière, la soif de l’un et le salvateur de l’autre. Des miracles de mots et d’êtres qui relèvent notre visage vers les cimes. Comprendre ce livre, c’est apprendre à vivre. Traduit de l’anglais (Inde) par Céline Schwaller. Publié par les majeures Éditions Métailié.
Voici un roman à l’écriture luxuriante, bien difficile à résumer et à cerner. Commençons par le plus facile : ce livre est composé de quatre parties, reliées entre elles par le biais de certains personnages qui passent de l’une à l’autre. Dans la première partie, nous sommes dans les îles Andaman, juste après l’indépendance de l’Inde. Girija Prasad, fonctionnaire du gouvernement, vient de s’y installer avec sa jeune épouse, Chanda Devi, et leur domestique Mary. Lui, le scientifique cartésien passionné de phénomènes géologiques, est transi d’amour pour sa femme, qui a l’habitude de parler aux fantômes et aux arbres et de prédire les catastrophes naturelles. Ces deux pôles humains auront bien du mal à s’apprivoiser et à se rejoindre dans l’unité d’un couple, mais tous deux sont opiniâtres.
Dans une deuxième partie, nous arrivons en Birmanie avec Mary. Elle a fait le voyage depuis les Andaman à la demande de Thapa, un ami de son fils Platon. Ce dernier est emprisonné dans les geôles effroyables de la junte birmane en raison de son activisme politique. Mary attend et espère sa libération pour enfin revoir ce fils qu’elle a dû abandonner quelques mois après sa naissance.
La troisième partie nous emmène à Katmandou, sur les traces d’un Thapa vieillissant, devenu trafiquant d’opium, et qui se prend d’un amour paternel pour Bebo, une jeune strip-teaseuse qui a l’âge d’être sa petite-fille.
Enfin, on arrive dans un village perdu de l’Himalaya, en bordure du Cachemire, à une altitude proche de l’inhumanité. Un village dans lequel Thapa est passé à plusieurs reprises et où aboutira, par hasard, le petit-fils géologue de Girija Prasad et Chanda Devi. On y parlera de la quête d’amour d’un vieillard de plus de 80 ans, et d’une nouvelle montagne qui pourrait bien dépasser l’Everest.
Le point commun de ces quatre parties : la (re)naissance d’un amour, entre un homme et une femme, une mère et son fils, un grand-père et une petite-fille d’adoption, un homme et une femme à nouveau. Avec en parallèle, la géologie, la tectonique des plaques, les tremblements de terre et les tsunamis avec leur puissance destructrice et créatrice qui engloutit des montagnes et fait surgir des îles. D’un côté l’éclatement de la Pangée originelle qui a séparé les continents, de l’autre des humains qui cherchent à se réunir. Et au milieu, des lignes de faille, des îles, une vallée de perdition et un désert de neige.
Je n’ai malheureusement pas réussi à percevoir grand-chose de plus de ce roman, que j’ai eu du mal à terminer. Il ne m’a pas touchée, ni ses personnages, ni leurs histoires, ni son style. Malgré quelques éclairs de beauté limpide et de pure tendresse, il y a trop de ramifications secondaires, de contes, d’onirisme, dont je n’ai pas compris le sens. Cette prose est pour moi trop éclatée, répétitive, peu claire et peu fluide, manque de cohésion, et surtout je me demande encore où l’auteure voulait en venir… Mais que cela ne vous empêche pas de vous faire votre propre idée.
« Le silence sur une île tropicale est le bruit incessant de l’eau. Les vagues comme le son de votre propre souffle, ne vous quittent jamais. Depuis maintenant quinze jours, le gargouillis et le tonnerre des nuages noient le bruit du ressac. Les pluies tambourinent sur le toit et dérapent sur la corniche, se perdant en éclaboussures. Elles frémissent, fouettent, martèlent et glissent. Le soleil st mort, vous dit-on. »
Bienvenu sur une île de l’archipel des îles Andaman ou vivent Girija Prasad Varma et Chanda Devi, jeunes mariés. Girija, scientifique est là pour étudier le glissement des plaques tectoniques.
Girija Prasad Varma a fait tout son cursus universitaire à Oxford, il est scientifique, et à son retour, il créé le Service national des forêts en 1948, peu de temps après l’indépendance de L’inde. On lui propose en mariage une jeune femme instruite. Quant à Chanda Devi, elle est ravie qu’on lui propose Girija, car ayant remporté la médaille d’or en mathématiques et en sanskrit, elle fait peur aux prétendants moins instruits qu’elle. Son autre particularité est de communiquer avec les fantômes de l’île qui sont, quelques fois, envahissants et ressent les prémices d’un tremblements de terre. Ils savent qu’ils se sont aimés dans une autre vie et cela leur permet de se trouver au milieu de cet archipel perdu. Chanda perd la vie en donnant naissance à sa fille qu’il élèvera seul avec la nounou, sans jamais vouloir se remarier.
Tout ceci fait peut-être très bolywood, mais détrompez-vous. Eux sont les figurants, la mer, la montagne, la forêt, les animaux... la nature dans tout ce qu’elle a de grandiose est le principal personnage. Sur cet île vivent les fantômes des colons anglais, japonais qui envahissent Chanda.
Girija, passionné des volcans lilliputiens a choisi de vivre sur cette petite île située sur une faille tellurique. Il perd la vie dans un tsunami et passe le relais du récit à Mary, la nounou de Teesta, sa fille.
Celle-ci décide de retourner à Rangoon où son fils, Platon, qu’on lui a enlevé bébé, lui envoie une lettre. Il est prisonnier de la junte birmane au pouvoir. Ce sont des pages plus dures où Platon est torturé. Heureusement, Thapa, son ami de toujours est là qui veille sur lui et Mary.
C’est au tour de Thapa et son histoire. Trafiquant en tout, il est présentement à Katmandou, où il rencontre Bebo strip-teaseuse dans un bar à touristes. Une relation, au début ambiguë, puis plus paternelle, se noue entre eux.
Dernier personnage, le petit-fils des jeunes mariés du début qui se retrouve en Himalaya, le long de la faille sismique pour vérifier que le prochain sommet le plus haut, plus haut que l’Everest sera bien en Inde.
Chaque personnage qui raconte son histoire est un lien qui relie Girijad Prasad à son petit-fils, les îles Andaman à la chaîne himalayenne.
Shubhangi Swarup nous invite à explorer les failles sismiques, les failles humaines dans une luxuriance poétique, descriptive, humaine.
Un roman polyphonique, poétique, onirique, géographique qui m’a emportée. Je me suis laissée aller à la dérive des personnages si attachants par leurs histoires, leurs parcours. Tous racontent leurs souffrances, les violences subies, l’exil, la perte, les retrouvailles. Il semble y avoir une espèce de fatalisme de la vie avec toutes ses blessures.
Entre histoires et histoire, je me retrouve charmée, envoûtée par les mots de Shubhangi Swarup. Une lecture qui défie le confinement. Se laisser aller à la dérive des sentiments et des continents.
Ce roman est pour moi parfait pour une lecture de vacances, les chapitres se suivent sur des histoires et des personnages différents dans des villes, espaces et univers différents. Ce roman monde est très ambitieux et cherche tel les milles et une nuits et le decameron, a dresser un panorama universel des dérivés des techtoniques des plaques et des dérives humaines, la force du premier et du dernier récit donne un projet ambitieux très réussi mais avec quelques longueurs et invariantes dans les récits. La plume poétique, et le récit mi scientifique mi orinirique en font une lecture très dépaysante.
#Derivedesamesetdescontinents #netgalleyfrance
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