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On passait d'abord près de l'embarcadère. Des barrières métalliques bordaient le trottoir, polies par le toucher jusqu'à l'éclat, on pouvait s'y appuyer ou s'y asseoir, et regarder. Si je dis maintenant ce que l'on voyait, je devrais préciser que je m'y trouve à la fois comme petit garçon, adolescent et jeune homme; de nombreuses années de contemplation se réduisent donc à un instant. On apercevait d'abord le bateau, sur le point d'appareiller: les passagers grimpaient sur la passerelle, on se bouchait les oreilles lorsque la sirène retentissait, un coup puis un second, les amarres étaient larguées au milieu des cris de Józiuk et de Antuk. Ou bien on voyait le bateau qui se rapprochait, encore dans le lointain, lorsqu'on ne distinguait que le scintillement de ses aubes. Les bateaux s'appelaient Courrier et Express, me semble-t-il (bien que je n'en sois pas certain); ensuite, il y en eut un troisième, Agile, magnifique, doté d'un véritable pont. On accordait beaucoup d'importance au bateau sur lequel on réussissait à embarquer pour les excursions scolaires à Werki. Ils remontaient toujours la rivière, jusqu'à Werki, et même plus loin, vers Niemenczyn, mais ne la descendaient jamais. On pouvait encore voir l'embarcadère des canots qui étaient peints de lignes multicolores le long de la coque, d'un bec légèrement recourbé à l'autre. Le passeur plaçait cinq ou six personnes et les transportait sur l'autre rive, celle du quartier de Pioromont; il se servait d'un long aviron, également peint, et il avançait en poussant dessus, à moins que l'eau, au printemps ou à l'automne, ne fût trop haute. On voyait également les radeaux de bois flottant, de longs trains de bois _ surtout du pin _ avec une cabane et un foyer sur le dernier radeau, qui était également muni d'un aviron de gouvernail, long et lourd. Les scieries, où les radeaux s'immobilisaient, en quantité si grande parfois que toute la Wilia en était recouverte, se trouvaient un peu plus bas, au-delà du Pont Vert, en face de l'église Saint-Jacques. des choix, des moments difficiles ou exaltants, et qui représentent aussi une partie de l'histoire de l'émigration polonaise à Paris, après la Seconde Guerre mondiale.Ces essais, dans la variété de leur forme et des sujets abordés, permettent de suivre de manière vivante les méandres et les étapes d'une pensée qui cherche à percer la nature véritable de notre XXe siècle.Czeslaw Milosz, né en 1911 en Lituanie, se consacre très tôt à la poésie. En 1951, il rompt avec la Pologne. Après une dizaine d'années passées en France, il s'installe aux Etats-Unis, où il enseigne les langues et littératures slaves à l'université de Californie (Berkeley). Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1980.
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