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Cela fait dix ans que le premier ministre indien, Narendra Modi, ancien vendeur de thé, est à la tête de la troisième économie mondiale et du pays bientôt le plus peuplé du monde avec 1,425 milliard d'habitants. Mais que sait-on de sa pratique du pouvoir, de sa paranoïa caractérisée, des mystères de sa vie privée, de sa phobie de la presse, des racines de l'idéologie qu'il porte, de son culte de la personnalité, des moteurs de sa popularité, des rouages de la machine politique de son parti... ? Au printemps 2024, il brigue un troisième mandat.
Dans la tête de Narendra Modi est une étude passionnante sur l’état de cet immense pays qu’est l’Inde. Au travers de la personnalité de son Premier ministre, Sophie Landrin, correspondante du Monde à Delhi, et Guillaume Delacroix, journaliste aussi qui a vécu huit ans en Inde, nous ouvrent les yeux, argumentent, étudient, dissèquent ce qui se passe là-bas et m’ont donc appris quantité d’informations précieuses.
En Inde, la démocratie recule. Le pays de Gandhi est sous la coupe d’une extrême-droite prête à tout pour assouvir son pouvoir. Le plus grave, c’est que les pays occidentaux, la France, en particulier, ferment les yeux afin de pouvoir vendre des avions Rafale et des sous-marins alors que Narendra Modi pousse son pays, devenu indépendant en promouvant la laïcité, vers toujours plus de religion, l’hindouisme essentiellement.
L’introduction donne d’emblée le ton avec cette cérémonie, à Ayodhya pour poser la première pierre du temple de Rama. Nous sommes le 5 août 2020 et ce temple est construit à la place d’une mosquée qui a été détruite par les extrémistes hindous, en 1992.
Au pouvoir depuis 2014, Narendra Damodardas Modi se comporte comme un chef religieux, marginalisant deux cent millions de musulmans, mettant en avant les trois divinités hindoues : Vishnu, Brahma et Shiva.
L’Inde, pays le plus peuplé du monde après la Chine, consacre ainsi l’hinduvta, l’hindouité, actant la fin d’un état sécularisé voulu par ses fondateurs : Nehru, Gandhi et Ambedkar. Alors, pour tenter de comprendre ce basculement vers un État marqué par la couleur safran, Sophie Landrin et Guillaume Delacroix se lancent dans une étude très documentée, indiquant de façon précise toutes leurs sources, en dix parties, une conclusion et un glossaire.
Comme le titre de cet essai le laisse entendre, tout tourne autour de Narendra Modi qui est à la tête du pays depuis dix ans. Il avait reçu François Hollande à Delhi en 2016 puis a été invité à assister au défilé militaire du 14 Juillet 2023, sur les Champs Élysées, aux côtés d’Emmanuel Macron. La Grand-Croix de la Légion d’Honneur lui a été remise. À son tour, notre Président était reçu en Inde en janvier dernier.
Pour mieux comprendre Narendra Modi, il fallait tenter de retracer son histoire, à partir de son enfance. Troisième enfant de six, il est né le 17 septembre 1950, une très bonne année pourtant… On raconte qu’il vendait du thé à la gare de Vadganar, au Gujarat, pour ses parents pauvres alors que ses études ont été assez brèves. Vérité ou légende ? Ce qui est sûr, c’est qu’il a été marqué très tôt par la religion et marié dès 17 ans, fait qu’il ne reconnaîtra qu’en 2014 parce qu’il a quitté très vite sa très jeune épouse et sa région.
À 21 ans, il est membre du RSS (Rashtriya Swayamsevak Sangh), Association de volontaires pour la nation, un mouvement d’extrême-droite promouvant la domination des hindous. La vitrine politique de ce RSS est le BJP (Bharatiya Janata Party), Parti du peuple indien, au pouvoir depuis 2014. Il a supplanté le Parti du Congrès, fondé en 1885, rendu célèbre par le Mahatma Gandhi puis par Nehru et sa fille, Indira Gandhi.
Pour étayer leur analyse de la politique menée par Narendra Modi, les auteurs détaillent la société indienne et c’est très instructif. Cela permet de comprendre cet homme, son évolution et son souci d’infantiliser le peuple pour mieux le contrôler. Ses discours sont analysés ainsi que sa politique caritative.
Avant d’arriver à la tête du pays, il s’est rôdé en dirigeant le Gujarat, province où des pogroms antimusulmans ont été perpétrés en toute impunité. Avec le soutien du patronat et une exploitation maximum du phénomène religieux, Narendra Modi contrôle son pays, se souciant au maximum de son image. Entouré de collaborateurs entièrement dévoués, il calme les journalistes trop curieux, évite les conférences de presse, s’adresse une fois par mois à ses électeurs, en hindi, exploite à fond les réseaux sociaux, soigne au maximum son apparence, etc…
Narendra Modi baisse au maximum les budgets consacrés à la santé et à l’éducation, tente d’attirer les investisseurs mais 8 000 Indiens partent chaque année pour des pays au niveau de vie plus élevé.
Fin de la laïcité, élimination des opposants, l’évolution de l’Inde fait penser à celle de la Turquie pour un pays qui a refusé de condamner l’agression russe en Ukraine. Modi a fusionné la religion, la nation et le dirigeant, se révélant extrêmement habile. Jusqu’à quand ?
En tout cas, Dans la tête de Narendra Modi, essai que j’ai pu lire grâce à Babelio et à Solin / Actes Sud que je remercie, regorge d’informations, se lit avec un intérêt toujours croissant et mérite d’être diffusé au maximum pour éclairer nos lanternes à propos d’un pays parmi les plus importants de notre planète.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/03/sophie-landrin-et-guillaume-delacroix-dans-la-tete-de-narendra-modi.html
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