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Il n'y a pas d'âge pour commencer à être adulte.
Il est marié et père de famille. Chef cuisinier aussi, un métier à sa mesure, lui qui aime tant partager autour d'une table, magnifier les goûts et les saveurs. Mais l'époque est rude. Le temps d'un été, peut-être d'un bilan, le narrateur doit retourner vivre chez sa mère. Seul. Il a quarante-deux ans. L'été passe, et l'homme ne repart pas.
Au début, la mère est heureuse. Elle a retrouvé son fils bien-aimé, les discussions à bâtons rompus, les grands repas qu'elle affectionnait tant. Peu à peu, cependant, la joie cède le pas à l'inquiétude. Son enfant n'a plus d'ambition, il s'enlise, fait du sur-place. Alors que la neige recouvre la campagne, son fils est toujours là. La mère s'interroge. La nature de l'homme ne réside-t-elle pas dans le mouvement ?
Sous forme de contre-Odyssée, ce roman subtil et d'une grande humanité explore la tentation du retour au ventre maternel et le passage difficile au monde adulte.
"Il est marié et père de famille. Chef cuisinier aussi, un métier à sa mesure, lui qui aime tant partager autour d'une table, magnifier les goûts et les saveurs. A quarante-deux ans, il n'a plus le choix. Le temps d'un été, peut-être d'un bilan, il doit retourner vivre chez sa mère. Pour celle qui retrouve le fils adoré, c'est une renaissance. Entre eux brûlent des regards, des colères, la mémoire d'une enfance aux allures heureuses et une question lancinante : comment s'aimer, tant d'années après ? Les mois passent, et la neige recouvre la campagne. Lui est toujours là. Il s'enlise peu à peu, renonce à toute forme d'ambition. C'en est trop. Il faut agir. Alors, pour l'amour maternel, tout commence." (4ème de couverture)
Voilà typiquement le genre de livres que je fuis. Le résumé pas vraiment sexy. Le titre pas terrible et la couverture moyenne. Un envoi dans ma boîte à lettres sans que je n'ai rien demandé. Dans ces conditions, certains livres ne passent même pas le stade de la lecture des premières pages. Celui-ci, allez savoir pourquoi, je l'ai gardé et retrouvé en triant, activité à laquelle je me livre régulièrement pour ne pas encombrer ma bibliothèque. Et je l'ai ouvert. Et j'ai bien fait. Contre toute attente, j'ai beaucoup aimé. On dit parfois de certaines personnes qu'elles ne paient pas de mine -c'est peut-être une expression du cru ?- et qu'elles gagnent à être connues. Il en va de même pour ce roman de Fabrice Tassel. Minutieux dans les descriptions des actes et des paysages de tous les jours, dans les portraits des gens rencontrés, le romancier fait dans le simple, l'épuré, le réel, le "vrai". C'est un roman qui parle à la fois des petites choses de la vie et des grandes interrogations humaines : le chômage, la vie de couple, la filiation, le changement de vie, l'impact de l'éducation et de l'enfance sur la vie d'adulte.
Fort bien mené, sans temps mort malgré une lenteur affirmée, c'est un roman qui se déguste et qui met l'eau à la bouche lorsque le cuisinier parle de ses plats favoris. Le double point de vue, le sien et celui de sa mère permet de se faire une idée assez nette des deux personnages d'abord heureux de se revoir, puis en proie aux doutes et pas à l'aise avec l'expression de leurs sentiments. Une écriture classique qui joue avec les longueurs de phrases, le rythme, élégante et fluide.
Un livre qui débute par ces phrases : "J'ai quarante-deux ans et je rentre chez ma mère. Pas pour un week-end de repos, ces heures légères et invisibles à cuisiner un poulet au citron, marcher le long du canal avant de repartir l'esprit et le corps apaisés. Je reviens "dans ses jupes", rincé, sans cap, ni boussole. C'est un retour que je n'aurais pas imaginé il y a encore peu. Comme si je n'avais pas voulu, ou su, voir mon odyssée basculer. Je me sens coupable et impuissant. Un enfant." (p.9)
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