"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
1954. Au Rwanda sous tutelle belge, Consolée, fille d'un Blanc et d'une Rwandaise, est retirée à sa famille noire et placée dans une institution pour «enfants mulâtres».Soixante-cinq ans plus tard, Ramata, quinquagénaire d'origine sénégalaise, effectue un stage d'art-thérapie dans un Ehpad du Sud-Ouest de la France. Elle y rencontre madame Astrida, une vieille femme métisse atteinte de la maladie d'Alzheimer qui perd l'usage du français et s'exprime dans une langue inconnue.En tentant de reconstituer le puzzle de la vie de cette femme, Ramata va se retrouver confrontée à son propre destin familial et aux difficultés d'être noire aujourd'hui dans l'Hexagone.Histoire d'une réparation symbolique et d'une langue retrouvée, Consolée est un roman poétique, bouleversant, qui met en résonance le passé colonial et la condition des enfants d'immigrés.
Un roman bouleversant qui aborde des thèmes forts comme l'héritage colonial, la mémoire, la transmission.
Il s'agit d'une rencontre entre deux femmes qui, malgré leur différence d'âge, ont vécu chacune à leur manière la douleur de l'exil. Un très beau livre dont l'autrice franco-rwandaise a reçu le prix Kourouma le 24 mars 2023 dans le cadre du salon du livre de Genève.
Ramata, après un burn-out, se reconverti ; elle veut être art-thérapeute.
Son premier stage se déroule dans un EPHAD et elle est intriguée par une vieille dame métisse qui perd l'usage du français et qui utilise des mots d'une langue que personne ne comprend.
Dans un style poétique et une narration qui alterne entre 1954 au Rwanda à aujourd'hui, l'auteure va nous conter le destin de cette femme mais aussi de celle qui la prend sous son aile.
Il est question d'identité, de colonialisme, de racisme, d'intolérance, de tolérance, des souffrances de l'abandon et de religion.
Beata Umubyeyi Mairesse aborde les raisons qui font que l'on se perd parfois sois même pour s'intégrer, pour se faire une place.
Ces sujets sérieux, difficiles et peu gais sont le coeur du récit.
Les personnages sont esquintés par le vie et attachants.
Un joli roman nostalgique.
C'est l'histoire d'une langue perdue et d'une langue retrouvée. Mme Astrida est une vieille dame métisse en fin de vie dans un EHPAD, atteinte de la maladie d'Alzheimer. Au fur et à mesure que sa mémoire s'envole, elle perd l'usage de son français alors qu'une langue inconnue de tous émerge. Ramata, quinquagénaire noire en reconversion professionnelle, propose un stage d'art-thérapie dans cet EHPAD. Irrésistiblement attirée par Mme Astrida, elle décide d'enquêter sur elle, remontant progressivement vers la vérité de racines de l'histoire de la vieille femme, à l'époque de la colonisation belge en Afrique centrale.
Beata Unubyeyi Mairesse met un lumière une réalité médicale d'une ampleur importante mais méconnuz du grand public. Les personnes d'origine immigrée - qu'elles soient africaines, asiatiques ou européennes - atteintes de maladie neuro-dégénérative, oublient leur français lorsque c'est leur deuxième langue, et ne s'expriment plus que dans leur langue maternelle, même si cette dernière n'était plus pratiquée depuis des décennies. Les pays anglo-saxons ont déjà mis sur pied des programmes spécifiques pour améliorer la prise en charge de ces patients. En France, cette approche interculturelle du soin gérontologique tarde, comme si on n'avait jamais pensé aux immigrés comme des personnes susceptibles de vieillir dans leur pays d'accueil.
Mme Astrida est née au Rwanda et à l'instar de près de 20.000 autres enfants, elle a été placée dans un orphelinat pour mulâtres ( pères blancs, mères noires ) où des missionnaires les ont coupés de leur culture africaine, de leur langue, avant de les déporter en Belgique pour les faire adopter sans l'accord de leurs parents en 1959, juste avant l'indépendance du pays. Ramata, elle, est née au Sénégal et a immigré en France en 1975 pour suivre un père ouvrier dans l'usine Ford de Bordeaux. Elle aussi a connu le déracinement linguistique :
« Quand on émigre, les visages changent, les paysages sont remplacés par d'autres, les goûts se transforment mais on oublie souvent de dire combien les sons aussi nous perdent, nous devons fermer le rideau ondulant des voyelles et apprendre à grimper sur un mur de consonnes gutturales et, en passant de l'un à l'autre, nous nous trouvons affublées d'un boitement disgracieux qui s'incrustera durablement dans notre prononciation d'exilées. Comment pouvait-on changer d'environnement sonore en une seule vie, passer d'un monde à l'autre, s'adapter toujours sans devenir muet ? »
Par l'alternance des chapitres 1954 / 2019, l'autrice fait résonner les vies de Mme Astrida et de Ramata. L'Histoire ne se découpe pas en tranches distinctes, elle tisse des liens entre passé et présent, le passé irriguant certains traumatismes toujours très actuels. C'est la langue qui est au coeur de ce très riche récit qui questionne plus largement, avec beaucoup de justesse, les questions sensibles qui gravitent autour de l'immigration, du racisme, de la colonisation et de la transmission générationnelle.
Les chapitres sur Mme Astrida, notamment ceux évoquant son paradis perdu, plein de couleurs, de saveurs et d'oiseaux avant le chagrin dans l'orphelinat de Save, qui m'ont le plus touchés. Mme Astrida est un très beau personnage dont le parcours ne peut que toucher.
Par contre, j'ai trouvé le reste du casting moins convaincant car on sent trop qu'il a été construit pour démontrer. Ils font « personnages » et l'autrice a tendance à surexpliquer leur profil : Ramata, la femme noire transfuge de classe qui étouffe sous le conditionnement des injonctions de sa mère ( « Tais-toi, écoute, surtout ne te fais pas remarquer, on n'est pas chez nous » ) et qui affiche une méritocratie color blind avant de faire un burn out ; son mari musulman comme elle mais d'origine maghrébine, plus stoïque face au racisme qu'il a pu subir ; et surtout leur fille.
Inès aurait pu être un personnage passionnant, étudiante brillante qui décide de se voiler après les attentats de Charlie Hebdo pour affirmer son identité et ne plus raser les murs comme ses parents. Mais au final, je trouve ce personnage de trop dans le récit qu'il alourdit alors que tout ce qu'en dit Beata Unubyeyi Mairesse est pertinent et fort. Dans doute le roman étreint-il trop d'intentions comme s'il visait une quasi exhaustivité sur les sujets de l'immigration et du racisme. J'aurais préféré qu'il se concentre sur Mme Astrida à laquelle il offre un très belle fin, apaisante et lumineuse.
Après avoir travaillé 14 ans en gériatrie, je ne pouvais qu’être séduite par ce roman se déroulant dans un Ehpad. Des personnes, comme Astrida, qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer, j’ai pu en croiser de nombreuses fois. Ces personnalités sont touchantes. Ayant perdu le fil de leur mémoire, elles tentent de se raccrocher au moindre souvenir.
Dans cette histoire, le passé douloureux du Rwanda des années 50 est reconstitué par Ramata, art-thérapeute. Nous plongeant dans les conditions de vie des enfants d’immigrés, l’autrice fait de ce texte une réflexion sur les origines et l’importance des mémoires.
Consolée, émouvant, qui se dévore sans hésiter. Les pages défilent, les récits s’alternent aisément pour marquer les esprits d’un destin si particulier. N’oublions pas que ces institutions pour ‘enfants mulâtres’ ont vraiment existé !
« C’est le nom qui les regroupe tous et toutes dans cette grande maison où les teints divers, les cheveux châtains bouclés ou noirs crépus, les peaux plus sombres ou plus claires, tout l’éventail des possibles entre le rose de leurs pères et le marron de leurs mères constitue une étrange volière d’oiseaux bigarrés. »
http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2022/11/03/39695329.html
Rentrée Littéraire 2022 Prix Talents Cultura 2022
Ramata, la cinquantaine, a quitté le Sénégal encore enfant pour la France. Elle a fait de brillantes études, a occupé de hautes fonctions dans une entreprise. Malgré tout, elle ne s’est jamais sentie intégrée, ni à sa place.
Elle a fini par faire un burn-out, a quitté son emploi et s’est tournée vers une reconversion professionnelle : l’art-thérapie.
C’est ainsi qu’elle se retrouve à faire un stage dans un Ehpad et à proposer des activités aux pensionnaires. Le comportement d’une résidente l’interpelle. Madame Astrida, vieille femme métisse atteinte de la maladie d’Alzheimer, semble perdre l’usage du français et parle dans une langue inconnue.
Touchée par l’isolement de cette vieille dame, Ramata va tenter d’en savoir plus afin de pouvoir l’aider.
Elle va ainsi découvrir que Madame Astrida, est née au Rwanda d’un Blanc et d’une Rwandaise ; que selon la politique menée par le gouvernement belge pendant la colonisation, elle a été enlevée à sa mère pour être placée dans une institution pour enfant mulâtres.
L’autrice, Rwandaise elle-même et ayant échappé au génocide des Tutsi, révèle les atrocités commises envers ces enfants qui ont été traités comme des marchandises que l’on voulait faire disparaître du paysage et qui, par la suite, ont été adoptés par des couples en Belgique.
« Mais quand les hommes retournaient en Belgique ou changeaient d’affectation, les enfants nés de ces relations ‘interraciales » restaient là, trop visibles au sein de leurs familles maternelles noires. L’autorité coloniale se méfiait de ces métis et les considérait comme une dégénérescence pour la race blanche. Les « mulâtres » comme on disait alors, constituaient un problème que la Belgique n’avait pas prévu dans ses colonies. Leur nombre croissant inquiétait, car il mettait en danger la hiérarchie raciale, qui était le socle de l’organisation coloniale. «
Si la mise au jour de ce pan de l’histoire est nécessaire, c’est un autre aspect qui a le plus retenu mon attention.
Des études sur les compétences cognitives démontrent que les personnes âgées multilingues développent des troubles langagiers en priorité sur les langues tardivement acquises. La personne âgée ne sait plus s’exprimer que dans sa langue maternelle et n’est parfois plus compris par son conjoint (si couple mixte) ni même par ses enfants si ceux-ci n’ont pas appris la langue de leurs parents.
Dans notre monde de migration, choisie ou forcée, un nouveau problème de société est en train d’être révélé par des chercheurs en neurosciences canadiens.
» Consolée » est un roman qui parle de réparation symbolique, des langues qui constituent un être humain, nous fait découvrir l’histoire coloniale du Rwanda et met également en lumière les parcours des enfants issus de l’immigration en recherche d’intégration.
Un très beau roman dont Beate Umubyey Mairesse a remarquablement parlé lors de la remise des Talents Cultura le 8 Septembre dernier.
Je remercie les Editions Autrement et Cultura pour cette découverte.
Je n'sais plus qui je suis ici-bas, mais je suis la petite fille qui…
Ramata est en reconversion, anciennement cadre dans une collectivité territoriale, elle a fait un burn out. Elle choisit de se reconvertir pour travailler au cœur de l’humain, donc elle pratique l’art thérapie.
En stage dans un Ehpad du Sud-Ouest, elle fait la connaissance avec une dame isolée, atteinte d’Alzheimer, elle marmonne dans une langue inconnue de tous.
Ramata étant noire, immédiatement ses collègues pensent qu’elle parle peut-être la même langue.
Préjugés basiques qui ont la vie dure.
« Elle parle à peine et quand elle le fait c’est la moitié du temps incompréhensible. Elle oublie petit à petit le français et nous sort des trucs dans une langue inconnue. Peut-être que tu arriveras à la comprendre toi, tiens ! Si ça se trouve elle parle ton dialecte. »
Ramata sait immédiatement qu’elle veut faire le lien avec Madame Astrida, elle se dit qu’elle veut « prendre langue » avec cette grande dame un peu voûtée. Elle se rapprochera de Claude Mouret psychologue de l’établissement, un lien très fort se fera entre elles.
Le lecteur sera immergé dans le fonctionnement de ces établissements pour vieux, mais sous la plume de l’auteur, des constats en évitant les pesanteurs.
Claude apprendra à Ramata, que Madame Astrida a commencé à perdre la langue française au profit de son dialecte, lorsque Paola, sa seule amie dans l’établissement, a été expulsée faute de moyens financiers suffisants.
Nous lecteurs, nous entrons dans ce puzzle et progressons à reconstituer des vies.
La voix de Consolée en 1954, vibre aujourd’hui des hurlements de ce pensionnat de Sauve, où une petite fille mulâtre était soustrait à sa famille pour être matée dans cette institution.
Ramata et Astrida sont aimantées par l’histoire, au sens de magnétisme mais aussi dans le sens amour de son prochain.
Beata Umubyeyi Mairesse nous dit avec intelligence et finesse cette résonnance entre l’histoire coloniale et les générations suivantes, les traumatismes des non-dits. Il faut tisser le lien entre passé et présent pour mettre en phase. Ne pas dire c’est irriguer les traumatismes des enfants d’immigrés.
Le passé n’est jamais passé et ne pas dire fait que le passé reste coincé, il ne passe pas et ne passera jamais.
Ces établissements de fin de vie, regorgent d’histoires individuelles qui ont fait l’Histoire.
Un roman finement analysé, une écriture envoûtante qui sait dire les musicalités différentes selon l’époque évoquée.
Une histoire dans une langue qui tisse le lien entre les personnages et les lecteurs. Pas besoin d’être d’une génération exilée pour se sentir concerné.
Au moment de partir, oui, au moment de mourir, cet oubli de la langue d’une vie pour retrouver la langue de la page vierge que chacun a été. Ici c’est la langue, mais cela peut être autre chose. Se draper de la virginité de l’enfance avant de…
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/08/25/consolee/
L'auteur, métisse, est née au Rwanda mais arrive en France après le génocide rwandais ; C'est son deuxième roman après « tous tes enfants dispersés ».
le roman se construit à deux voix sur deux époques différentes.
Consolée,petite fille mulâtre dans les années 50 au Rwanda, colonie belge,est séparée de sa mère et envoyée dans un orphelinat , l'Institut Save, ou les autorités rassemblent tous les enfants métis de la région . Ils y sont élevés à la mode européenne et ne revoient que très peu leurs parents biologiques.
Au moment de l'indépendance du pays, ils seront rapatriés en urgence en Belgique et adoptés sur place.
On rencontre Ramata en 2019, la cinquantaine, immigrée sénégalaise installée dans la région bordelaise depuis son enfance ayant fait de brillantes études , devenue cadre mais en reconversion dans l'art-thérapie. Elle effectue un stage dans un Ehpad ou elle est attirée par une résidente Astrida, métisse, atteinte d'Alzeimer et ne parlant qu'un dialecte inconnue . Elle va essayer , d'une part de la comprendre et de retisser son passé qui semble trouble.
L'auteur nous offre un roman riche et complexe , sur le colonialisme et l'immigration.
Elle retrace le parcours de Consolée, prise au piège du colonialisme, suite à la couleur de sa peau. En effet, les colons , supérieurs par rapport aux indigènes, ne pouvaient tolérer ces enfants métisses et les ont parqués de force dans ces orphelinats, en effaçant toute culture rwandaise ( on leur change même leurs prénoms). Certes ils ont été éduqués mais à quel prix car déracinés en Belgique par la suite . Malgré une énorme documentation, l'auteur nous propose un récit fluide, émouvant et si poétique à travers les récits du grand-père de Consolée qui l'accompagneront toute sa vie.
Ce texte est un écho aux enfants de la Réunion séparés de leur famille et ramenés en métropole en Creuse, scandale dévoilé , il y a quelques années en France.
Les années 50 de Consolée sont racontées sous forme de pensées intimes de celle-ci, pleines de candeur, d'incompréhension, de tristesse et de fraîcheur d'un enfant de 8 ans.
A travers le personnage de Ramata, l'auteur évoque la période d'immigration des anciennes colonies comme le Sénégal d'où arrive le père de Ramata , venu seul au début pour travailler dans une usine automobile à Bordeaux. Toute la famille suivra et les enfants devront s'intégrer du mieux possible , « sans faire de vagues » comme dit son père. On ressent la difficulté de cette nouvelle génération à trouver une place, le besoin d'être reconnue française et assimilée, les confrontations aux attentas de 2015 et le ressenti des enfants de Ramata, le racisme toujours présent.
Autre sujet fort du livre : la place de nos aînés dans les Ephad, leur prise en charge, le manque de personnel ; les difficultés de communication avec les résidents touches par la maladie d'Alzheimer.
Dans ces types de pathologie, le retour à la langue maternelle arrive souvent chez les personnes immigrées rendant la communication difficile avec les soignants, isolant un peu plus les vieillards.
Ce thème abordé est fort intéressant.
Un livre entre le Rwanda , le Sénégal et l'Europe que l'on savoure avec beaucoup d'émotions . le parcours de ces deux femmes nous questionne sur la filiation, la transmission et la place de chacun dans nos sociétés multi-culturelles.
Superbe couverture !
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