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Sur une île, le danger ne vient pas toujours de l'extérieur...Une jeune femme en danger est poursuivie par son vil maître. Conan, dont les siens viennent d'être décimés par ce même maître, met un terme à la cavale de la belle et la sauve d'un coup d'épée. Liés par le destin, le couple décide alors de prendre la route ensemble. Leur périple les mène sur une île où ils découvrent sur place d'étranges ruines habitées par une sombre magie. Leur refuge paradisiaque se transforme aussitôt en huis clos étouffant où rodent les ombres. Qui sait l'étendue des dangers qui y résident... ?Nouvelle considérée comme mineure dans l'oeuvre d'Howard, Chimères de fer dans la clarté lunaire est toutefois révélatrice du génie de son auteur à décrire des univers aussi singuliers que mystérieux. Par son trait à la fois délicat et puissant, Virginie Augustin sublime cette atmosphère oppressante et mystique et lui offre un nouveau souffle graphique.
Dans la postface réservée à la première édition, Patrice Louinet (le spécialiste mondial de Robert E Howard) nous apprend que cette nouvelle a été écrite dans un but alimentaire parce les revues telles Weird Tales où paraissaient les œuvres d’Howard ont été sévèrement touchées par la crise de 1929 et que, pour avoir une chance d’attirer le chaland, on avait intérêt à mettre en scène des personnages féminins aussi peu vêtus que le permettait la censure et magnifiquement illustrés en couverture des magazines par la nouvelle recrue du magazine pulp : Margaret Brundage.
Howard reprend donc « une recette » éprouvée : celle de la jeune donzelle en détresse sauvée par l’« Homme » (avec un H majuscule) ! Il ajoute, pour faire bonne mesure, trois dangers qui guettent le couple de héros : des pirates, des créatures surnaturelles et enfin un singe géant… On pourrait justement s’interroger sur la qualité de cette accumulation - très loin de faire l’unanimité chez les fans du nouvelliste - et se demander alors ce qui a bien pu motiver le choix de ce texte par Virginie Augustin pour son adaptation…
La réponse est assez simple en fait : Chimères de fer dans la clarté lunaire est un « concentré » de Conan. Or, l’autrice s’est elle-même portée candidate pour participer à la série « Conan le Cimmérien » chez Glénat. Elle voulait réaliser « un rêve de petite fille » parce qu’elle aimait l’héroic fantasy et avait été nourrie aux dessins animés « Conan » et aux illustrations du Cimmérien réalisées en leurs temps par Barry Windsor Smith, Buscema ou encore Frazetta. Dans ce sixième volume, elle œuvre pour la première fois (de la série et de son œuvre à elle !) seule aux commandes au scénario, au dessin et à la couleur. Et elle s’en tire haut la main !
Elle reprend les codes graphiques de ses prestigieux aînés en accentuant presque les stéréotypes : Conan a un physique parfois néanderthalien, une musculature hyperbolique et s’exprime souvent par simples onomatopées (« crom » !) ; la tenue d’Olivia, extrêmement vaporeuse et échancrée, ainsi que sa plastique savamment détaillée sous tous les angles… ne laisse ni l’homme, ni la bête, ni le lecteur indifférents !
Si elle sacrifie à ces codes graphiques, Virginie Augustin, rend pourtant ses héros plus complexes : Conan se comporte de façon beaucoup plus civilisée que le « raffiné » et déviant Shah Amurath ou que le père de la princesse qui a vendu sa fille : le plus barbare n’est donc pas celui qu’on pense … Comme dans « Alim le Tanneur » on a ainsi une mise en question de la notion de barbarie et de civilisation. La scène orgiaque au palais d’Amurath dans les tons rouges orangés fait écho au massacre des Kozakis dans ses tonalités. Ce choix de couleurs qui s’oppose aux verts de la jungle et aux noirs des passages fantastiques permet de dresser un parallèle : les femmes sont victimes au même titre que les combattants.
De même, l’autrice des féministes « Monsieur désire » et « 40 éléphants » ne se contente pas de faire de son héroïne une simple potiche. Olivia évolue puisque de secourue, au début du récit, elle devient celle qui sauve et qui choisit d’accompagner Conan dans ses aventures au dénouement. On pourra objecter que c’était déjà dans la nouvelle mais les relations entre les personnages semblent avoir été bien dépoussiérées ! En effet, le personnage le plus dénudé dans l’album est finalement …Conan lui-même ! Il est observé, dans un renversement de perspective, au bain par l’héroïne qui s’attarde « en caméra subjective » sur le fessier du Cimmérien ! Et c’est d’ailleurs par le jeu des regards dans des pages muettes, par les contre champs et par les changements de points de vue que l’autrice met à jour de façon très subtile la tension érotique régnant entre les deux protagonistes et une certaine égalité…
Enfin, Virginie Augustin est aussi une grande amatrice de Lovecraft avec qui Howard entretint une correspondance assidue. Elle réussit dans son album à transmettre, dans la partie fantastique, le même sentiment de malaise, d’angoisse et même de peur qu’on trouve chez l’auteur de « l’Appel de Cthulhu » grâce à un découpage innovant et rythmé avec des cases qui se chevauchent, se superposent, et des incrustations au sein de superbes pleines pages. Quand elle évoque les créatures maléfiques et le flashback de l’éphèbe divin, l’atmosphère onirique et délétère est rendue par une magnifique utilisation de la bichromie et des lumières ainsi que par des noirs qui envahissent la page.
On peut ainsi dire que l’adaptation de « Chimères de fer sous la clarté lunaire » n’est pas une simple œuvre de commande mais bien un hommage aux illustrateurs de l’enfance de Virginie Augustin et une revisitation du mythe qui fait d’une nouvelle mineure une œuvre plus complexe et personnelle. On regrettera simplement peut être un dénouement un peu précipité …
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