"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
'Une vie poétique ? Disons une vie dont la poésie est le guide-fil. On embarque avec un héritage (des valeurs pieuses, un père mort, une enfance pluvieuse), avec un désir d'écriture, un rêve d'amour, et puis, son maigre bagage sur le dos, on traverse un territoire marqué par des événements, ici l'onde de choc de mai 68. Ce qui oblige à répondre à la question : qu'est ce que l'époque m'a fait ? Elle m'a fait qu'à vingt ans, par exemple, il n'était pas envisageable de penser sérieusement à travailler ? ce qui allait bien avec l'idée poétique ? et encore moins honnêtement quand, dans les milieux marginaux qui quittaient la ville pour s'installer en communauté à la campagne, on vivait surtout de combines et de rapines. Elle m'a fait que, dans ce juste refus du règne de l'argent et des mirages consuméristes, il ne restait plus que les petits boulots pour survivre. Et ce qui devait être une vie insouciante, libre et joyeuse se transformait, les années passant, d'une enquête sur un apéritif à la gentiane à la vente d'une encyclopédie médicale au porte-à-porte, en un sentiment de gâchis.' Jean Rouaud.
Souvenir, souvenir ! Jean Rouaud fait partager ses années 1968 avec le même regard naïf, émerveillé et inquiet de l’enfant de l’époque ;
Le bonheur apparaissait comme une valeur durable avec un optimisme et une légèreté absolus. Se proclamer révolutionnaire était le sésame d’appartenance à une tribu à qui tout était possible.
Se faite traiter de bons à rien à cause de la longueur de ses cheveux était un compliment, l’éducation via les chemins de traverse, une belle aventure.
Mais toute période d’insouciance peut avoir une fin. La révolution mathématique des ensembles n’a qu’une vie. Les pourfendeurs du capital rentreront dans le rang avec les emplois fixes.
Jean Rouaud s’inquiète pour l’écriture qu’il trouve trop factuelle et trop concentrée.
A l’inverse, son style et son écriture sont riches et apaisants comme du Chardin.
« Gardarem Lou Rouaud »
Depuis ses débuts, Jean Rouaud tire de sa vie l’essentiel de son œuvre. Il la place, sous le regard de la poésie et entreprend de la revisiter éclairée par son époque, annonçant une trilogie dont ce récit est le premier opus.
Son histoire (lire, relire ses premiers romans) croise l’Histoire : né en 1952, il s’abandonne aux idées de Mai 68, c’est-à-dire à la révolution culturelle : esprit d’enfance contre esprit de sérieux, retour à la terre contre société de consommation, liberté sexuelle contre devoir conjugal, bohème communautaire contre carcan familial, Gardarem lou Larzac contre camp militaire… Et cheveux longs contre bien dégagés derrière les oreilles !
De cette époque où il est interdit d’interdire, l’auteur garde un souvenir mitigé : trop timide pour jouir des transgressions, trop marqué par son éducation pour s’adonner à une vie débridée, trop honnête (on y vient…) pour voler le bourgeois… Passent ces jours tristes – expression labellisée par l’auteur qui évoque sans cesse sa « compagne des jours tristes » – jalonnés de petits boulots et fermés à toute perspective d’avenir. Sauf que… rôde la littérature joliment évoquée dans ce volume au travers de citations de ses écrivains préférés, tous des anticonformistes : Rimbaud (un Mai 68 à soi seul !), Thoreau, Kérouac, Rezvani… Très joliment amenée aussi, la dédicace à un camarade en chute du livre. Ah mais, Rouaud, c’est un écrivain, un bon, qui nous sert une écriture fluide qu’humour mélancolique et poésie à fleur de mots familiers, ornent de leurs touches légères.
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