Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Il y a Paul et il y a monsieur Cézanne. Il y a le père et la femme, le jardinier Vallier, le docteur Gachet et les écrivains Flaubert et Zola. Tout un monde. Il y a les toits rouges sur la mer bleue, les mains, le sucrier, le chapeau, l'argent et les secrets. Il y a les silences, épais. Marie-Hélène Lafon est allée vers Cézanne comme on «va au paysage». À corps perdu. Cet essai en est la trace éblouie.
« On ne saisit pas Cézanne, on ne l'épuise pas, il résiste, on l'effleure, il glisse, il disparaît dans le sous-bois. On l'espère. On l'attend. »
Cézanne, rien que le nom appelle le soleil, la lumière, la montagne Sainte Victoire et, la plume de Marie-Hélène Lafon rend cette évocation lumineuse.
Ce livre est une commande quelle a peiné à accepter ; toujours cette peur de l’illégitimité, elle qui, petite, n’a pas fréquenté les musées ni écouté de la musique classique. Une fois le chantier accepté, elle s’imprègne, lit, découvre Cézanne et sa vie. M.H. Lafon est entrée en cézannie (c’est elle qui le dit) par le Sous-bois « Au Louvre, en Janvier 2009, ça recommence. Je suis saisie, happée, cueillie »
Comme dans chacun de ses romans, la famille et l’attachement au pays sont les poutres maîtresses de ses chantiers, le Cantal pour elle, le pays d’Aix et la Montagne Sainte Victoire pour lui. Cézanne n’a de cesse, lorsqu’il est loin d’Aix d’y revenir et lorsqu’il y est de repartir à Paris ou ailleurs.
Cézanne n’a pas un caractère facile et les entrevues avec les marchands ne sont pas choses aisées, d’autant que sa peinture ne plaît pas trop, mal finie
Quant à la famille Cézanne… Le père ancien chapelier, devenu banquier aurait tant aimé que son fils, son seul fils, prenne la suite. C’est une grosse déception pour lui, mais il lui versera toujours une pension « Le père finance, il est de la vieille école et il estime que ça lui donne des droits sur son fils, même s’il n’est plus un enfant ni un jeune homme. » La mère, épousée après la naissance des deux premiers enfants, aime ce fils si particulier et s’arrange pour que le père n’apprenne pas tout et fait le tampon entre les deux. La sœur aînée, Marie ressemble à son père mais ne pourra prendre la succession car elle est née fille ; alors, elle devient bigote et tient son petit monde à la baguette. Ces deux-là sont reliés, unis par leur naissance ancillaire, plus qu’avec l’autre sœur, née après le mariage.
De son côté Paul Cézanne « a charge d’âmes, une jeune femme, un fils qui n’a pas deux ans, un autre petit Paul », la vie est difficile, la pension versée par le père trop maigre, les éventuels acheteurs rebutés par la peinture de l’artiste, par son caractère difficile ; les chiens ne font pas des chats. Et oui, maintenant il doit subvenir aux besoins d’Hortense et du petit Paul« la boule et le boulet » c’est par ce mot charmant qu’il les appelle !!
Hortense, elle posait pour les peintres, c’est ainsi qu’ils se sont connus. Alors, pensez donc une moins que rien car « les modèles des peintres ne sont justement pas des modèles de tenue…. Ces femmes se retrouvent seules pendant des heures dans les ateliers avec des hommes qui les payent et finissent par avoir des idées », « Une jeune fille ou une femmes qui se respecte ne se met dans dans des situations pareilles et, si elle y est contrainte, elle ne reste pas longtemps honnête ». Elle ne fera jamais partie de la famille mais aura sa revanche, à la mort de la mère ; elle sera la seule Madame Cézanne. «
Son travail n’est pas reconnu, Hortense en premier « Cézanne ne savait pas ce qu’il faisait. Il ne savait pas comment finir ses tableaux. Renoir et Monet, eux, savaient leur métier de peintre » Triste épitaphe de la veuve
M.H. Lafon fait appel à d’autres hommes célèbres dont Zola qui fut l’ami de Cézanne, Pissaro son grand-frère en peinture, son soutien, bien sûr le fameux docteur Gachet. Flaubert, qui comme lui vient de la bourgeoisie et la méprise, voici ce que Cézanne écrit dans une lettre à sa mère « Tous les bourgeois rechignent à lâcher leurs sous ». Il ne veut pas vivre comme eux, mais dépend de l’argent de son bourgeois de père.
Et puis, il y a les paysages, la montagne Sainte Victoire souvent peinte mais jamais pénétrée, jamais cheminée, le jardinier, Monsieur Vallier qu’il peint souvent
Il y aurait tant à dire sur cet essai. Toujours le style direct, travaillé à l’os de M.H. Lafon, toujours cette fougue, cette pugnacité. La succession de chapitres en italiques où l’autrice parle à la première personne, s’exprime sur sur Cézanne et les autres où raconte. En lisant le livre, j’avais l’impression de suivre M.H. Lafon dans la construction de son livre, sa perception de l’écriture d’un livre. « Il est en chemin, il va au motif, le monde le happe, le monte le travaille ; lumières formes, couleurs sont inépuisables et son acuité de perception est intacte » Ce pourrait être elle dans l’avancement de son chantier.
A chaque fois, M.H. Lafon me cloue sur mon fauteuil (ou ailleurs) et la regarder lorsqu’elle parle d’un de ses livres est un spectacle en soi. Ses mains virevoltent, le visage est mouvant, tout en elle parle alors je la regarde, je le vis. Merci M.H. Lafon pour tout.
Photos prises lors de son passage chez Quille.s, une cave à vins, invitée par la libraire Le Cyprès à Nevers.
Après Flaubert, Marie-Hélène Lafon donne vie au peintre Cezanne en décrivant son admiration et en donnant vie à son entourage à partir de portraits. La personnalité du peintre est ainsi mise en perspective par son unique passion, celle consacrée à sa recherche picturale.
Les flâneries de Marie-Hélène Lafon lui suggèrent le projet de décrire son admiration pour le peintre solitaire. Des musées de l’île de France aux chemins abrupts du Pays d’Aix en passant par Auvers sur Oise, naissent son envie de parler de son œuvre, si incomprise de son vivant et si adulée depuis. Mais, surtout, d’essayer d’approcher par les mots, son processus de création.
Le Docteur Gachet, dont je ne savais pas sa proximité avec le peintre, ouvre la galerie de portraits. Camille Pissarro le suit, dont Paul Cezanne se revendique le fils. Le portrait du père, Louis-Auguste au dernier instant de sa vie, est émouvant. Il est complété de celui d’Anne-Elisabeth, qui n’a jamais arrêté de soutenir son fils, malgré son statut de bourgeoise. Et, par conséquent, la personnalité du peintre s’étoffe d’humanité.
Car du peintre hirsute, légèrement “habité”, que Zola nous a laissé, réapparaît un homme sûr de son talent et sachant que la vie n’est jamais infinie, seule l’urgence du travail dictant ses journées.
Même Hortense Fiquet, nouvelle Madame Cezanne, après le décès de celle en titre, ne peut rien lui reprocher à cet homme qui aurait pu oublier de l’épouser. Paul, son fils, s’occupe des ventes et à ce moment-là, il commence à ressentir un léger frémissement du côté des rentrées d’argent.
Les cinq chapitres thématiques comportent les impressions et ressentis de l’écrivaine et la description d’un portrait. Le ton et le style sont toujours uniques et la justesse des mots imprime leurs marques indélébiles.
Avec Marie-Hélène Lafon, nous “saisonnons” sous sa plume avec tellement de plaisir que ce Cezanne deviendra, assurément, un incontournable !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/11/26/marie-helene-lafon-cezanne/
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