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Cantine

Couverture du livre « Cantine » de Mehmet Lapoul aux éditions Libres D'ecrire
Résumé:

Je me rappelle très bien de Granpère.
La dernière fois que je l´ai vu il était monté en coup de vent (« en coud´vent » comme il disait) traiter un genre de questions dont il ne me livra pas le détail avec des gens du gouvernement ; de ces grands et graves commis de l´État qui ne se déplaçaient... Voir plus

Je me rappelle très bien de Granpère.
La dernière fois que je l´ai vu il était monté en coup de vent (« en coud´vent » comme il disait) traiter un genre de questions dont il ne me livra pas le détail avec des gens du gouvernement ; de ces grands et graves commis de l´État qui ne se déplaçaient pas aussi facilement que les flibustiers policés avec lesquels il avait ses habitudes (tout ce noyau hétéroclite de relations, de connaissances et d´amis qui frétillaient dans ses alentours, toute cette... bigarrure, dont il a su forcer le respect en les tenant à sa pogne par des deals juteux qui les rendaient tout miel).
Mais d´ailleurs, c´était du flan, car si ces gens du ministère ne daignaient pas le visiter à la ferme dans un tout premier temps (parce qu´après c´était autre chose, ils étaient tout le temps pendus à ses basques), vraisemblablement pour sauvegarder les apparences d´une hiérarchie subtile, préserver une dignité spécieuse précieuse à des interlocuteurs mandatés soucieux de préserver leur différence par une distinction qui les établirait à leurs propres yeux pour un petit peu plus que des salariés, c´était de Granpère dont les ministres avaient besoin, et non lui d´eux.

Cantine est un paysage, ou peut-être une peinture : une image élégiaque assez noire, un collage émaillé de figures et de noms, de pastiches, de citations, d´emprunts et de renvois.
Évoquant les mille et un petits "faits" de cette campagne imaginaire, esquissant des figures, et entres autres un portrait de Granpère dont l´appât du gain et l´ultralibéralisme ne sont pas sans s´unir idéalement à l´avarice archaïque et séculaire du "paysan", le narrateur contaminé entre dans la danse, au risque d´y perdre la vie au cours d´un rétrécissement drastique du temps (« Les murs bleuissent et la nuit vient. »).
Par fragments et périodes, entre dialogues, monologues et descriptions, de Granpère en Toto, de Mirette à Quoiqui, c´est une sarabande paradoxale, lente, qui se déploie et se répète, avant de se refermer à la façon d´un éventail, d´un coup.

J´ai voulu me saisir de certains registres de la langue, entre le subjonctif et le vernaculaire, l´officiel et sa déformation, le propre et le vulgaire, et en les réunissant manifester autant ce qui les sépare que ce qui les rapproche, sur cette base extravagante d´une histoire à dormir debout. Ceci parce que ce ne sont pas les faits qui importent et constituent la chair du monde, la réalité à nos yeux, mais la manière de les raconter ; attendu que l´horizon du monde repose pour nous essentiellement sur les mots.


Du même auteur en ebook : "Couleur locale" Mehmet Lapoul est sur Facebook

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