http://leslivresdejoelle.blogspot.com/2021/05/brulant-etait-le-regard-de-picasso.html
Madeleine Petrasch, dite Mado, est née en 1936 au Cameroun d'une mère camerounaise et d'un père suédois. En 1929, à l'âge de dix-huit ans, son père, Gösta Hammar, a rejoint à Douala son oncle maternel qui...
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http://leslivresdejoelle.blogspot.com/2021/05/brulant-etait-le-regard-de-picasso.html
Madeleine Petrasch, dite Mado, est née en 1936 au Cameroun d'une mère camerounaise et d'un père suédois. En 1929, à l'âge de dix-huit ans, son père, Gösta Hammar, a rejoint à Douala son oncle maternel qui était à la tête d'une société forestière florissante. Dans ce Cameroun colonisé en partie par les britanniques et en partie par les français, Gösta et son oncle se distinguaient des autres européens dont ils ne partageaient pas les préjugés racistes. Son père, bel homme au tempérament d'explorateur, découvre le monde africain et s'y sent chez lui, complètement à l'aise.
Aujourd'hui, devenue une vieille dame de plus de quatre-vingt ans dont l'œil " pétille toujours de la même soif de savoir et d'émerveiller", Mado a reconstitué son histoire à partir des "carnets d'Afrique" de son grand-oncle, un taiseux qui aimait écrire. Elle a reconstitué le puzzle de sa vie : la rencontre de ses parents, sa naissance suivie du refus de leur mariage par la famille de sa mère, le geste d'amour de sa mère, Monica Yaya, qui accepte de confier sa garde à Gösta en attendant que leur situation puisse être régularisée. Ensuite ce sera son adoption par un couple de français expatriés à qui Gösta l'a confiée le temps d'un séjour en Suède qui durera plus longtemps que prévu car la seconde guerre mondiale éclate juste à ce moment là.
Mado a pris conscience du poids de la guerre sur son destin... Une fois son père adoptif engagé volontaire auprès du général Leclerc, sa mère adoptive Hélène rejoint la France avec elle. La guerre terminée ses parents adoptifs repartent au Cameroun la confiant à la mère d'Hélène qui vit près de Perpignan, Mado est alors inscrite dans un pensionnat catholique. Que de coupures dans la vie de la jeune Mado qui vivra dans le souvenir du fleuve Sanaga, appelé Rivière rouge et blanche, sa "boîte à chagrins" et recherchera toute sa vie son identité entre ses origines suédoise, camerounaise et française. Mado ne retrouvera son père qu'à l'age de quinze ans, remarié avec une cantatrice finlandaise avec qui il a eu quatre enfants. Quant à Monica, sa mère biologique, on lui a dit qu'elle était morte...
Mado, devenue une beauté souvent comparée à Joséphine Baker et danseuse hors pair, épouse Marcel et suit une formation dans la promotion des arts. Installés à Céret, petite ville réputée pour ses cerises et fréquentée par des artistes de renom, ils contribuent à sortir le musée d'Art moderne de sa léthargie. Mado crée l’association des amis du musée de Céret et rencontre Picasso qui pose son regard incandescent sur elle "Brûlant était le regard de Picasso", dira-t-elle plus tard.
Eugène Ebodé a choisi de raconter sous la forme d'un roman l'histoire fascinante de Mado qu'il a rencontrée plusieurs fois. Il nous livre une biographie romancée qui fourmille de détails, un texte essentiellement axé sur la vie de Mado. Ses rencontres avec les artistes, Picasso, Dali, Chagall, Miro, Matisse... ne sont que brièvement évoquées contrairement à ce que suggère le titre, mais cette vie est tellement riche et singulière qu'elle méritait bien un roman.
Mado a eu une vie faite de déracinements et de séparations, elle a vécu les douleurs de l'exil, la blessure du racisme, la sensation de n'être nulle part à sa place en France. Elle a réussi à maintenir des liens avec son père malgré ses absences, malgré les questions qu'elle n'a jamais réussi à lui poser, à maintenir des liens avec sa mère adoptive malgré son manque d'affection, sa raideur, sa brutalité et surtout malgré son horrible mensonge sur la disparition de Monica, sa mère biologique, dont elle n'apprend que vers l'âge de trente ans qu'elle est en vie. Avec un pouvoir de résilience remarquable, elle a su malgré tout former avec eux tous, parents, frère et sœurs, une famille soudée. Pour son 83ème anniversaire en 2019, beaucoup de ceux qui étaient encore vivants étaient autour d'elle.
Mado a vécu des drames intimes, des deuils abominables mais sa vie a été éclairée par son amour de l'art et par son amour pour Marcel avec qui elle a formé un merveilleux couple. Sa rencontre avec des artistes de renom, son engagement pour le musée, sa contribution à l'élan culturel de Céret ont rendu sa vie très riche et intense.
La plume d'Eugène Ebodé est très poétique, il restitue les souvenirs de Mado dans un désordre qui ne nuit nullement à la compréhension, j'ai cependant trouvé complètement déplacée sa tirade pleine de hargne et d'ironie contre le gouvernement à propos de sa gestion de la crise sanitaire, seul avait sa place dans ce récit l'avis de Mado sur cette période qui l'a séparée de ses enfants et au cours de laquelle elle a perdu son mari.
Un récit passionnant sur une femme au parcours très singulier. Une belle réussite.
Bonjour Dominique, ma chronique n'est qu'un avis parmi bien d'autres qui ont été bien plus positifs. Quoi qu'il en soit, c'est toujours avec grand plaisir que je découvrirai votre billet si d'aventure vous lisez ce livre. Belle fin de journée et à bientôt..