Un roman dans lequel l'auteur distille le doute, tel un poison...
À Purgatoire, petit village au creux des sommets charnières entre Lorraine, Alsace et Franche- Comté, Maxime Bansher et sa compagne sont retrouvés morts un matin. Si la thèse officielle est celle du suicide, leurs proches peinent à y croire. Lorena, leur petite-fille, s'interroge et espère trouver des réponses auprès de celui qu'elle appelle « oncle Simon ». Ce dernier, un marginal reclus dans une maison isolée, accepte de livrer à la jeune femme la mémoire de la famille qui ne tarde pas à découvrir qu'à Purgatoire tout est affaire de colère et de vengeance. Mais encore faut-il en déterminer l'origine pour en dénouer les fils mêlés depuis des générations.
À travers l'histoire intimement liée des hommes et de leur vallée, Braves gens du Purgatoire nous entraîne dans une enquête envoûtante. Portrait brut et foisonnant d'une ruralité, ce roman fresque offre un tribut vibrant à ces petites histoires qui peuplent les régions loin du bruit et des lumières. Balloté entre révolte et compassion, le lecteur chancelant est comblé par ce voyage dans l'univers d'un géant méconnu.
Un roman dans lequel l'auteur distille le doute, tel un poison...
Le bonheur de retrouver l’écriture, flamboyante comme un coucher de soleil, de Pierre Pelot ne se boude pas. Le lecteur se délecte d’un vocabulaire riche, de phrases longues mais nécessaires, car ce diable d’homme sait où il veut nous emmener.
L’intrigue de ce roman noir est touffue mais jamais confuse.
Nous prenons connaissance d’un drame la mort d’un couple Maxime Dansher et sa compagne Anne-Lisa. A priori Maxime aurait tué Anne-Lisa et se serait pendu. L’enquête est close et le curé interdit les obsèques religieuses.
Lorena, petite-fille de Maxime, ne croit en rien à cette thèse. Pour cela elle interroge celui qui… Simon Clavin, ami du défunt, vivant lui aussi à part, car il suit son bonhomme de chemin.
Le chapitre 3 est juste, à mon avis le modèle absolu, de ce qu’il faudrait faire pour installer une atmosphère et renforcer l’impression de mystère.
Par l’attitude de chacun, d’un côté la famille Dansher, de l’autre le clan Derandier, le lecteur sent immédiatement les non-dits, les secrets, qu’il peut y avoir. C’est d’un réalisme, que seul un œil avisé peut livrer, pour montrer à la fois ce que chacun peut avoir à cacher, ce que sont les diktats sociétaux et comment chacun va se dépatouiller de tout cela.
Lorena décrit sa famille ainsi : « Ça se réduit à ça, en fait, la famille Bansher, le tronc et les branches. Un gros tas de cousins-cousines. Même si c’est pas toujours l’appellation, à la lecture des fiches d’état civil, ou sur les réseaux sanguins… je sais pas. On arrange, c’est la manière, et c’est comme ça que ça marche. Tout ce qui descend des deux Américains : des cousins… La tribu. Des fois, on se dit qu’il n’y a que cette engeance, dans Purgatoire… dans Purgatoire, et même que ça en déborde… »
Peu à peu on découvre la vie et ses habitants. Les mœurs du coin, les vérités et les « on dit ». Lorena arrivera-t-elle a percé le secret et à faire éclater la vérité.
« Quelques personnes descendaient la rue à pied, des habitants de Purgatoire étrangers à l’enterrement de l’Homme des loups, qui ne faisaient qu’aller à leurs propres occupations. Une grosse dame à vélo, un cabas de paille tressé arrimé sur son porte-bagages, pédalant comme une forcenée dans la montée de la route et qui devait avancer deux fois moins vite en zigzaguant un peu que si elle s’était contentée de marcher. »
La lectrice que je suis aime les beaux textes, ceux qui sont ciselés par l’auteur qui pense que le lecteur est un être intelligent et qu’il sait lire.
J’aime lorsque chaque phrase me fait sentir que je vis, le temps de l’histoire, à Purgatoire ce village des Vosges, et que je vais découvrir l’histoire de cette famille. Car Lorena ne lâchera rien, elle sera l’ongle qui gratte la peau écorchée. Pour cela elle n’aura de cesse que de mettre à contribution Simon Clavin, écrivain, misanthrope, peu loquace mais qui sait beaucoup.
L’histoire est si finement construite que j’ai l’impression d’ouvrir un vieux meuble remisé dans un grenier, d’ouvrir ses multiples tiroirs et de sentir que je vais découvrir des fonds secrets.
Un peu de cocasserie ne nuit pas dans le noir, et le personnage de Henri Rouy alias Zébulon est inénarrable sur son vélo, criant à se faire péter les cordes vocales.
« — Il m’a dit, et c’est pour ça qu’il est venu, il m’a dit avoir vu des gars rôder dans la forêt. Des gens armés. C’est de ça qu’il est allé avertir ton père, je pense.
— C’est Zébulon, dit Lorena.
— C’est Zébulon mais c’est Henri Rouy, aussi. D’abord. »
L’art subtile de créer un tableau de la ruralité, d’une justesse incontestable, tant dans la gestuelle que dans les dialogues. Des dialogues tellement vrais, qui sous une simplicité apparente implique mille choses. Alors non, il n’y a pas de longueurs ni d’égarements au fil des pages. Chaque mot donne à voir, à penser, induit des situations, des morceaux de voile qui se déchire sur le mystère.
Très savoureuse la façon dont Simon joue au chat et à la souris avec Lorena. Chaque face à face déroule l’histoire sur un credo :
« —C’est sûr qu’il y a beaucoup à savoir, que tu ne sais pas, mais la plupart ne savent pas non plus. Ou ne veulent plus savoir. Sauf certains. »
Et soudain, comme un orage qui tonne dans un ciel noir, le lecteur perçoit que Simon est le double de l’auteur, un portrait du duo père-fils. La véracité même transposée saute au cœur. Des images emplies de tendresse, d’amour désespéré voilées de pudeur. L’amour filiale éclate comme un produit révélateur met au jour un négatif argentique.
Absolue subtilité est de savoir que Simon a écrit un livre qui lui a valu une notoriété et que son titre est Braves gens du Purgatoire.
Cette mise en abyme du livre qui est entre les mains du lecteur est juste géniale.
Pierre Pelot joue avec nos nerfs, mais pas seulement, c’est comme s’il voulait à travers le mystère de ce meurtre nous faire vivre dans ses Vosges, terre dure où le paysage n’est pas seul à pouvoir inquiéter.
C’est dense comme une forêt peut l’être, le vocabulaire est d’une richesse à servir d’exemple, la construction si subtile que le lecteur ralentit sa lecture pour mieux savourer ce bel ouvrage. Pas de précipitation il faut savourer la beauté de l’écriture, la majesté des métaphores, cette poésie et l’humanité qui se dégage du tout.
Il est si rare l’écrivain, celui qui sait raconter une histoire qui a du fond et de la forme, en plus de cinq cents pages sans redondances, sans surenchères. De beaux portraits particulièrement ceux des femmes.
Au mitan du livre se trouve un passage sur le travail de l’écrivain qui est aussi savoureux que désespérant, car d’une justesse qui broie le cœur du lecteur, celui que les mots attirent comme le miel pour les abeilles.
L’ensemble est d’une densité éblouissante.
Un livre rare qui m’a donné envie de relire C’est ainsi que les hommes vivent, lu en 2003 à sa sortie.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 25 avril 2020.
Règlement de compte à Purgatoire
Dans un petit village du sud des Vosges, une question agite tous les esprits : Maxime Bansher a-t-il vraiment tué sa femme avant de se suicider ? Lorena sa petite-fille en doute et décide de mener une enquête à hauts risques avec l'aide du vieux Simon, l'écrivain du coin, misanthrope et peu loquace, mais fin connaisseur de l'histoire de ces vallées. Ultime roman de P. Pelot selon ses dires. Testament d'un conteur prolifique? Polar rugueux, riche, foisonnant, d'une structure complexe pour ménager le suspens avec des allers et retours sur plus d'un siècle, fausses pistes, secrets familiaux bien cachés, rancœurs et amours secrètes. Les personnages sont hauts en couleur comme Zébulon, le cycliste hurlant, ou l'homme des loups, écolo avant la lettre. Un drame social couve aussi sur fond de mutation industrielle où le tourisme blanc et vert a supplanté le textile et le travail du bois. Avec la précision et le sens du détail d'un Brueghel, l'auteur brosse des tableaux plus vrais que nature de la vie villageoise et des forêts alentour au fil de phrases longues, enchevêtrées et envoûtantes. Cette œuvre ample et authentique emporte, captive et tient en haleine de bout en bout.
A Purgatoire, un petit village des Vosges, Maxime Bansher a assassiné sa compagne puis s’est pendu. Meurtre et suicide, c’est la thèse des gendarmes. Pourtant si tout parait évident, ni sa petite fille Lorena, ni les relations proches ou éloignées du couple, ne sont convaincues. Alors en partant de l’origine des familles, ces deux américains tout droit débarqués de la troupe de Buffalo Bill en 1889, à leurs descendants pendant la résistance, puis à aujourd’hui, chacun cherche un mobile. Peu à peu, les relations, les sentiments se dévoilent, noirceurs, secrets, vengeances dessinent peu à peu les contours nauséabonds des relations entre les principaux protagonistes.
Lire un roman de Pierre Pelot, ça se mérite ! Il y a la force, la minutie et surtout la poésie de l’écriture, qui malgré des airs surannés est résolument actuelle. Chaque mot compte, chaque paragraphe amène le lecteur vers un évènement significatif, chaque digression l’entraine au loin, l’obligeant parfois à revenir en arrière.
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2019/09/08/braves-gens-du-purgatoire-pierre-pelot/
Un retour dans le passé de tout un village afin de mieux comprendre le drame qui vient de s’y dérouler. Lorena apprend que son grand-père Maxime vient d’assassiner sa femme avant de mettre fin à ses jours, cela elle ne peut y croire pas plus que son père Adelin. Pourtant c’est la thèse officielle et aucune enquête ne sera menée au-delà des apparences aussi, elle décide de chercher à comprendre avec l’aide du vieux Simon. Pour nous Pierre Pelot fait parler « l’oncle Simon » l’écrivain qui a conservé la mémoire du village et de ses fondateurs. Un roman rural fort et taiseux dont on suit la piste sinueuse auprès de Lorena. C’est un peu comme remonter un arbre généalogique, aller de branche en branche et s’accrocher à l’écorce pour arriver à comprendre l’étendue et la singularité de la famille Bansher. Même si le rythme est lent, les événements s'enchaînent et ne nous laisse pas indifférents car mettre en lumière les zones sombres du passé est tout un art que maîtrise fort bien l’auteur. Sa façon de décrire l’environnement est majestueuse, j’ai adoré découvrir la région en suivant le vélo de Zébulon ou en marchant aux côtés de la jument de Lorena. J’étais aussi rendu à espérer une belle histoire d’amour pour la dernière génération, tout autant j’ai apprécié découvrir les turpitudes de la famille Bansher.
Si j’en ai aimé le contenu je ne peux pas en dire autant de la forme, c’est un style particulier qui n’est pas des plus aisés à lire. J’ai eu très peur aux toutes premières pages alors que les phrases semblent ne jamais vouloir finir, tant les digressions sont nombreuses. Je me suis retrouvé plus d’une fois complètement perdue dans ma lecture à ne pas savoir de qui on parlait, à remettre en question ma faculté de compréhension. Pourtant j’ai persévéré parce que je voulais vraiment comprendre la mort des grands-parents de Lorena. J’ai bien fait parce que j’ai su apprivoiser au fur des phrases ce style incroyable d’où une poésie s’échappe et vient nous prendre comme par surprise. Au final ce fut une très belle lecture, une belle découverte et un roman noir familial que je n’oublierai pas tant il est riche de tout le cœur qui a mis son auteur. Bonne lecture.
La lecture de ce roman est une grande aventure qui se mérite et en atteindre le bout sans encombre est un sacré challenge !
À bon entendeur : salut !
Pierre Pelot nous annonce d'emblée la mort de Maxime, le grand-père de Lorena, Il se serait pendu après avoir tué Anne Lisa, sa compagne, d'un coup de fusil. Une dispute qui aurait mal tourné ou un coup de folie d'un vieil homme perdant la tête ... Sauf que Lorena et ses parents, Adelin et Pauline, ne croient pas un seul instant que Maxime, "l'homme aux loups" ait pu faire une chose pareille !
Voilà le décor est planté ...
Enfin, pas tout à fait car Pierre Pelot va lentement nous diffuser des informations sur la famille Bansher et distiller le doute, tel un poison. Un doute qui va partager les habitants de la vallée vosgienne et les monter peu à peu les uns contre les autres ... Dans un style littéraire bien à lui, l'auteur fait de nombreux allers-retours, du passé au présent, pour nous éclairer dans un premier temps, enfin semble-t-il, et pour mieux jeter la confusion par la suite.
Un suicide ? Un assassinat ? Et dans ce cas pourquoi ? Quel est le rôle de Simon l'écrivain dans tout cela ? Qui sont exactement les ancêtres d'Adelin ?
Dans ce village perdu des Vosges, les habitants y mettent tous un peu leur grain de sel ... La vie y est dure, les gens plus ou moins mauvais ... Lorena rêve d'en partir avec Justin, "l'étranger" venu du Jura ...
Attention, si vous ne voulez pas vous y perdre totalement, vous n'avez pas intérêt à en oublier une seule ligne ! Il vous faudra parfois revenir sur le chapitre précédent pour vérifier que vous avez bien tout compris ! Pierre Pelot écrit avec beaucoup d'humanité mais néanmoins il reste intraitable, il faut décortiquer, partir et revenir à plusieurs reprises sur des détails du passé, un peu comme on le ferait pour une enquête policière. Et surtout, surtout, s'armer d'une immense patience !
Pierre Pelot aurait dit qu'il s'agissait de son dernier roman car il est fatigué : un récit pareil, je peux comprendre ! ...
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