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Ce jour-là, le soleil ne s'est pas levé. Il n'y aura plus de soir, il n'y aura plus de matin, nous sommes au premier jour. Déjà le ciel verse sur la terre qui disparaît sous les eaux. Les hommes qui ne sont pas emportés par les crues sont jetés sur les routes. Sidéré de cette lumière qui refuse de venir, chacun est gagné de panique et tâche de rejoindre les siens, toutes affaires cessantes. Feu de bois, jeune garçon débrouillard, quitte l'école avec sa camarade Dalila.
De son côté, le père rejoint l'attelage d'un voisin. Et les voilà chacun s'échinant à rallier un refuge, alors que le monde, méticuleusement, se détricote. Le pire reste à venir. Nos deux protagonistes sont ballottés d'île en île, tantôt une éolienne, tantôt une église, un pont, un bateau. La lumière manque, et le monde se dissout. Pour viatique, Feu de Bois a dans la tête le souvenir de sa mère, disparue brutalement quelques années auparavant, et les poèmes désespérés que son père écrivait sur la décadence sociale.
Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir…
Ce roman est totalement inclassable, en lisant les dernières lignes, je me féliciterais presque de ne pas classer ma bibliothèque par genre littéraire.
Yvan Robin, a commis une histoire apocalyptique, en revisitant la Genèse, dont il illustre chacun des 7 jours par une citation appropriée.
Pour cela il campe les portraits d’un père et d’un fils.
Lazare, le père est un homme qui a été ouvrier imprimeur, avant sa chute, veuf, au chômage, il vit dans une masure sous un pont. Il est aussi poète, lorsqu’il était en activité, il lui arrivait de glisser, dans les livres imprimés, un de ses poèmes, sans que jamais ce forfait n’ait été dénoncé.
Il n’a plus de forces pour se battre, il n’est pas le seul, du haut du pont qui l’abrite, les suicides sont récurrents. La société la mis au ban, mais lui qui n’a plus l’ardeur d’additionner, il a encore celle de se soustraire, c’est son ultime combat.
« Tu veux sentir encore la présence de ceux de ta race. A force de côtoyer la mort, tu finis par ne plus la trouver si désirable. »
Son fils, Feu de bois, est un gamin, mis au ban de son école, par son mode de vie, sa pauvreté, mais il s’en accommode. Il aime son père et fait le maximum pour ne pas lui compliquer la vie.
Alors, quand un matin le soleil de se lève pas et que tous les enfants sont renvoyés chez eux, il va se retrouver avec Dalila, petite fille riche, qui attend son chauffeur pour rentrer chez elle. Elle accepte de reconduire Feu de bois près de chez lui.
Mais les eaux ont tout envahi, les hommes ont l’esprit échauffé et pas spécialement solidaire.
En un mot c’est le chaos, père et fils n’ont qu’une seule idée, se retrouver.
Aller l’un vers l’autre c’est leur unique moteur.
« Un chien galeux aux grandes esgourdes ciselées comme des feuilles de chêne. L’usage de mon sifflet s’impose. Je me ravise pourtant quand les vertèbres du chien se déroulent contre ma cuisse. Je tends ma main frêle, touche son crâne osseux et pelé. Il semble en éprouver du réconfort. »
Mais tout est dévasté et ils vont faire face à de multiples situations, où la peur, la faim, la soif et l’épuisement, leur colleront à la peau comme un vêtement gluant.
C’est une épopée très ambitieuse que nous offre Yvan Robin. Sa construction est parfaite, ce sont les voix du père et du fils qui font avancer le lecteur. Le fils emploie le Je, c’est le regard d’un gamin qui découvre, et devient un homme dans cet apocalypse, il est ingénieux et protecteur.
Le père dit Tu, il met de la distance dans ce monde qui se rappelle à lui avec toute sa violence, dans cet engloutissement où les hommes ne montrent pas plus de solidarité, mais où les plus petits ne sont pas les plus dépourvus face à ce néant. De la distance mais également une réappropriation de la vie.
C’est particulièrement intelligent comme astuce, le lecteur n’est jamais perdu, dans les tableaux qui lui sont présentés.
L’écriture est comme ces eaux qui ont tout envahi, puissante, mais aussi déliée par la poésie omniprésente.
Roman d’anticipation, roman noir mais aussi une critique sociale.
C’est osé, le mélange de ces différents genres aurait pu être « casse-gueule » il n’en est rien, le souffle littéraire est là, les fondements sont plus solides que le pont sous lequel ont vécu Lazare et Feu de bois.
Une histoire, couleur charbon et également flamboyante.
Lazare dit « la révolte éclot par itération. »
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/04/18/apres-nous-le-deluge/
Yvan Robin, s'il signe son premier roman chez In8 n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il a déjà publié chez d'autres éditeurs. Ce livre est d'une noirceur et d'une force incroyables. C'est l'Apocalypse, le Déluge au sens biblique du terme, celui qui détruit le mal. Les hommes ont mené le monde à sa perte en épuisant les ressources naturelles et croissant immodérément, en se renfermant sur eux-mêmes, sur leurs écrans, en ne s'occupant ni de leurs prochains ni des dégâts irréversibles sur leur lieu de vie. Chacun des sept chapitres commence par une citation du livre de la Genèse -enfin, c'est ce qu'il me semble, j'avoue mes lacunes en ce domaine- concernant chacun des sept jours ou Dieu est censé avoir créé le monde. Le Déluge, Lazare, on croise aussi une Dalila, le Mont d'Airain comme terre promise, pas mal de références aux textes sacrés, et sans doute d'autres que je n'ai pas vues. Il y a aussi du Ulysse qui doit affronter tant d'épreuves pour revoir Ithaque.
Tout cela écrit dans une langue incroyable, grandiloquente parfois qui pourrait jurer avec l'urgence dans laquelle Lazare et Feu-de-Bois et les personnes qu'ils rencontrent sont. Il y est question de survie, et l'auteur s'amuse avec les mots, intercale des extraits d'un texte intitulé Principe de désacralisation de la vacuité, comme si ce paradoxe finalement nous rapprochait de l'histoire et de ses héros. Difficile à expliquer, mais je me suis senti sans doute plus proche d'eux que si Yvan Robin avait usé d'un langage familier. N'oublions pas les traits poétiques, de ceux que Lazare écrit dès qu'il trouve un crayon et un support. Le père et le fils se répondent dans les paragraphes, l'un auquel l'auteur s'adresse avec un "tu" et l'autre qui s'exprime à la première personne.
Puis il y a le rythme, soutenu car la survie est à ce prix, il faut être le plus fort et rester humain et lent, au fil des eaux boueuses -et pire sachant que des cadavres d'hommes et d'animaux y résident. Le tout donne un roman noir haletant duquel il est bien difficile de sortir avant le septième jour et autrement qu'en sueur et fortement chamboulé.
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