"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Décembre 2001, Albuqerque, Nouveau Mexique, Jamie Asheton est gardien de parking. Voici l'instant qu'il redoutait depuis un après-midi poisseux de septembre 1990, lorsqu'ils avaient, sa femme Jackie et lui, déserté leur appartement de Manhattan. Après avoir balancé un parrain de la mafia new yorkaise, Jamie a en effet tout lâché, gommé sa réalité et son passé pour une nouvelle identité : les hommes du programme de protection fédérale des témoins (WITSEC) lui ont garanti une vie grise et pesante. Ils n'ont pas menti, mais ils ont oublié de mentionner cette peur sourde qui ne l'a pas quitté pendant onze ans, et voilà que cette décennie inexistante s'apprête à voler en éclats.
Une Pontiac firebird avec deux hommes à bord s'approche de sa guérite. Il va falloir faire vite, très vite pour s'échapper du traquenard et aller chercher Jackie.
Ensuite il faudra fuir vers Los Angeles à cette adresse de la dernière chance, le bureau du WITSEC. Mais la route est longue jusqu'à la cité des anges...longue pour un couple traqué, longue pour un homme que sa femme n'aime plus mais qui est condamnée à partager sa vie.
160 petites pages, à peine plus qu'une nouvelle pour une autre histoire de cavale, une autre histoire de petites gens.
Cette fois-ci le décor sera celui des routes US, la 66 et d'autres : Forma a longtemps vécu à LA.
Planqué au Nouveau-Mexique, Jamie s'est refait une petite vie sous couvert du programme fédéral de protection des témoins.
Il a pris quinze kilos de trop, n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été et son couple avec Jackie bat de l'aile.
Mais un beau matin, ses anciens complices le retrouvent ...
[...] Qui a jamais vu une vengeance s'abattre une décennie plus tard sur un type devenu gardien de parking ? Albuquerque n'est pas Medellin ou Juarez.
[...] De mémoire d'homme, on n'a jamais vu ça à Albuquerque. D'ailleurs personne ne le verra ; on ne déambule pas à l'angle de Cooper Avenue et de Fifth Street si tôt le matin. Le quartier est encore désert.
Jamie n'a pas le temps de faire sa valise, à peine celui de prendre la fuite avec sa femme, bien obligée de le suivre.
[...] Il ouvre le congélateur - un grand modèle horizontal s'ouvrant par le haut - et y dépose le cadavre.
Il referme le congélateur.
- So long, Albuquerque !
On partagera avec eux quelques heures de cavale le long des routes US.
On nous laissera deviner comment tout cela a commencé mais à peine entrevoir comment tout cela va finir : Dominique Forma est un habile faiseur de dernier chapitre en ligne de fuite.
Sa prose, sèche et précise, fait mouche à chaque page, entre humour ravageur et tendresse pour ses personnages.
[...] Sa télé de poche a cessé de fonctionner en septembre dernier, deux jours avant que les tours jumelles de Manhattan ne partent en fumé. Jamie n'avait rien remarqué. Il avait passé le 11 septembre à se gaver de biscuits scandinaves qu'il adore pour compenser la mort soudaine de son poste de télévision. Il est le seul américain à ne pas voir assisté en direct à cette spectaculaire déclaration de guerre.
Dominique Forma me fait penser à un autre grand auteur de roman noir : Frédéric H. Fajardie et me donne envie de le relire.
Pour celles et ceux qui aiment les cavales.
Dans cette fuite en bagnole sur la fameuse Route 66 d'Albuquerque (Nouveau-Mexique) à Los Angeles, Dominique Forma convoque tous les clichés de l'Amérique fantasmée : des mafieux teigneux à la poursuite d'un repenti qui les a balancés, des motels poisseux, des bleds paumés, des paysages sans fin des Etats du Sud-Ouest , des flingues et des morts ...
Oui, on connait, c'est vu et archivu, lu et archilu, rien de neuf.
Mais l'auteur a l'excellent idée de greffer sur ce scénario classique de course poursuite une histoire de couple, pas loin de l'autopsie . La fuite éperdue pour survivre est aussi celle de Jamie et Jackie pour sauver ou pas un mariage au bord de l'effondrement. Dix ans de vie grise et pesante sous la protection du programme de protection fédérale des témoins, dix ans de peur, dix ans à changer d'identité totalement coupés de leur vie d'avant à New-York, comme en quarantaine.
Au-delà des péripéties et des menaces qui déboulent tout le long du trajet, leur fuite est avant tout une bulle où on règle ses comptes, ou plutôt où Jackie les règle. Elle qui a vu sa vie confisquée depuis que son mari a collaboré avec la justice, elle qui ne rêve que de reprendre sa liberté, elle qui ne supporte plus, c'est épidermique, ce mari qui s'est laissé complètement allé et n'est plus l'homme fort et puissant qu'elle a aimé.
Leurs dialogues , leurs interactions sonnent de façon très saisissante et crue, enrobés d'humour décapant, comme si l'urgence de la situation libérait la violence contenue en Jackie depuis dix ans :
« Jackie reste vingt minutes sous la douche, le dos collé au mur, la tête penchée en avant, à se frotter la peau et à pleurer. Vie de merde, mari de merde, mère cruelle.
Jackie n'a pas mangé depuis longtemps. Une contraction brutale de tout son abdomen. de la bile. du fond de son corps, un dégoût olivâtre et fétide.
Jamie sursaute en la voyant sortir de la salle de bain. Serviette à la main, elle s 'essuie la tête. Il ne l'a pas vue nue depuis des lustres. Elle est devenue un corps étranger dans l'univers de ce gardien de parking, un corps séduisant, mais qui ne cherche pas à le séduire. Jackie déambule nue parce qu'elle considère son époux comme inexistant. Jamie se surprend à la regarder en douce, tandis qu'elle passe devant le lit, entre lui et le poste de télé. Il la trouve plutôt pas mal. Il se dit qu'il est trop gros, trop gras pour elle. Depuis quand n'ont-ils pas fait l'amour ?
- Qu'est-ce que tu regardes ?
- Rien. Enfin toi.
- Beau résumé de ma personne. Va prendre une douche, tu pues. »
176 pages condensées, nerveuses, sans gras, avec une fin très réussie ancrée dans le post 11 septembre 2001 pour un bon moment de lecture.
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