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Douze nouvelles et autant d'univers, de suites, de fins ou de commencements imaginés par Pierre Pelot. C'est l'hiver dans les Vosges comme ailleurs et le noir s'installe, s'instille dans chacun des personnages. Victimes comme bourreaux ils s'animent avec une grande intensité et entraînent le lecteur dans leurs vérités, leurs angoisses, leurs souffrances ou leur folie. Entre nouvelles intimistes et fresques rurales, de nouveaux personnages prennent vie et côtoient ceux que nous retrouvons avec délice. Dans ce recueil qui mêle inédits et des textes parus dans divers journaux, la plume de Pelot est reconnaissable, toujours musicale mais plus acérée. Il s'agit bien d'une plongée dans l'obscurité, une variation d'outrenoir qui ravira ses lecteurs des premières heures.
Avertissement de l’auteur aux lecteurs : « On croit faciles les nouvelles, à écrire et à lire. C’est parfaitement faux. Ces petites histoires taillées à chocs répétés se méritent, payent toujours de mine sous des dehors volontiers colorés aux pastels. »
Un prologue qui sonne, résonne comme les cloches de l’église du village dans la nuit.
La première nouvelle donne le titre au recueil, c’est ma préférée car elle dit tant de cet état personnel quand la vie vous bouscule, que vous avez choisi une hivernation pour ne pas sombrer et qu’un matin le sang qui coule dans vos veines vous lance un appel qui vous fait émerger. A peine le museau dehors vous tombez sur la banalité du « Salut, ça va ? » auquel vous ne répondez que par une banalité aussi, car vous savez profondément que si vous disiez la réalité, votre vérité cela consternerait sans apporter quoi que ce soit, car le monde n’attend pas votre réponse, encore moins vos états d’âme, il avance coûte que coûte. Alors votre pudeur aidant vous vous taisez.
Mais l’animal terré a de la mémoire, celle qui comme un feu de cheminée vous oblige à trouver la juste distance, trop près la flamme vous brûle, trop loin elle ne sert à rien, à la bonne distance elle vous réchauffe le corps et le cœur. Une chaleur souveraine qui se diffuse.
Car « N’essayez pas de fuir la douleur, ce n’est pas ce qui la tuera. N’essayez pas de braconner la douleur, il faut vivre avec elle, en partage il n’y a rien d’autre à faire, rien d’autre à lutter ni à guerpir. »
Première des treize nouvelles, pourquoi 13 ? Ce chiffre a-t-il un sens, personnellement et je ne sais absolument pas pourquoi (je n’y connais rien en cartes, numérologie, etc.) j’ai eu la réminiscence de la treizième lame du tarot « l’arcane sans nom » représenté par une espèce de squelette signifiant le déséquilibre, la rupture mais état de transition qui va vous porter vers la création et le renouveau.
Ah comme la lecture est quelque chose de personnelle ! Je ne sais absolument pas ce qu’était l’intention de Pierre Pelot.
Dans toutes ces nouvelles j’ai eu le sentiment de deux fils conducteurs : la mémoire et la fatalité.
Fils électrifiés car les personnages sont rugueux, jamais là où on les attend, et leur apparence est toujours trompeuse. L’auteur s’amuse en maîtrisant cet art particulier de la nouvelle, l’ambiance est particulière, le vocabulaire toujours somptueux, bien en chair, les hommes y sont dans leur vérité toute crue toute nue.
Du noir mais pas celui du fond du puits, plutôt le noir avant le lever du jour, il y a des lueurs, des nuances dans l’émergence.
Les titres sont étonnants je me suis amusée à en faire un petit texte : Poésie, comme on dit. Le lundi, c’est gym. Beau mais orageux en soirée. Bienvenu les canpeurs. Le retour de Zan, le tonneau, frères de sang, les quarante balais de mon con. Doulce France, apportez-moi trois petits cochons. Commandos, suaire (et suaire la preuve). Ailleurs sous zéro.
La chute dans la nouvelle est l’art suprême et celle de Doulce France m’a fait beaucoup rire (je ne dois pas être une personne charitable).
Mes pensées au fil de ces nouvelles m’ont amenée au poème de Victor Hugo La pente de la rêverie 1831
« Amis, ne creusez pas vos chères rêveries ;
Ne fouillez pas le sol de vos plaines fleuries ;
Et quand s'offre à vos yeux un océan qui dort,
Nagez à la surface ou jouez sur le bord.
Car la pensée est sombre ! Une pente insensible
Va du monde réel à la sphère invisible ;
La spirale est profonde, et quand on y descend,
Sans cesse se prolonge et va s'élargissant,
Et pour avoir touché quelque énigme fatale,
De ce voyage obscur souvent on revient pâle ! »
Comme le dit l’auteur « la vie est un numéro d’équilibriste dérisoire et ébouriffé ».
La conclusion je lui emprunte ses mots pour lui dédier le sentiment qui émane de ma lecture.
« C'était du bonheur et de la ronde émotion. Comme un nid portatif dans lequel se lover. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 16 juin 2020.
On le sait, les recueils de nouvelles ne font pas recette. Aussi Pierre Pelot nous gratifie-t-il d’un prologue dans lequel il nous explique que «ces petites histoires taillées à chocs répétés se méritent, payent toujours de mine sous des dehors volontiers colorés aux pastels». Puis il nous explique que si la celle qui ouvre le recueil fut écrite au profond d’une sorte de gouffre, les autres «racontent chacune à leur manière des moments et des tranches d’existence, suffisamment hors du commun pour être particulières et remarquables».
Et comme l’auteur nous a simplifié la tâche sur ses intentions, attardons-nous un peu sur les personnages de ces histoires, sur ces «âmes en chaos». Car ils le méritent, ces acteurs récurrents dans l’univers de Pierre Pelot. La vie ne les a pas gâtés, à l’image de ce chroniqueur remercié pour un texte qui n’a pas plu au responsable et qui se retrouve confronté à une nouvelle épreuve, les résultats de ses examens médicaux confirmant la présence d’une «saloperie rare». Alors que la neige tombe sur les Vosges, il va devoir partir pour Strasbourg afin de procéder à des analyses complémentaires. C’est bel et bien le crabe, mais à coups de protons, on devrait en venir à bout…
Dans ces histoires de sang noir, celle que je préfère s’intitule «Bienvenue les canpeurs». Oui, avec un «n» à canpeur comme il est noté sur le panneau que Ti Nono et son frangin, solides bûcherons, ont confectionné pour attirer les touristes. Celle qui se pointe à l’air tout à fait à leur goût. «Cette salope a un fameux cul et pas seulement qu’un cul». Je vous laisse deviner la suite…
Suivront une drôle de partie de chasse dans «Doulce France», une séance de fitness avec un raciste dans «Le lundi c’est gym», la recherche de voleurs qui donnent du fil à retordre à la police dans «le tonneau» ou encore l’arrivée d’un visiteur inattendu pour le grand lecteur – il s’était notamment délecté d’un livre intitulé «Méchamment dimanche» – qu’était devenu Pidolle dans «Le retour de Zan».
Treize histoires qui sentent la sueur et le sang, l’alcool et la neige. Treize histoires qui sondent ces âmes en chaos et ne leur accorderont guère une place au paradis. Du Pelot pur jus en somme.
https://urlz.fr/bGf3
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