"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après Jeanette Garland et Susan Ridyard, la jeune Claire Kemplay vient de disparaître sur le chemin de l'école. Son cadavre sera bientôt retrouvé dans une tranchée sur un chantier de construction.
Nous sommes en 1974, dans la région de Leeds. Noël approche. Edward Dunford, reporter criminel à l'Evening Post, est encore un néophyte qui fait ses premières armes dans l'ombre du journaliste vedette de la rédaction, Jack Whitehead. Au volant de la vieille voiture de son père, il sillonne les routes de l'ouest du Yorkshire à la recherche d'indices susceptibles d'éclairer les meurtres de ces trois fillettes. Au début, il croit seulement chasser le scoop qui lui permettra de coiffer Jack au poteau ; mais plus il enquête, plus il découvre des ramifications multiples. Bien des choses sont pourries au royaume du Yorkshire : policiers corrompus, entrepreneurs véreux, élus complices.
Extrait :
A cinq heures du matin, dix policiers, sous les ordres du superintendant Noble, défoncèrent la porte de la maison de ma mère à coups de masse, la giflèrent quand elle sortit dans le couloir et la repoussèrent dans la pièce, se précipitèrent dans l’escalier le fusil à main, me tirèrent hors du lit, m’arrachèrent des poignées de cheveux, me donnèrent des coups de pied qui me firent rouler dans l’escalier, me rouèrent de coups de poing quand j’arrivai en bas, me traînèrent dehors, sur le goudron puis à l’arrière d’une camionnette noire.Ils claquèrent la porte et démarrèrent.
A l’arrière de la camionnette, ils me tabassèrent jusqu’à ce que je perde connaissance, puis me giflèrent et urinèrent sur moi jusqu’au moment où je repris conscience.
Avis :
Roman sombre, une réflexion intense, une intrigue déstabilisante.
Bienvenu dans l’enfer de l’Angleterre industrielle de 1974 ou des petites filles disparaissent en revenant de l’école, où la police et ses méthodes expéditives règle ses comptes de manière brutale et expéditive, où le choc pétrolier commence à faire des ravages économiques et où Edward Dunford débute sa carrière de journaliste. C’est en enquêtant sur la disparition de la petite Clare Kemplay que Dunford va réveiller des démons qui ne demandaient qu’à rester cachés. Il va essuyer des coups et des insultes, verser des pots de vin, harceler des plus gros et plus puissants que lui mais cette enquête, c’est son enquête. Premier volume d’une tétralogie (5 volumes) sur l’Angleterre industrielle des années 70-80, « 1974 » surprend d’abord par son style très sec : phrases courtes, dialogues courts (Dunford à tendance à dire « merde » toutes les 3 répliques !), langage cru, scène crues également, le style de David Peace se veut moderne, dynamique et sans concession. Le récit est assez compliqué, d’abord à cause du nombre important de personnages mais aussi d’une intrigue qui peut se lire à plusieurs niveaux. A la fin du livre, on pense que l’enquête est bouclée et que les méchants sont punis mais, au fond, en refermant le livre, on n’en est pas si sur… L’Angleterre de 1974 et sa police aux méthodes expéditives et brutales peuvent surprendre, et même choquer. Mais ce serait oublier vite que beaucoup de chemin a été fait depuis les années 70, en terme de procédure, de police scientifique, mais surtout de déontologie. Voilà un roman noir qui n’a pas peur des mots, qui n’a pas peur de sous-entendre (ce qui met encore plus mal à l’aise parfois que de décrire), qui n’ a pas peur de grand-chose en fait. Il faut savoir où on met les pieds avec « 1974 », ici, pas de crimes ésotériques, pas de tueurs machiavélique et suprêmement intelligent, pas de héros sans peur et sans reproche, pas d’envolée lyriques, ici, on parle sang, morve, m…. et instincts de bas étage répandu chez tout à chacun. Edward lui-même n’est pas spécialement sympathique, plein de failles, plein de défauts, il faut parfois (souvent) les mauvais choix et cède à la facilité et à l’alcool. « 1974 » est le premier jet d’une tétralogie qui promet de remuer beaucoup de fange, et touiller sans ménagement le fond de l’âme humaine.
série délirante, on entre réellement dans le mal être des personnages
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