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Bonjour, un autre roman que j'ai adoré et dont je relis souvent quelques passages : "l'ironie du sort" de Paul Guimard.
En voici un extrait :
"Dans la nuit de septembre, au-dessus de la ville en guerre, flottent des cortèges de mots encore immatériels mais aussi réels que ces ondes de valse dont l'existence, en tant que valse, dépend d'un poste de radio, au troisième étage ce cette rue où un homme est à quelques pas de sa mort. Ces mots existent depuis la création du monde ; ils ont beaucoup servi : "sacrifice suprême... mourir pour la patrie... nation reconnaissante... tombé au champ d'honneur... le meilleur de nos fils... pour que vive la France, ou l'Allemagne, ou..." Ces grands mots fatigués attendent de se poser. Il leur faut pour cela deux choses : une bouche pour êtres prononcés, un nom propre auquel être accolés. Le coucou n'est pas difficile sur le choix de son nid, les grands mots, de même, ne choisissent pas leur homme, le premier venu fait l'affaire, mais il leur faut une tête sur quoi se fixer sous peine d'errer indéfiniment dans ces limbes où sont les velléités."
Bonjour à tous,
J'ai dans mon ordinateur un fichier intitulé "sucettes" où je rassemble les textes ou phrases que j'apprécie particulièrement. Pourquoi sucettes? Parce que, tout comme ces dernières, j'aime les rouler et les rouler encore sur le bout de la langue et en bouche pour en apprécier tout le suc.
Voici la première d'entre elles:
Nicolas Bouvier, l’usage du monde, 259
« Première étape: petite étape », disent les caravaniers persans qui savent bien que, le soir du départ, chacun s’aperçoit qu’il a oublié quelque chose à la maison. D’ordinaire, on ne fait qu’un pharsar. Il faut que les étourdis puissent encore aller et revenir avant le lever du soleil. Cette part faite à la distraction m’est une raison de plus d’aimer la Perse. Je ne crois pas qu’il existe dans ce pays une seule disposition pratique qui néglige l’irréductible imperfection de l’homme.
Un pharsar: environ six kilomètres. Cette mesure correspond aux anciens parasanges de l’Anabase.
On se sent immédiatement emporté au bord du monde fait de vents capricieux et de sables chauds et secs et bien sûr il ne faut rien oublier, ni l'eau, ni le tapis volant, ni les mirages car ce monde est magique, car ce monde se renouvelle sans cesse au gré de la lumière.
Il faudra que je complète mon dictionnaire personnel de "parasange" soit l'équivalent de 5000 mètres et "d'Anabase" qui pourrait convenir à la montée de l'esprit dans le "culte des mystères grecs".
De fait la première étape est vraiment courte si l'on en croit la moyenne de 5 km/h pour un camélidé au pas. Peut-être qu'arnaché et chargé, cette distance horaire décroit et le balancement nous emporte hors du temps...
Messages : 6
Le 30/10/2014 à 10h54
En voici un extrait :
"Dans la nuit de septembre, au-dessus de la ville en guerre, flottent des cortèges de mots encore immatériels mais aussi réels que ces ondes de valse dont l'existence, en tant que valse, dépend d'un poste de radio, au troisième étage ce cette rue où un homme est à quelques pas de sa mort. Ces mots existent depuis la création du monde ; ils ont beaucoup servi : "sacrifice suprême... mourir pour la patrie... nation reconnaissante... tombé au champ d'honneur... le meilleur de nos fils... pour que vive la France, ou l'Allemagne, ou..." Ces grands mots fatigués attendent de se poser. Il leur faut pour cela deux choses : une bouche pour êtres prononcés, un nom propre auquel être accolés. Le coucou n'est pas difficile sur le choix de son nid, les grands mots, de même, ne choisissent pas leur homme, le premier venu fait l'affaire, mais il leur faut une tête sur quoi se fixer sous peine d'errer indéfiniment dans ces limbes où sont les velléités."
Messages : 4
Le 25/12/2014 à 11h06
J'ai dans mon ordinateur un fichier intitulé "sucettes" où je rassemble les textes ou phrases que j'apprécie particulièrement. Pourquoi sucettes? Parce que, tout comme ces dernières, j'aime les rouler et les rouler encore sur le bout de la langue et en bouche pour en apprécier tout le suc.
Voici la première d'entre elles:
Nicolas Bouvier, l’usage du monde, 259
« Première étape: petite étape », disent les caravaniers persans qui savent bien que, le soir du départ, chacun s’aperçoit qu’il a oublié quelque chose à la maison. D’ordinaire, on ne fait qu’un pharsar. Il faut que les étourdis puissent encore aller et revenir avant le lever du soleil. Cette part faite à la distraction m’est une raison de plus d’aimer la Perse. Je ne crois pas qu’il existe dans ce pays une seule disposition pratique qui néglige l’irréductible imperfection de l’homme.
Un pharsar: environ six kilomètres. Cette mesure correspond aux anciens parasanges de l’Anabase.
Messages : 2407
Le 26/12/2014 à 16h32
On se sent immédiatement emporté au bord du monde fait de vents capricieux et de sables chauds et secs et bien sûr il ne faut rien oublier, ni l'eau, ni le tapis volant, ni les mirages car ce monde est magique, car ce monde se renouvelle sans cesse au gré de la lumière.
Il faudra que je complète mon dictionnaire personnel de "parasange" soit l'équivalent de 5000 mètres et "d'Anabase" qui pourrait convenir à la montée de l'esprit dans le "culte des mystères grecs".
De fait la première étape est vraiment courte si l'on en croit la moyenne de 5 km/h pour un camélidé au pas. Peut-être qu'arnaché et chargé, cette distance horaire décroit et le balancement nous emporte hors du temps...
Amitiés
JM