"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il a roulé jusqu'à la panne d'essence. Puis il a marché dans la forêt. Il y est resté 25 ans. Ce n'était pas planifié, Il a juste voulu être invisible, caché.
Xavier Mussat s'est inspiré de l'histoire de Christopher Knight, l'ermite du Maine, resté plus de 25 ans sans contact humain, vivant de la nature et de vols dans les cabanes du bord d'un lac. Il en fait le narrateur imaginaire de son propre récit. L'attirance pour la forêt, les sens aiguisés par l'impression de silence, la faim, la nécessité de voler ce qui va lui permettre de subsister dans les quelques résidences secondaires qu'il croise sur son chemin.
Un chemin qu'il veut le plus discret possible, allant jusqu'à inventer de nouvelles façons de marcher, de se mouvoir... créant des pistes invisibles afin de ne pas être repéré. A l'affut de chaque instant, de chaque endroit, il découvrira le lieu idéal pour installer son camp.
Ce magnifique objet livre m'a bousculé. Par son contenu sur le thème de la disparition volontaire mais aussi par sa forme. Un dessin en bichromie avec le bleu et le orange qui se superposent, créent des mondes nouveaux, en cachent d'autres. Des cases qui illustrent, d'autres qui font appel à nos sens, d'autres plus oniriques, symboliques. Un monde en soi, immersif, introspectif.
Lire "Les pistes invisibles", c'est vivre une expérience singulière. C'est partager la vie d'un homme qui a choisi d'être reclus. Xavier Mussat a réussi à mettre mes sens en éveil, à m'identifier à un personnage sans jamais le rendre visible. C'est mon premier gros coup de cœur de l'année.
J’avoue avoir beaucoup à découvrir en matière de BD et cette nouvelle expérience et totale découverte, à la vue de sa couverture et à la lecture de sa thématique, m’a tout d’abord intrigué puis un peu effrayé.
Ces sentiments, probablement liés à ma faible habitude de ce type de lecture, se sont vite estompés pour se changer en un véritable intérêt sur cette tranche de vie autobiographique, plutôt perturbée, mêlant complexité des illustrations à des traits plus simplifiés, véritable reflet d’un récit de qualité.
Entre juin 1993 et août 2006, Xavier Mussat, l’auteur de ce livre, s’installe à Angoulême pour exercer un métier qui l’intéresse depuis toujours ; la BD. Impliqué pendant un temps dans la préparation de « Kirikou », il se cherche à la fin de cette préparation, il prend son indépendance, sans vrai succès entre projet plus ou moins perso et Pôle Emploi et va donc vivre une longue parenthèse, à Angoulême, plutôt désœuvré professionnellement mais alors particulièrement débordé par le côté personnel entre ses copains, eux aussi, dans la BD, dont certains plutôt perturbés et surtout par sa relation de nature assez toxique et complexe avec Sylvia.
Être plutôt perturbé, Sylvia, a dans le domaine de sa vie privée et encore plus dans la vie amoureuse, une nature exceptionnellement torturée. C’est tout le cœur du problème de l’auteur, entretenant une cour assidue auprès de cette égérie, les relations, entre ces deux êtres vont se révéler d’une rare complexité, hésitant entre relation amicale, amoureuse, passion, ils vont chacun à leur tour, alterner le rôle de bon copains, confidents, entremetteurs, puis amant et cela en total décalage. On se rapproche, dans les faits, plus d’une relation sado maso voir d’une grande proximité avec les mœurs de la mante religieuse dans sa vie amoureuse que d’une classique histoire d’amour. S’ils vivent le plus souvent en autarcie totale, leur relation torturée, certains amis, parfois plus qu’intrusifs, sont de passage et apportent un peu de piment dans ce couple.
Entre folie, chantage affectif, dépendance financière, dépendance affective, sexe fusionnel, trahisons, période de chômage, dépressions et tentatives de suicides, Sylvia et l’auteur vont nourrir une relation hautement toxique, l’ensemble totalement incompris et mal appréhendé par les derniers amis et la famille de chacun.
Pour rester au plus près de ce récit, un bestiaire des plus variés, de dessins chocs, de traits simplifiés, tout est mis à profit pour que le lecteur soit aussi bien plongé dans l’histoire de ces deux personnages que dans la visualisation et la concrétisation des émotions, des événements et des lieux. Histoire autobiographique mais aussi parfaite illustration du milieu de la BD et de son système dans la ville qui lui est dédiée.
Un bonheur et un plaisir.
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