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La Part de l'ombre - Qui était vraiment Le Corbusier ?
A l'heure où la France s'acharne à vouloir faire classer ses constructions au Patrimoine Mondial de l'Humanité, Xavier de Jarcy, journaliste spécialisé en design, graphisme et architecture, se penche sur l'architecte le plus célèbre de monde.
Et le portrait n'est pas flatteur ! Disons-le tout net, Le Corbusier était fasciste, raciste, antisémite, sexiste, misogyne, homophobe, xénophobe, antirépublicain, anti- parlementaire, partisan de l'eugénisme (il parlera même de haras humains et d'élevages d'enfants dans ses traités d'architecture) et surtout collabo zélé et pétainiste convaincu.
Même Albert Speer, pourtant architecte attitré d'Hitler et Ministre de l'Armement et de l'Industrie du Reich dira de Le Corbusier que «même le plus cruel des dictateurs ne soumettrait pas ses sujets à un tel monstre.» Le Corbusier considérait l'homme comme du bétail humain, «une fourmi, avec des habitudes de vie précises, un comportement unanime», destiné à être parqué dans des «machines à habiter de dimensions standards» (14m3 par personne), où toute couleur sera bannie au profit de murs entièrement blancs (c'est la Loi du Ripolin), dans des zones définies selon son métier.
Il propose de relayer des ouvriers dans des quartiers entourant les usines, loin des villes, sans le moindre transport en commun, coupés des élites sensées vivre au centre de la cité qui devient camp où le moindre moment de la vie est sous la coupe du collectif : travail, «loisirs utiles et disciplinés», sport quotidien pour créer «une race saine et pure», rassemblements constructifs, crèches «aménagées pour l'élevage» des enfants et femmes tenues de rester au foyer car «cela représente moins d'offre de main d'oeuvre. Cela promet moins de chômage.» La ville devient alors, comme l'écrira si bien Michel Ragon dans les années soixante, un assemblage de «boites horizontales comme des wagons de chemin de fer hors d'usage et abandonnés dans une gare de triage désaffectée, [de] boites verticales qui veulent ressembler à des tours et font songer à des miradors - l'image du camp de concentration vient immédiatement à l'esprit».
Le Corbusier estime que la seule éducation dont les femmes ont besoin est celle qui doit faire d'elles des mères capables d'élever une «race supérieure», dévoyant par-là même le concept du Surhomme de Nietzsche.
Admirateur de Mussolini, de Rivera, de Salazar et d'Hitler qu'il croit seul capable «d'aménager l'Europe», il nouera des amitiés, des collaborations littéraires, idéologiques et économiques avec des cercles d'extrême-droite impliqués dans des événements violents (tels La Cagoule) dès les années 1910.
Il deviendra un zélé chantre et serviteur du Maréchal Pétain dont il ne s'écartera pas, même lorsque certains de ses employés pendront le chemin de la Résistance. Il fera tout pour faire financer ses travaux de recherche par le gouvernement de Laval, jusqu'à obtenir la création de sa propre fondation. Et surtout, il s'appliquera à poser un voile d'ombre sur son passé de collabo, quitte à mentir en prétendant avoir été recherché par la Milice sous le Régime de Vichy, histoire de s'offrir une nouvelle respectabilité à la Libération.
Tactique fructueuse puisque les gouvernements suivants, s'ils n'ont pas toujours fait appel à lui, ont basé leurs grands programmes d'urbanisme sur ses idées passant outre la mauvaise qualité de ses bâtiments, bien souvent perclus de fuites d'eau à peine quelques mois après avoir été terminés.
Si le livre de Xavier de Jarcy est difficile d'accès de par la masse d'informations et de noms qu'il rassemble, surtout lorsque le lecteur n'est pas familier des milieux d'extrême-droite de la première moitié du XXe siècle, il éclaire cependant d'un jour nouveau la personnalité de l'architecte français le plus connu au monde.
Grâce à un travail exceptionnel de recherche, notamment basé sur la correspondance privée et professionnelle de Le Corbusier, il pose une question et une exigence essentielles : pourquoi les théories si déshumanisantes de cet architecte et ses propos fascistes sont-il toujours enseignés dans les écoles d'architecture et publiés tels quels par des maisons d'éditions respectables comme Plon ou Albin Michel ?
Et pourquoi, alors que la Suisse, son pays natal, a renoncé à publier des photos de ses constructions dans ses campagnes publicitaires touristiques et refuse de donner son nom à des rues ou des places publiques à cause de son antisémitisme et son empressement à adhérer au Régime de Vichy, la France persiste-t-elle à vouloir voir en lui un grand homme, à vouloir à tout prix faire inscrire son oeuvre au Patrimoine Mondial de l'Humanité (ce que l'UNESCO refuse d'ailleurs pour les mêmes raisons que la Suisse), à ignorer ses théories fascistes appliquées à l'architecture et même à les recycler joyeusement dans tous les projets actuels d'éco-quartier et à voir en lui «le plus grand architecte du monde» ?
Xavier de Jarcy appelle à travers cet essai remarquable à une nécessaire remise en question du statut de Le Corbusier dans la mémoire et le patrimoine français.
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