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« Mon père, j’ai fini par le tuer un soir comme les autres où je voulais juste qu’on dîne en paix ». Tel est le début de ce livre. Monsieur Viannet se confie à une femme qui note tout ce qu’il dit. Est-ce une policière, une inspectrice qui enquête sur le meurtre ?
« C’est obligé que je vous dise comment j’ai tué mon père ? Comment je m’y suis pris ?
Je serre les genoux. Mon cahier se ferme, mon stylo tient entre deux doigts en équilibre.
-Obligé ? Non… Bien sûr que non… C’est… comme vous voulez. »
Ce n’est donc pas quelqu’un de la police. La narratrice enquête, mandatée par une association, sur le devenir des anciens résidents d’un centre de réinsertion. C’est elle qui pose des questions, essaie de garder une distance professionnelle, malgré ce qu’elle entend, refuse de répondre aux questions du couple Viannet dans une ambiance tendue et une atmosphère enfumée.
Monsieur Viannet est un laisser pour compte, Monsieur Viannet habite avec sa femme un misérable petit appartement, ne sort jamais, passe sa vie à regarder la télé, boire des bières et fumer assis ou couché sur un matelas posé à même le sol. Il n’a plus d’espoir, plus d’avenir.
La narratrice ne vient pas qu’une seule fois mais trois fois, une fois par mois, chez Monsieur Viannet qui confie sa misère sociale, sa dépression, ses colères. Elle ne peut que noter ce qu’il raconte pour cacher son désarroi, bouleversée qu’elle est par les confidences de monsieur Viannet et je n’ai pu faire autrement qu’être bouleversée également par son désarroi, sa solitude, son mépris de lui. Sa femme à peu près transparente, également dans le renoncement fait quelques fois le tampon, calme son mari. Elle aussi, aimerait se confier, parler de sa vie, de la spirale qui les entraîne irrémédiablement vers le fond, sans espoir de rebond
Je ne me suis jamais ennuyée dans ma lecture. Véronique Le Goaziou, sociologue et romancière, a écrit un livre où les dialogues sont ciselés, l’écriture, très précise, le dialogue tendu. Je verrais bien une transcription théâtrale
Je suis avec eux, dans la pièce enfumée. Le désespoir du couple qui n’attend plus rien de la vie, qui attend que cela se passe, vivent en marge de la société, sont enfermés dans la spirale de la pauvreté, du désespoir de l’exclusion, de la marginalisation.
Je ne suis pas sortie indemne de ce livre. J’en ai pris plein la figure. La réalité est âpre. Ce n’est pas un fait divers, bien que la fin du livre puisse être relatée par les journaux, mais une réalité.
Véronique Le Goaziou, dessille mes yeux, rend visible ces gens que l’on ne veut pas voir, leur donne la parole, un peu d’humanité,
Un livre bouleversant. Un coup de cœur et un coup de poing.
Ah ! Monsieur Viannet ! Il est vraiment au bout du rouleau !
Affalé sur son matelas, il fume cigarette sur cigarette, boit bière sur bière, devant l’écran de télé allumé en permanence.
Et cette enquêtrice qui travaille pour une association d’insertion se prend d’un intérêt particulier pour ce cinquantenaire qui n’a plus de ressort.
Ecrit principalement sous la forme de questions/réponses, ce roman pointe du doigt tous ces hommes et ces femmes en rupture sociale qui, après avoir subi épreuves sur épreuves, finissent par baisser les bras.
Reflet d’une cruelle réalité qui touche de trop nombreuses personnes, c’est une lecture qui remue et ne peut laisser indifférent.
La société n’est pas tendre envers tout le monde et nombre d’individus en payent les frais.
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