Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Particulièrement grinçant, cette simple chronique villageoise, comédie de mœurs est plus subtile qu'on ne le croit. La guerre, le racisme, l'étranger, la peur de l'inconnue, de la non-normalité émergent régulièrement.
Je l’ai commencé, je l’ai reposé, je l’ai repris, je l’ai mis en attente, je l’ai continué, puis je l’ai terminé. J’ai aimé, j’ai souri, j’ai subi des longueurs, j’ai trépigné, je me suis impatientée et je l’ai de nouveau aimé. Voici mon histoire sinueuse avec ce roman.
D’emblée, l’empreinte mythologique est fortement présente. Les petites histoires grecques de Yaya Maria puis d’Eleni, sa petite-fille, cheminent tout au long du roman et les chapitres se découpent tels des contes à la sauce olive. On immerge de suite dans cette famille pas comme les autres dans laquelle la grand-mère, suite à un rêve, veut marier son petit-fils avec sa petite-fille. Vous avez dit bizarre ? Oui, je trouve aussi… Mais Yaya Maria, en tant qu’entremetteuse presque professionnelle, en est persuadée, Eleni et Lefti doivent se marier pour assurer l’avenir de la famille et rendre pérenne l’héritage. Nous suivons donc le cheminement de la vie de ces deux cousins très proches durant l’enfance mais dont la relation se verra perturbée une fois à peine adultes, la faute à ces étranges projets familiaux.
Pléthore de personnages viennent se greffer à l’histoire et malheureusement, la quantité a pris le dessus sur l’attachement que j’aurai pu ressentir si seulement quelques personnages avaient été développés. J’ai souvent lu cette histoire sans entrer vraiment dedans. Je suis restée à l’extérieur. D’où les longueurs, et l’ennui parfois…
Pourtant l’écriture de Vea Kaiser est agréable, drôle, elle conte plus qu’elle ne raconte. Je ne peux pas lui reprocher ce manque d’affection au roman. Je n’ai pas été captivée, voilà tout. Les chapitres défilaient, et avec eux les décennies en compagnie des personnages vieillissants, et je ne savais pas où l’auteure voulait vraiment en venir. Ce n’est que dans le dernier quart que j’ai repris une belle aspiration et que j’ai compris cette histoire familiale qui, dans sa morale, se veut finalement universelle.
Cette lecture en dents de scie m’a donc fait passer par autant de sentiments qu’elle contient de personnages et d’années. Mais j’aurai tellement aimé un roman plus court et plus rythmé ! La savoureuse plume de l’auteure aurait mérité que l’on s’y attache vraiment. Au lieu de cela, j’ai souvent trouvé le temps long. Heureusement, la dernière partie réinjecte un regain d’intérêt. Toutefois un peu tard…
Un roman aux accents de mythologie grecque à découvrir pour vous faire votre propre opinion car pour moi, il ne fera pas l’unanimité. Il déchaînera les foules et mènera au débat passionnant de ses lecteurs.
Ma chronique sur mon blog : https://ducalmelucette.wordpress.com/2017/03/05/lecture-lile-des-bienheureux-de-vea-kaiser-rentree-litteraire/
Dans un coin reculé d'Autriche, dans les montagnes, se trouvent Saint Peter sur Anger : la population, vivant quasiment recluse, se protège du monde extérieure par une soif d'appartenance au village, au groupe, très importante.
Un jour, Johannes Gerlitzen se décide à se débarrasser d'un ver solitaire qui lui cause moult soucis physiologiques. Cet évènement est un déclic pour lui et il se décide de quitter sa femme, sa fille venant de naitre et son village pour aller à la ville et étudier la médecine. Cette étape est vécu par le protagoniste comme salutaire et bénéfique pour son village : en effet, il y reviendra quelques années plus tard en tant que médecin, et s'installera dans ce village.
Sa fille grandit, et il souhaite pour elle un mariage heureux, mais pas avec n'importe quel villageois : toutefois le cœur à ses raisons que la raison ignore, elle épousera l'homme dont elle est amoureuse. Naitra alors Johannes : un petit garçon réservé, dont l'éducation sera prise en charge par son grand père.
Docteur Papi, comme l'appelle affectueusement Johannes, tente de lui apporter les clefs pour vivre en "civilisé" : les leçons d'histoire naturelle sont aussi importantes que le vocabulaire : le grand père refuse que son petit fils ne s'exprime qu'en patois, car il n'y a que les barbares qui s'expriment ainsi.
Johannes grandit, avec un sentiment d'incompréhension et de distance entre ce village et lui. Son entrée au Lycée le transporte de joie. Mais lorsqu'il rate son baccalauréat, une flamme s'allume en lui et son historien préféré, Hérodote, devient son mentor.
J'aurais sans doute eu quelques réticences à lire ce livre de moi même en furetant en librairie. Je suis d'ailleurs bien heureuse de m'être aussi bien laissée transporter par la plume de l'auteur. Il ne s'agit pas uniquement d'un livre sur les péripéties d'un village niché en haute montagne, il y a une vraie interrogation sur l'idée d'appartenance, l'identité par rapport au groupe et dans le groupe.
La plume de l'auteur est ici bien différente de ce que j'ai déjà rencontré : parfois haché, on a cette impression d'entendre l'histoire racontée par les villageois, attablés au café, égrenant chacun son tour les souvenirs. Le phrasé est riche, parfois un peu trop discontinu et on s'oblige à relire quelques phrases pour être sûr de l'avoir bien comprise. Cependant, cette façon toute scientifique de raconter l'histoire permet en même temps de donner sens à ce que vit le jeune Johannes sur la fin du livre : on lit ce livre comme si nous même étudions les us et coutumes de ce village.
Le petit bémol, mais cela me concernant personnellement, c'est l'énonciation continue des noms de famille et des liens parentaux entre tous les protagonistes. S'y retrouver devient difficile, mais les répétitions aidant, on se repère.
Le sentiment d'appartenance, l'identité sont des thèmes majeurs du livre. Les personnages se posent également cette question : la volonté de Docteur Papi de rester dans son village en tant que médecin n'est aucunement pour montrer sa réussite : mais principalement parce que le village a besoin d'un médecin.
On fait partie d'une famille par un père, une mère, grands parents, oncle tante et ainsi de suite. Ici, on nous démontre que la famille peut être élargit au village entier : les fêtes et rassemblements servent à consolider les liens, ainsi que les différents mariages.
Mais quelle en est la limite? Ne pas s'ouvrir au monde et se rassurer en s'entourant de personnes que nous connaissons et aimons et qui partagent nos idées, cela s'apparente à du communautarisme. J'ai d'ailleurs eu cette impression que cette jeune auteure pointe du doigts ces dangers : on peut être proche de sa famille, de son village, de ses convictions, mais il ne faut pas oublier de s'ouvrir au monde. C'est doute cela la clef du partage, de la connaissance et de la tolérance : il suffit d'une personne pour changer les choses, en bien ou en mal.
La chronique d’un village perdu dans les Alpes autrichiennes, la tentation du repli sur soi, la difficulté à s’extirper de son milieu, la crainte du progrès et la science, les raisons du développement de l’extrême-droite et du populisme, le combat entre la ville et la campagne : le premier roman de la jeune Autrichienne Vea Kaiser nous offre une belle palette de thèmes et de réflexion. Le tout sous couvert d’une histoire de famille contée avec beaucoup d’érudition et de fantaisie.
Dans la version originale, le sous-titre du livre est «Comment la science arriva dans les montagnes». Dans la version française, ce sous-titre se transforme en «Comment un ver solitaire changea le monde». Autrement dit, on peut mettre à la fois l’érudition en avant ou la fantaisie.
Pour incarner ce récit, l’auteur imagine Johannes Gerlitzen, un descendant de cette longue lignée de «barbares des montagnes». Trois événements vont pousser ce sculpteur sur bois à sortir du moule imposé par l’histoire et par la géographie : une blessure qui va l’empêcher de courir les bois, la naissance d’un enfant qui ressemble davantage au voisin et surtout la maladie qui le ronge : un ver solitaire qui s’ébat dans ses entrailles et qu’il parviendra à extraire après seize heures d’un combat douloureux. « Lorsqu’il eut enfin sous les yeux l’animal dûment nettoyé, quatorze mètres quatre-vingts de longueur et presque aussi large que l’annulaire d’Elisabeth, il rayonna de fierté, comme s’il avait réalisé la première ascension du Grand Sporzer.»
Marqué par cette expérience, il décide de se consacrer à l’étude des vers : «J’allons dans la capitale por devegnir docteur. » (Saluons à ce propos le talent de Corinna Gepner, la traductrice de l’ouvrage, qui a su inventer un patois susceptible de rendre le curieux langage des autochtones et qui parsèment le récit de dialogues savoureux).
A force de petits boulots et de persévérance, Johannes parvint à son but et une décennie plus tard put revenir auréolé de gloire dans son village où il accompagna sa femme atteinte d’une maladie incurable et aida sa fille Ilse à grandir. Au printemps 1974 Elisabeth meurt et Ilse entre dans l’âge de la puberté. Un double choc pour Johannes qui se retranche dans ses études et note dans observations dans ses carnets qui mélangent l’analyse scientifique et le journal intime.
C’est a peu près à cette période qu’Alois Irrwein, apprenti charpentier, va s’amouracher d’Ilse. Une liaison qui, à l’instar de celles de nombreux autres jeunes du village, ne peut déboucher que sur un mariage. Si Johannes ne voit pas cette union d’un bon œil, il y trouvera cependant quelques années plus tard une belle satisfaction : la naissance de son petit-fils Johannes, le vrai héros du livre.
Car ce dernier va pousser plus loin encore sa différence. Suivant les pas de son grand-père, il entend lui aussi s’émanciper en étudiant. Une façon aussi de rendre hommage à son aïeul, qui disparait tragiquement en venant au secours d’un villageois qu’il ne portait pas vraiment dans son cœur.
On va suivre avec délectation les pérégrinations du jeune homme dans la grande ville. Nous sommes en 2002. Au sein du monastère bénédictin où il va poursuivre ses études, il va apprendra bien davantage que les sciences naturelles, la philosophie ou les mathématiques. Sous l’égide d’Hérodote, il a aussi apprendre la compromission, la trahison, l’injustice et le sens du secret. C’est avec ce bagage, et un examen de baccalauréat qui le marquera sans doute à vie, qu’il retourne dans son village. Et découvre que les Saint-Pétruciens méritent toute son attention. «En son temps, docteur Papi (son grand-père) avait étudié leurs corps. Johannes comprenait qu’il devait, lui, se pencher sur leur esprit.»
La dernière partie du livre est sans doute la plus riche et la plus entraînante. Johannes devient un homme, tombe amoureux, va changer les mentalités, devenir une sorte de sauveur et faire entrer son village dans la modernité. Mais il serait dommage de dévoiler ici comment tout cela va arriver. Laissez-vous plutôt emporter par le souffle de ce premier roman étonnant.
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