Au sujet de ce premier roman graphique, l'autrice explique vouloir parler du cœur de ce qui fait les droits humains
Au sujet de ce premier roman graphique, l'autrice explique vouloir parler du cœur de ce qui fait les droits humains
Valentine Cuny-Le Callet a seulement 19 ans quand elle entame une correspondance avec Renaldo McGirth le plus jeune condamné à mort des États-Unis.
Dès son plus jeune âge elle est sensibilisée aux questions de l'incarcération et de la peine de mort, très marquée notamment par cette photographie d’une exécution par chaise électrique aux États-Unis. La tuerie de Charlie hebdo, début 2015, puis les attentats du 13 novembre seront le vrai déclic. À la suite de ces terribles événements, apprenant que la moitié de la population française – ou plus encore – est favorable au rétablissement de la peine de mort, entendant ces mots inacceptables « un système pénal ne peut pas tenir sans la peine capitale » prononcés par Marine Le Pen, c’est la voix de Danielle Mérian, avocate, militante à l’ACAT, « L’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture » qui parle de fraternité plutôt que de vengeance, qui la pousse à s’engager et à envoyer sa lettre d’adhésion au programme de correspondance avec un condamné à mort.
Renaldo, lui, a été condamné à mort huit jours après son vingtième anniversaire pour un meurtre commis à l’âge de 18 ans pour lequel il clame tout de même son innocence. Il est incarcéré dans une prison de Floride depuis plus de dix ans lorsqu’ils débutent leur correspondance.
Dans sa première lettre à Valentine, Renaldo se présente, joint une photo de lui, de même que la fiche listant tous les motifs de rejet d’une lettre par la prison…
Renaldo dessine et peint lui aussi. Après trois ans et demi de correspondance et après l’avoir rencontré, un projet de récit graphique à quatre mains va naître racontant leurs vies parallèles et leur amitié. C’est donc bien un travail en commun que ce roman graphique. Si seul le nom de Valentine Cuny-Le Callet est présent sur la couverture, c’est pour des raisons légales, Renaldo McGirth en est bien le co-auteur. De nombreux textes et une trentaine de dessins sont de lui. Il apporte également ses peintures à la gouache qui sont les seuls éléments colorés du livre.
Perpendiculaire au soleil, cette expression propre à Renaldo, qui signifie toujours vivant, si belle et si bien mise en page vers la fin de l’album est particulièrement bien choisie pour donner son titre à l’album. Album qui nous plonge dans la réalité carcérale américaine, dans sa brutalité et nous invite à réfléchir sur la condition de vie des condamnés dans le couloir de la mort où tous les moyens sont bons pour briser la personne.
La re-sentence donne un espoir à Renaldo. En effet, depuis octobre 2016, en Floride, la cour suprême a décidé qu’une condamnation à mort promulguée par un jury sans unanimité était une violation de la constitution. Cette décision étant rétroactive, les personnes condamnées à mort sans unanimité peuvent effectuer une demande de re-sentence et un nouveau jury décide de leur peine, soit la prison à vie, soit une nouvelle condamnation à mort, cette procédure n’étant pas un nouveau procès, la culpabilité du condamné n’est pas remise en cause. Renaldo a été condamné en 2008 par onze voix contre une …
La lecture est dure, parfois très dure, déstabilisante, mais ô combien touchante et instructive !
J’ai été subjuguée par la force morale et la solidité de cet homme enfermé dans une cellule de cinq mètres carrés depuis des années et sa capacité à attraper la vie et à vouloir la trouver dans les lettres de Valentine. Il est indéniable que ce projet de BD a sans aucun doute été pour lui comme une « évasion » passagère de son enfermement. Quant à Valentine, je ne peux que saluer son courage et sa capacité à être à l’écoute de cet homme et à l’aider en lui permettant de s’exprimer de manière artistique et être admirative d’une telle maturité !
Cette amitié sincère née entre ces deux personnes est absolument émouvante et bouleversante et m’a rappelé ce roman « Ne t’arrête pas de courir » dans lequel son auteur Mathieu Palain avait noué une relation amicale avec cet athlète détenu, Toumany Coulibaly.
Certes nous voyons tout au long de leurs échanges épistolaires combien l’administration pénitentiaire s’est employée à les rendre difficiles, mais c’était sans compter sur leur détermination à faire avancer le projet. Persévérance, obstination et ingéniosité ont eu raison de ces obstacles et permis la réalisation de ce magnifique ouvrage.
Plusieurs pages absolument bouleversantes font référence au racisme, et au courage de Ida B Wells menacée de mort lors de ses travaux d’investigation sur les lynchages.
Tous les dessins sont en noir et blanc mais de différentes textures, hormis les quelques éclats de couleur apportées par les peintures à la gouache de Renaldo. Beaucoup de mains, de mains entrelacées, autant de contacts, de liens... De même, une nature luxuriante mais aussi des grilles, des barbelés, « concertina »...Lire la suite sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/ Chronique illustrée.
Incroyable ouvrage !!!
Un sujet qui prend aux tripes, qui touche en plein cœur !
Un objet-livre superbe, des illustrations en noir et blanc diverses, riches, symboliques ou réalistes, narratives ou ornementales.
Rien n'est laissé au hasard, tout est documenté, porte ouverte aux émotions, aux réflexions.
L'autrice a décidé, via l'ACAT, d'entamer une correspondance avec un détenu des couloirs de la mort aux USA. Ce sont ces échanges et les rencontres qui en ont découlé qu'elle met ici en forme, en mots et en images. Cet album est un projet commun à elle et à Renaldo, son "correspondant". Il contient aussi ses réalisations à lui. Il est partie prenante et consulté sur tout.
C'est une lecture passionnante et une découverte formidable !
Je vous la recommande vivement !
Ce roman graphique est une réussite totale. Un pavé de plus de 400 pages qui mérite amplement le Prix BD Fnac-France Inter 2023.
Valentine Cuny-Le Callet, jeune illustratrice s'est beaucoup documenté sur les conditions de vie dans les couloirs de la mort et la ségrégation raciale aux États-Unis. Le résultat est un album épistolaire aux dessins en noir et blanc soignés et détaillés qui ne laisse pas le lecteur indifférent loin de là. En effet en le lisant j'ai éprouvé de la peine envers Reinaldo, le détenu noir qui entretient une correspondance avec Valentine. Je l’imaginais en train de se morfondre dans sa cellule de 5m2. Elle a du avoir un choc en le voyant pour la première fois en chair et en os. C'est toujours émouvant de rencontrer une personne avec laquelle on ne communiquait au départ que par lettre surtout quand cette personne vit aux USA loin de la France.
La lecture bien que enrichissante sur le plan historique est souvent pesante car très chargée en émotions. Il est question ici de peine de mort, de meurtre, de ségrégation raciale, de solitude, d’isolement, de souffrance, de censure, etc. Bref vous l'aurez compris l'ensemble n'est pas très gai même si un petit espoir est toujours présent. Je me suis d’ailleurs imprégné de leurs échanges et de leurs émotions comme une éponge.
Un énorme coup de cœur ! Un magnifique album à lire absolument, ne passez surtout pas à coté.
À lire également : « Le monde dans 5m2 » De V. Cuny-Le Callet (Stock, 2020)
Déjà un grand merci à Lecteurs.com de m'avoir offert ce récit épistolaire.
Comme je l'indiquais lors de l'interview menée par Nicolas Zwirn qui présentait Valentine Cuny-Le Callet, j'ai moi aussi été interpellé assez tôt par le sujet de la peine de mort.
D'abord par les débats autour de la peine de mort en '81 lors de la Présidentielle, j'étais tout jeune et je suis plutôt fier de la décision prise, et du discours humaniste de Robert Badinter.
Un peu plus âgé, le film éprouvant / émouvant de Tim Robbins, Dead Man Walking, où l'on suit la soeur Helen Prejean accompagner psychologiquement des jeunes condamnés à la peine capitale...
Je m'attendais donc plutôt à un récit dur, rugueux, peut-être même violent / révolté. La démarche est toute autre. Le récit est plutôt factuel, sans jugement envers les causes d'emprisonnement de Renaldo, empreint d'une empathie profonde, tout en douceur et en réflexion. Valentine de par son contact cherche à proposer du soutien, de l'humanité à cet individu, à lui faire voir ce qu'il ne peut plus voir, à lui garder une ouverture sur le monde.
Le système carcéral américain est très cadré et les échanges interdits ne sont pas toujours intelligibles, rationnels. À de nombreuses reprises, je me suis demandé comment le système carcéral français cadrait le même type de démarches.
Sur la fin de l'album, un chapitre sur la mise en oeuvre de certaines éxécutions. J'ai été très perturbé à la lecture de ce chapitre - Humaine et digne. Le récit ne reflète que des exécutions dont le déroulement a foiré.... Des scènes qui s'apparentent plus à des séances de torture. Inimaginable de penser la distance prise par les "bourreaux" qui s'acharnent, parfois plusieurs heures, à compléter leur office. Limite inhumain. Très malaisant... Incomparable aux crimes potentiellement commis qui ont amené les condamnés en prison, mais insoutenable. Ça n'est probablement pas le cas, mais ça donne presque l'impression d'une mise en scène d'expiation.
Merci Valentine de rappeler que cela existe, et merci de témoigner pour que cela disparaisse.
Je dois rencontrer l'auteur cette après midi à la Fnac de Nice pour une séance de dédicace. En effet, l'album a été reconnu par le Prix Fnac-France Inter 2023* (* correction faite suite au commentaire de Christophe Corre), et la Fnac organise un "Tour" en France pour faire connaître ce témoignage dans ses enseignes.
Echange très intéressant avec Valentine et très belle dédicace à la clé...
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