"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
On ouvre cet album comme on s’aventure dans un carnet de voyage. La couverture est une invitation à la rêverie. Lilly est gentiment installée dans son lit et observe flotter au-dessus d’elle ce que son esprit a créé. Avec son frère, elle se retrouve embarquée dans la mission scientifique de ces drôles de parents. Face au monde obscur des fonds marins, chaque membre de la famille réagit autrement. Le frère s’ennuie, les parents sont déterminés à trouver une nouvelle espèce. Ils parlent, s’agitent, regardent mais sans voir. Lilly, sans dire un mot, regarde, observe, scrute, s’émerveille des beautés qu’elle prend le temps de voir. Là où les parents sont fiers de la distance parcourue sous les mers, leur fille savoure le temps et avec elle, nous, lecteurs, admirons ce monde imaginé par Thomas Lavachery. Des animaux fantastiques, des étranges bestioles aux couleurs uniques, aux formes si exceptionnelles apparaissent. Un lien se créé avec Lilly et nous devenons confidents de ces découvertes. Les parents ne font pas attention à ce qu’elle peut faire. C’est dire si elle surprendra plus d’un à la fin de cet album.
L’auteur profite de cette histoire pour monter un pop up et c’est réjouissant alors d’explorer, en dépliant les pages, les mondes enfouis. C’est drôle et permet de donner forme à l’aventure et à la découverte.
Un album réjouissant, l’éloge d’un monde qui, malgré l’obscurité, recèle de nombreux trésors.
A force de me voir débarquer au CDI chaque jour pour rendre un livre terminé et en emprunter directement un autre (que je lui rapportais le lendemain), la professeur documentaliste s’est dit qu’elle tenait sa future petite championne et m’a proposé de représenter l’établissement au défi lecture organisé avec les autres collèges des environs … Ce qu’elle n’avait pas pris en compte, c’est que je sortais à peine d’une grosse phobie scolaire et que j’étais encore particulièrement fragile : la pression qui pesait sur mes frêles épaules ainsi que le mépris de mes « collègues » de troisième qui ne supportaient pas d’avoir à trainer un boulet de cinquième dans leur sillage me firent perdre tous mes moyens, et je fus disqualifiée dès la première épreuve, incapable même de me souvenir des titres des livres concernés …. Morte de honte à l’idée d’avoir déçue cette documentaliste que j’admirais profondément, je n’osai pas remettre les pieds au CDI pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce que ma douce professeur de français m’explique que la professeure documentaliste était vraiment peinée de m’avoir embarquée dans ce défi trop lourd à porter. Nous nous pardonnâmes donc mutuellement, et je repris mes incursions quotidiennes au CDI. Mais croyez-le ou non, au moment de me plonger dans Bjorn le morphir, plus de dix ans après toute cette affaire, je n’ai pas pu empêcher un petit pincement au coeur de ressurgir : il faisait partie de la sélection de l’époque …
Les hivers sont rigoureux, dans la vallée où habite Bjorn et sa famille, mais jamais l’adolescent n’avait connu une situation pareille : la neige est en colère, elle en veut aux habitants de cette terre, elle tombera sans relâche jusqu’à détruire tous les villages qu’elle croisera et dévorer toutes les âmes qu’elle attrapera … Des flocons gros comme des rocs de pierre se jettent sur les murs, maintes fois renforcés depuis des générations pour faire face aux assauts de cette neige cruelle et vorace. On barricade les fenêtres pour que nul flocon ne puisse entrer dans les demeures : la neige rend fous les hommes qu’elle touche …. Et on se cloitre chez soi pendant plusieurs mois, en priant les dieux ancestraux ou le nouveau Dieu des chrétiens pour que la neige s’arrête vite, pour qu’elle ne recouvre pas la cheminée, pour qu’elle n’effondre pas la charpente, pour que les réserves de nourriture tiennent suffisamment longtemps. Bjorn, sa famille et leurs serviteurs sont loin de se douter que cet interminable hiver, ce dangereux hiver, va être celui durant lequel Bjorn, le faiblard Bjorn, le froussard Bjorn, le pleurnichard Bjorn, va se métamorphoser du tout au tout. Une légende est en train de naitre dans le secret de cette maisonnée assiégée par la neige : celle de Bjorn le morphir …
Pour reprendre un terme que nous sommes désormais tous en mesure de comprendre, terrible confinement que celui que vivent Bjorn et les autres membres de la maisonnée ! Imaginez : plusieurs mois à frémir d’effroi au moindre coup de vent, au moindre craquement, plusieurs mois à craindre collectivement que la maison s’effondre et ensevelisse vivants tous les habitants, plusieurs mois à rationner de plus en plus drastiquement la nourriture car il n’est pas possible de glisser un seul orteil hors de la maison pour aller se ravitailler sans risquer la mort immédiate. Onze personnes, isolées du reste du monde, sans moyen de savoir si les voisins sont encore en vie ou si la neige a eu raison d’eux. Et surtout, sans savoir s’ils sortiront vivants de cet hiver qui semble n’avoir pas de fin. Leur situation est bien plus terrible que la nôtre, car contrairement à nous, ils n’ont pas internet pour se distraire, ils n’ont pas de smartphone pour être en contact avec l’extérieur, et ils n’ont même pas la possibilité de prendre l’air dans un rayon de 10 kilomètres : ils sont confinés dans une pièce, une seule et unique pièce, avec pour seule distraction les récits plus ou moins attrayants du pêcheur, sans oublier la puanteur du demi-troll qui embauche la pièce bien malgré lui …
Voici dans quel terrible contexte nous rencontrons Bjorn, ce gamin malingre qui fait la honte de son viking de père, Erik sans peur, qui a tranché la tête du général vorage Long-Cou, ce gosse souffreteux qui ne tient pas la comparaison avec son guerrier de frère. Il m’a fait de la peine, ce petit Bjorn : difficile d’être le vilain petit canard maladif et craintif dans une famille viking comme la sienne ! Comme beaucoup de petit garçon, il rêve de faire la fierté de son père. Mais Erik est difficile à satisfaire, il attend de ses fils qu’ils suivent ses traces et s’illustrent au combat … mais d’un autre côté, il n’est pas forcément prêt à perdre sa place de héros familial, et trouve donc toujours quelque chose à leur reprocher. Je pense vraiment que beaucoup de jeunes lecteurs et lectrices pourront se reconnaitre en Bjorn, car ils sont eux aussi à un âge où l’on ne veut plus être considéré comme un enfant, petite chose fragile et malléable, mais bien comme un adulte en devenir, indépendant et impressionnant. Il y a quelque chose de particulièrement salvateur, galvanisant, à voir ce Bjorn timide et maladif se métamorphoser en héros, sortir de son ombre pour entrer dans sa légende. Alors bien sûr, on peut trouver ça trop improbable et rapide, mais n’oublions pas que c’est un roman jeunesse !
Et cela se ressent également dans cette « légèreté » qui entoure finalement ce huis-clos qui aurait pu être angoissant autrement : entre le zozotement du demi-troll, Drunn le berger qui régresse et balance des cailloux sur « méchant Bjorn », le rapprochement entre Bjorn et la jeune Sigrid, il y a pas mal de moments d’humour et de douceur pour contrebalancer l’effroyable réalité qui se déroule au dehors. On est bien plus dans un récit d’aventure que dans un thriller psychologique, disons-le franchement : on le sent, l’idée est vraiment de relater au lecteur l’incroyable métamorphose de Bjorn, la renaissance de Bjorn qui découvre sa destinée de morphir. Et c’est peut-être mon grand regret : nous sommes dans un opus purement introductif, il faut que le lecteur fasse la connaissance de Bjorn et découvre ce qu’est un morphir, pour qu’il puisse ensuite lire la « vraie » histoire. Du coup, ce roman est loin d’être aussi palpitant qu’il aurait pu l’être s’il avait été un peu plus développé : on survole en quelque sorte chaque mésaventure, chaque embûche, chaque épreuve, juste pour nous montrer à quel point il a changé et à quel point il est prêt pour ses véritables épopées à venir. C’est un peu dommage, car cela nous empêche de trembler véritablement pour les personnages, de s’émouvoir vraiment pour eux : on le sent, l’intrigue n’est pas là, et ce n’est qu’une sorte de mise en bouche qui laisse sur notre faim …
En bref, vous l’aurez bien compris, même si j’ai globalement apprécié ma lecture, je dois bien reconnaitre être un tantinet déçue. En effet, je gardais de ma très lointaine lecture un souvenir plutôt vivace d’un récit vraiment haletant et magique, et ce n’est finalement qu’une introduction un peu plate, sans réelle tension dramatique et donc sans réels enjeux pour stimuler le lecteur. Même les passages qui auraient pu être particulièrement épiques sont vite expédiés : puisqu’il fallait que Bjorn rencontre le roi, l’impressionne en dévoilant ses capacités nouvelles de morphir, pour que celui-ci lui promettre de l’envoyer en mission par la suite, on se débrouille pour en arriver là, mais c’est tout. Alors certes, le pari est réussi, on a effectivement envie de se plonger dans Bjorn aux enfers, mais c’est un peu dommage de ne pas offrir dès ce tome introductif une vraie aventure au lecteur, qui n’a en réalité que peu de choses à se mettre sous la dent avec cet opus … Heureusement, la plume est vraiment sublime, elle épouse à merveille l’ambiance très particulière de cet hiver meurtrier, de ces souterrains oubliés : il y a une sorte de poésie dans le rythme et les sonorités qui m’a vraiment beaucoup plu ! J’ai également apprécié les petites illustrations disséminées par-ci par-là qui nous plongent un peu plus dans cet univers à cheval entre les rudes légendes nordiques et les merveilles des contes de fées …
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2021/05/bjorn-le-morphir-thomas-lavachery.html
Quand une rumeur court, il est difficile de la rattraper. Et elle peut faire des dégâts, de gros dégâts.
Ce court roman illustré met en scène Tarir, un indien victime d'une rumeur au sein de sa communauté. Obligé de fuir, il apprendra à faire contre mauvaise fortune, bon coeur. Un roman jeunesse à cheval entre le conte philosophique et le roman d'apprentissage.
Tor est un petit garçon de 8 ans, qui aime pêcher avec son père et son oncle. Mais depuis des jours, le poisson ne mord plus. Que se passe-t-il ?
Les deux hommes ne voient qu’une explication : un gnome se cache dans l’eau, parlant aux poissons pour les faire fuir. Ils élaborent alors une potion qu’ils versent dans l’eau. Et là, au milieu des poissons remontés à la surface, un être minuscule, blanchâtre et palmé, inanimé.
Ramené au village, le gnome est traité de tous les noms et laissé sur une pierre au soleil. Mais Tor, émerveillé par la découverte et sensible aux moqueries, ne supporte pas cette haine et s’enfuit.
Il ne peut pas se résoudre à ne rien faire et à la nuit tombée, il ressort de chez lui et entreprend de sauver le petit gnome, passant des heures dans l’eau, jusqu’à ce qu’enfin il frétille et retrouve la liberté.
Un an plus tard, lors d’une promenade en forêt, Tor se fait attaquer par un essaim de guêpes. Après quelques piqûres, son supplice s’arrête. Un gnome des montagnes, pourtant réputé méchant et n’aimant pas les humaines, chasse les vilaines bêtes et le traite en ami.
Tor découvre alors que toutes ces créatures fabuleuses communiquent entre elles, et que sa bonne action lui vaut les honneurs et l’amitié du peuple des gnomes. Quelle fierté !
Un petit livre facile et agréable à lire pour les jeunes lecteurs, qui amène petits et grands dans un univers mi-réel mi-rêvé. Rêver, ça fait du bien parfois !
https://mesmotsmeslivres.wordpress.com/2017/10/18/tor-et-les-gnomes-de-thomas-lavachery/
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