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Deepwater Horizon est le nom, déjà oublié, de la plate-forme pétrolière offshore qui explosa le 20 avril 2010 dans le golfe du Mexique, causant une des plus graves catastrophes écologiques des temps modernes. Mais le titre est ici purement allégorique. Nopus ne sommes pas dans une enquête journalistique sur un événement, à la recherche des coupables ou des remèdes.
Stéphane Ferret nous entraîne dans une réflexion philosophique dont le sous-titre («éthique de la nature et philosophie de la crise écologique») donne l'exacte ampleur. Ouvrage atypique à plus d'un titre. Ce consultant d'entreprise s'est fait connaître par plusieurs ouvrages tenant bien plus de la philosophie que de la vie économique : on pourrait le traiter de vulgarisateur s'il n'y avait là le danger de minimiser le propos. Et pourtant ce dernier opus, comme d'ailleurs les précédents, est éminemment lisible par le commun, et donc sans doute plus utile que ce que le monde académique nous sert habituellement d'élucubrations élitistes et culpabilisatrices.
En plaçant la réflexion écologique sur un plan éthique, Ferret s'extrait des débats sur l'homme et le progrès tels que nous les servent les écologistes de tous poils. En posant la question des droits que, dans l'absolu, les êtres de la nature (comprenant donc animaux et végétaux, mais pourquoi alors ne pas englober microbes et virus ?), il nous ramène aux fondements de la réflexion sur les rapports entre l'Homme et la Nature. Peut-être que le propose peut en effet se visualiser émotionnellement dans l'argument du dernier homme, classique de la philosophie analytique. Imaginant qu'il ne reste plus qu'un seul être humain sur Terre, qui n'aurait donc à se justifier de ses actes devant aucune communauté ou autorité, comment juger le fait pour ce dernier homme, de se mettre à éradiquer systématiquement autour de lui tout ce qui vite, bouge, respire ? Si nous avons le sentiment que ce dernier représentant de notre espèce commettrait alors quelque forfait «moralement condamnable», alors nous sommes au seuil d'une réflexion nouvelle sur sa place dans l'Univers.
Ferret crée ensuite une notion qu'on peut trouver inélégante dans son expression, mais qui a le mérite d'être claire : il distingue entre deux métaphysiques qui s'opposent : une «métaphysique h» qui met l'homme au centre de l'Univers et une «métaphysique non-h» qui dénierait à l'Homme toute primauté dans l'ordre des choses. S'en suit une réflexion féconde sur la notion d'humanisme, ce terme étant peu à peu dépouillé de toute sa connotation apparemment exclusivement positive et un hallucinant voyage philosophique et ontologique.
Bien sûr, de grands esprits ont déjà réfléchi, pensé, et dit tout cela, questionné le monde, posé des principes moraux. Mais là où la philosophie classique se meut dans la gratuité de la pensée (ou de la rhétorique, si on préfère), Ferret enracine son propos dans le réel d'aujourd'hui et, pour sembler perdre de la hauteur de vue, il appuie pour de vrai là où ça va mal. En appelant les grands noms et les penseurs moins connus à la rescousse, Ferret nous montre que la remise en cause morale, éthique, de notre rôle de seigneurs du Monde n'est pas masochiste mais ouvre des perspectives lumineuses, dont jusque là le Bouddhisme et les pensées animistes ne semblaient percevoir qu'une vision individuelle.
C'est une revigorante lecture que celle-ci, et recommandable à tout le monde. Une vaste bibliographie enracine le sujet et permet des excursions mentales variées. Ferret fait partie de ces philosophes qui, comme Precht en Allemagne, se soucient plus de parler à quelqu'un que de parler tout court. D'aucuns trouveront cela un inacceptable sacrifice à la médiatisation de la pensée. Mais tant qu'il s'agit encore ou à nouveau de penser, le chroniqueur ne peut qu'applaudir...
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