Tous les hebdos en parlent, mais quel est l'avis de nos Explorateurs sur le dernier roman de Sarah Chiche ?
Tous les hebdos en parlent, mais quel est l'avis de nos Explorateurs sur le dernier roman de Sarah Chiche ?
COUP DE CŒUR
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2020/08/saturne-de-sarah-chiche.html
" On sait ce que l'on a perdu quand on se souvient l'avoir connu."
Sarah Chiche commence son roman par le récit de la mort en 1977 d'un jeune homme de trente-quatre ans, Harry, son père, alors qu'elle n'avait que quinze mois. Juste avant de mourir, il griffonne ces quelques mots sur une ardoise : " Ma femme, ma fille ".
Harry avait quitté l'Algérie en 1962 avec sa famille, pour un exil dans un château en Normandie. Son père Joseph reconstitue alors la vie d'abondance qu'ils connaissaient en Algérie bâtissant en France un véritable empire médical constitué de plusieurs cliniques privées. Pour Joseph, issu d’une grande lignée de médecins, il n'est pas d'autre avenir possible que la médecine pour ses deux fils Armand et Harry. " Devenir médecin, c'est devenir un homme", les rêves personnels sont exclus dans cette famille extrêmement riche pour qui le nom et la gloire comptent plus que tout. Harry, second de la fratrie, jamais à la hauteur d'Armand, reste dans l'ombre de cet aîné pour lequel leur mère Louise nourrit une véritable passion. "L'aîné dévore tous les obstacles. Le cadet ne dévore que les livres."
Harry, un rêveur qui aimait les étoiles, abandonne ses études de médecine et rencontre Eve, un mannequin d'une grande beauté dont il tombe fou amoureux. C'est une jeune femme au passé difficile, "la plus déglinguée des enfants perdus". C'est le début d'un "amour fou, perdu, un amour malade, au-delà des mots". Mais Eve est une femme fantasque et trop libre pour l'esprit étriqué de cette famille bourgeoise.
Sarah Chiche raconte son enfance hantée par le deuil d'un père qu'elle n'a pas connu. En 2002, alors qu'elle a vingt-six ans, la mort de sa grand mère Louise, la plonge dans une profonde dépression. " Ce fut la réplique la plus dévastatrice du décès de mon père. Et aussi ma plus grande chance."
" De Saturne, on dit que c'est la planète de l'automne et de la mélancolie. Mais Saturne est peut-être aussi l'autre nom du lieu de l'écriture - le seul lieu où je puisse habiter."
Dans ce récit en deux parties écrit à la première personne, Sarah Chiche, à travers des scènes précises, raconte son père, la relation de son père avec son frère, la rencontre de ses parents, l'amour fou qui les a lié. Elle nous brosse le portrait romancé de son père, mais aussi de sa mère avec sa folie et sa violence " c'était ma mère : violemment explosive, puis coquille vide, et parfois la plus magnifique des mamans". Sarah Chiche restitue très bien l'ambiance qui régnait dans sa famille paternelle où haine et argent étaient omniprésents et relate de façon bouleversante la mort de son père. Après cette première partie, récit de ses jeunes années marquées par la mort de son père et par un cruel manque de sécurité affective, "en ce temps-là, je n'étais que défaites et laideur", elle relate la dépression qu'elle a traversée après la mort de sa grand-mère. Une dépression qui fut "une damnation avant d'être une chance". Ses mots pour décrire l'état dans lequel l'a plongée cette nouvelle mort sont d'une grande force et d'une incroyable justesse, elle parle "d'autoaccusation mélancolique consécutive à un deuil... de désagrégation de son esprit..., de fuite dans le goudron du sommeil...".
Récit d'une descente aux enfers et d'une résurrection racontées avec le recul nécessaire puisque quinze ans ont passé depuis cette période, magnifique déclaration d'amour à un père qu'elle n'a pas connu, cette lecture est aussi forte mais moins exigeante que Les enténébrés.
Un véritable tourbillon d'émotions. Une écriture qui transporte, un texte aux qualités littéraires incontestables que j'ai lu le cœur serré. Une histoire familiale douloureuse, une dépression mélancolique qui ont permis la naissance d'une grande auteure. "Tout est perdu, tout va survivre, tout est perdu, tout est sauvé. Tout est perdu. Tout est splendide" conclut magnifiquement Sarah Chiche. Un gros coup de cœur !
Certes, c est présenté comme un roman, mais un roman qui suinte la réalité - pas bien joyeuse . Un homme meurt à 34 ans dune leucémie , laissant une épouse éplorée , des parents hagards , et un bébé de 15 mois . Ce bébé , c est sarah chiche , qui vous happe aujourd hui en racontant l agonie de son pére , dans les 10 premieres pages. Elle l a vécue dans sa mémoire ancienne . L ecrire est sans doute une thérapie ( elle qui est psychologue) . Et pour le lecteur , c est un voyage , un accompagnement intime dans l histoire d une famille de médecins, dechiree par un exil d algerie
ce balancement entre le reel et sa recosntitution en fiction est d une grande force , crue , violente et sincere. C est troublant et beau
çà vous laisse un gout de mort et de bonheur de vivre , salutaire
Gros coup de cœur pour ce roman fort et envoûtant, je n’ai pas pu lâcher bien que le sujet ne soit pas joyeux. Roman autobiographique ou récit intime ? Peu m’importe, ce livre est bouleversant.
L’histoire de cette famille débute en 1950 en Algérie, quand elle s’exile en France. Le grand-père est médecin, riche. En arrivant en France, il va ouvrir sa clinique privée et poursuivre son ascension sociale. Ses fils n’ont d’autre choix que de faire médecine et de réussir. Pour Armand, l’aîné, tout sera facile, mais pour Harry, plus jeune d’un an, tout sera difficile. On assiste à une concurrence entre les deux frères, lequel triomphera de l’autre ? L’aîné est le préféré et il est brillant. Le cadet est considéré comme un rêveur et s’avère médiocre dans ses études.
Le roman s’ouvre sur une scène beaucoup plus récente, en 1977. Nous sommes dans une chambre d’hôpital et le père de la narratrice est en train de mourir d’une leucémie. Harry est entouré de sa famille. Il meurt à l’âge de 34 ans laissant un grand vide derrière lui, notamment pour sa fille de 15 mois.
Elle raconte la mort de son père puis retrace la rencontre de ses parents. Elle ne nous épargne rien : leurs ébats, la haine de ses grands-parents contre sa mère, la rivalité des deux frères. Elle narre comment sa famille a détruit son père.
Sa mère, Eve, est fantasque. Elle est très belle, pose comme mannequin mais elle est aussi mythomane, insaisissable. C’est l’amour fou entre Harry et Eve.
Imaginez comment cette enfant a grandi, écartelée entre le souvenir de son père et la haine de la famille de son père pour sa mère. Comment se construire sans ce père mais aussi sans la famille de son père qui rejette sa mère ?
Une fois majeure, elle va prendre du recul par rapport à sa mère et se retrouvera seule. Quand elle apprend la mort de sa grand-mère avec qui elle est fâchée, elle va tout laisser tomber. Cet événement va agir comme un révélateur et la plonger dans une profonde dépression.
L’écriture va alors être un moyen pour elle de renaître, dans le livre comme dans la vraie vie. Un drame familial qui va peser sur la ou les génération(s) suivante(s). Sarah Chiche est psychanalyste, on sent l’influence de son métier dans son récit.
Tout est dit en peu de mots. Il y a une tension tout le long du roman, impossible de le lâcher. L’écriture est belle et fluide, faite de phrases courtes. Après la lecture de « Saturne », j’ai très envie de lire son précédent roman, les « Enténébrés », aussi bien pour retrouver cette magnifique écriture que pour avoir encore quelques clés de l’univers de Sarah Chiche.
Pour la narratrice, l’effondrement qui a marqué l’histoire de sa famille l’a peu atteinte sur le moment, puisqu’elle n’avait que quinze mois, lorsque la maladie a emporté son père. Elle retraçe l’histoire de ce lignage, à partir des grands-parents qui ont du fuir l’Algérie en laissant là-bas l’essentiel de la fortune qu’ils y avaient amassée. Avec l’énergie qui les caractérisaient, ils créent dans le pays qui les accueille, un nouvel empire faits de cliniques privées, avec un sens aigu des affaires. Si Armand le fils aîné semble entrer dans le moule, Harry le cadet, le père de Sarah s’écarte des chemins consacrés, et unit son destin à celui d’Eve , qui est loin de satisfaire aux exigences des parents en matière d’alliance. C’est donc avec cette mère fantasque et en l’absence de son père que Sarah devra se construire.
Ce qui frappe d’emblée à la lecture de cet écrit, c’est l’élégance et la richesse de l’écriture, profondément envoutante, au point parfois de se laisser mettre à distance du propos. C’était déjà le cas avec Les Enténébrés dont j’aurais du mal sans me pencher sur mes notes à évoquer le sujet.
Il n’empêche que l’on se laisse porter avec bonheur par cette langue où chaque mot est choisi et chaque phrase assemblée avec une grande maitrise. C’est certes sombre, mais suffisamment bien exprimé pour que l’on accepte de partager ces évocations douloureuses.
Le poids des drames familiaux sur le destin des générations suivantes, la vanité des succès qui ne survivront pas au temps qui passe, la difficulté de s’affirmer sur des fondations marquées par des malheurs ordinaires, de ceux qui existent dans toute famille, ce sont ces fondamentaux qui transparaissent dans ce récit, superbement mis en mots.
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