Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
« Le Paradis des fous » est le cinquième volume que Richard Ford consacre à Frank Bascombe.
Âgé de soixante-quatorze ans, le « héros » récurrent fait le bilan de sa vie lorsqu'il apprend que Paul, son fils de quarante-sept ans, est atteint de la maladie de Charcot, une affection incurable et très douloureuse qui entraîne la mort à plus ou moins brève échéance.
Vivant seul depuis que sa seconde épouse est partie en Tchétchénie pour s'occuper des « affligés », il décide de devenir ce qu'on appelle un aidant pour son aîné.
Il quitte le New Jersey pour l'accompagner à la clinique Mayo de Rochester (Minnesota) où Paul « se prête à une étude expérimentale sur un traitement ».
Que faire après ? Que faire alors que la mort est inéluctable pour l'un comme pour l'autre, même si elle est plus proche pour le plus jeune ?
Frank propose à son rejeton d'aller dans le Dakota du Sud voir les têtes sculptées de George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln. Le comble du kitsch pour l'amateur de ce genre qu'est Paul !
Pour Frank, ce périple, qu'il a déjà effectué avec ses parents, est un retour à sa jeunesse perdue. Paul, désormais dépendant de son géniteur, reprend un statut d'enfant.
Embarqué à bord d'une Dodge tractant une caravane d'un autre âge, le père et fils deviennent, par la force du destin, des intimes, alors que leurs relations étaient jusque-là plutôt lâches, Frank trouvant Paul étrange et Paul étant plus proche de sa mère décédée.
Cette proximité donne lieu à des dialogues souvent absurdes et parfois féroces, surtout de la part de Paul qui extériorise sa déchéance, à des considérations philosophiques, à des situations saugrenues et à des moments de grâce.
Richard Ford ne nous épargne pas la description réaliste des transformations physiques et des souffrances qu'endure Paul mais aussi des douleurs de Frank dont le corps lâche. Pourtant, il doit se tenir debout pour soutenir un fils encore plus affaibli que lui.
Chronique douce-amère à l'humour désenchanté sur le temps qui passe, sur le sens de la vie et sur la filiation, « Le Paradis des fous » dégage un parfum de nostalgie qui émeut.
En situant son road trip en 2019, il fait aussi le portrait de l'Amérique profonde, celle qui a voté pour Trump.
EXTRAITS
Le monde des aidants est un monde de tâches inachevées.
C'est ça, la mort. On pisse tout le temps.
Être vieux, c'est en effet comme avoir une maladie incurable.
Son décès appartient peut-être à un avenir lointain, mais la mort nous accompagne dans cet espace minuscule, nos visages côte à côte dans le miroir embué.
Plus on vieillit, plus on voit le monde d'un œil de flic.
http://papivore.net/litterature-anglophone/critique-le-paradis-des-fous-richard-ford-lolivier/
Dans l’émission radiophonique de France Culture « La bibliothèque de... » consacrée à Josée Kamoun, celle-ci se dit « hantée » par une œuvre qui l’a beaucoup marquée : « Canada » de Richard Ford, texte publié en juin 2012 aux États-Unis. Josée Kamoun explique qu’elle relit régulièrement ce roman (qu’elle a traduit) sans jamais en épuiser totalement le sens.
« Canada » est en effet une œuvre étrange, énigmatique et qui donne l’impression qu’un mystère se cache dans ce qui est dit, dans ce qui est là devant nos yeux mais que nous ne parvenons pas à saisir. Comme le dit la traductrice qui l’a relu plus d’une fois : à la fin, le mystère reste complet. À moins qu’il n’y ait pas de mystère. Seulement du vide et du silence.
Le narrateur, Dell Parsons, professeur à la veille de la retraite, raconte comment, alors qu’il avait quinze ans, ses parents, des gens banals et sans histoires, des gens ordinaires et tout à fait respectables, ont été amenés à dévaliser une banque, eux qui n’étaient absolument pas prédisposés à accomplir ce genre d’acte. Il évoque donc son enfance, interrompue brutalement par le hold-up et ses terribles conséquences à savoir l’éclatement de la structure familiale au moment même où il était un adolescent en train de se construire.
Il tente de cerner la personnalité de ses parents et de sa sœur jumelle. Le regard distancié du jeune homme devenu adulte donne l’impression qu’un destin terrible s’est abattu sur lui sans qu’il ait pu faire quoi que ce soit, le privant de toute liberté. Il ne fut en effet que le témoin en retrait d’événements qui se sont imposés à lui sans qu’il puisse avoir la moindre prise sur eux.
Qui est coupable ? Comment ses parents ont-ils pu en arriver là ? N’ont-ils pas, eux aussi, été piégés par la vie ? Comment survit-on, adolescent, balancé seul dans le monde, comme abandonné ? Le narrateur est sans cesse à la recherche d’un sens à donner à tout ce qu’il vit, à la terrible violence qu’il a subie. Il est extrêmement touchant dans sa volonté de comprendre, d’analyser le réel, de « reconstituer sa vie », lui qui, adolescent, voulut croire le plus longtemps possible qu’il allait pouvoir vivre normalement au sein de sa famille, aller au lycée comme les autres et se vouer à ses passions : les échecs (où l’on se déplace avec méthode et calcul) et l’apiculture (il est fasciné par l’organisation parfaite d’une ruche.) Mais le destin en a décidé autrement. Quel a été le sens de tout ce qui lui est arrivé ? Y avait-il, au moins, un sens à tout cela ?
Ford est un romancier brillant : ses personnages, incarnés grâce à des portraits extrêmement fouillés et ses descriptions de paysages, remarquables de précision et de nuance, créent un univers à la Hopper. Tout est là, sous nos yeux et pourtant, l’inconnu demeure. Josée Kamoun ajoute que « Canada » est un roman de l’espace, dans lequel les personnages se déplacent constamment, et de la frontière, du passage. Les descriptions des grandes étendues de blé sous un ciel immense sont fabuleuses de beauté et de mystère. Mais pour autant, aller ailleurs ne signifie pas « aller mieux ». Partir ne veut pas toujours dire « se reconstruire » ou « revenir ».
Par ailleurs, la capacité d’invention de Ford est étonnante : il surprend constamment son lecteur en plaçant ses personnages dans des situations inattendues, les rendant par là-même étrangers à ce qu’ils vivent et peut-être aussi à eux-mêmes.
« Canada » est un fabuleux roman d’apprentissage qui montre comment l’on se construit quand tout se détruit autour de nous. Il dit ce qu’est la vie. Brutale, cruelle, sans pitié. Absurde aussi. Absurde surtout. Et qu’il est inutile de chercher un sens caché. Il faut faire avec et essayer. Tant bien que mal.
Incontestablement, « Canada » est un très grand roman.
LIRE AU LIT le blog
En parcourant ces dix nouvelles de Richard Ford, on découvre les coulisses de la vie d'hommes et de femmes au mitan de leur vie. Crises, regrets et nostalgie, mauvais choix, tristesse, c'est un kaléidoscope de sentiments le tout raconté avec une écriture intime qui fouille chacun de ses personnages.
A un carrefour d e leur vie, les hommes, les femmes de ces récits sont face à un choix.
"La vie, ce sera ça, désormais, pensa-t-il. Peut-être même pendant longtemps: un catalogue". (Savoir se tenir)
Parfois, c'est le hasard qui fait irruption dans le train train quotidien avec cette impression que tout peut changer. Comme cet homme dans "rien à déclarer" qui retrouve la femme qu'il a aimée trente ans auparavant.
On lit avec un plaisir curieux ces petits instants de vie , cet entre-deux éphémère où tout peut basculer.
Deux livres en un avec ce double récit, l'un sur le père, l'autre sur la mère. 30 ans séparent l'écriture des deux récits, l'un dès 1981 à la mort de la mère de l'auteur, l'autre plus récemment, 55 ans après la mort du père.
Cette différence se ressent dans l'écriture. Le récit sur le père, la première partie, semble mobiliser des souvenirs plus anciens avec davantage de questionnement. Cette partie montre aussi une proximité très forte entre les deux parents et un incroyable amour, un "être ensemble". de ce fait, la venue au monde de l'auteur est jugée de son point de vue comme une sorte de "bifurcation" dans cette vie de couple. Richard Ford retient également davantage "les absences continuelles" du père dans le cadre de son métier de voyageur de commerce que sa "présence intermittente".
On ressent beaucoup de pudeur dans les rapports père-fils, des souvenirs plus lointains, des absences et donc moins de proximité mais tout de même beaucoup d'amour.
La partie sur la mère est davantage fusionnelle, avec un auteur qui a eu des rapports avec elle d'adulte à adulte. L'ouvrage cite une très belle phrase de Michael Ondaatje qui dit :" Ce que je regrette le plus concernant mon père, c'est de n'avoir pas eu le temps de lui parler en adulte." Certains passages sont très beaux et montre un réel attachement à la mère : "En moi je la vois, et même j'entends son rire dans le mien".
Ce livre est une belle lecture qui nous montre qu'on peut écrire à tout moment sur des êtres chers, soit directement après leur départ ou beaucoup plus loin dans le temps, tant que les souvenirs sont là.
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