Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Cinquième opus consacré au personnage Frank Bascombe. Cela fait tout de même un sacré paquet de feuille pour une personne tournant en rond sur la planète América First. Sauf que cette fois le livre traite d’un sujet plus grave et plus touchant ; la relation d’un père avec son fils malade. Comment cet ancien journaliste sportif reconverti dans l’immobilier va-t-il faire pour distraire ce fils et par la même occasion essayer de s’en rapprocher ? Tout est là.
Frank a 74 ans, Paul son fils en a 47. Ce dernier est atteint de la maladie de Charcot, autant le dire, son avenir est sombre. Après un accompagnement en clinique pour une étude expérimentale sur un médicament, le père décide de lui faire faire une virée mémorable et sensée le distraire de cet avenir salement bouché. L’humour, les parties de rigolades comme celles des injures vont meubler et doucement égayer les, disons le franchement, journées comptées de Paul.
Leur virée en caravane va nous faire traverser une partie de l’Amérique, du Dakota au Minnesota, de villes aux monuments kitsch en hôtels-casino indiens, de confidences en échanges philosophiques sur l’existence. Paul dort beaucoup et pendant ce temps Frank observe sa vie passée. Les scènes de dégradation physique du fils sont justes mais aussi d’un très grand réalisme, ce qui pourrait sensibiliser/effrayer pas mal de lecteurs. Je les ai trouvé poignantes et ayant toute leur place dans ce récit.
Beaucoup de longueurs m’ont empêché de savourer pleinement ce roman qui traite d’un sujet monumental et dépeint des scènes réjouissantes de complicité et d’humour. Disons qu’à mes yeux, ce livre aurait été une belle oeuvre si son auteur l’avait allégé d’une centaine de pages. La filiation, la maladie, la place des aidants, tout y est noblement traité. Mais les descriptions auraient pu être condensées.
« Nous sommes deux, seuls, ensemble, en route vers quoi nous sommes en route. Deux fous au paradis des fous. »
« Ces temps-ci, je me suis mis à penser plus souvent qu’autrefois au bonheur » constate Frank Bascombe en ouverture du dernier roman de Richard Ford. Ce volume achève la saga mettant en scène l’agent immobilier. Âgé maintenant de 74 ans, il s’autorise courageusement un petit bilan de son existence : la perte d’un fils, deux divorces, un cancer de la prostate, des parents et une première femme disparus, des dépressions. « Rien d’insurmontable » résume-t-il et il conclut avec ces quelques mots : « je dirais que j’ai été heureux. »
Sauf que depuis peu, son fils, Paul, 47 ans, a la maladie de Charcot et, évidemment, l’illusion du bonheur s’étiole un peu...
Combien de temps vivra-t-il ? Ce qui est sûr, c’est que ce temps est compté. Alors le père a un projet un peu fou, histoire de compenser tous les moments où il a été absent : faire avec son garçon un road trip à travers l’Amérique, du Palais du maïs jusqu’au mont Rushmore. Peut-être que cette virée les rapprochera, qu’ils communiqueront un peu mieux. Et les voilà lancés, en plein coeur de l’hiver, à bord d’un vieux Windbreaker de location, camping-car absolument pas adapté au handicap du fils mais on s’en fout un peu, Paul est content, et, plié en deux, les jambes tremblantes, le sweat « Génie au tarvail » (sic) sur le dos, les lunettes de travers et la casquette sur les yeux, c’est parti pour le mont Moche-mort.
Du Minnesota au Dakota du Sud, blagounettes entre père et fils, vannes, insultes fusent dans la cabine glacée du Windbreaker laissant place parfois à quelques confidences, considérations philosophiques sur l’existence, l’absurdité du monde et la déchéance physique ... le tout sur un ton désabusé et ironique, toujours très lucide… Et l’on traverse avec eux une Amérique de banlieues et de supermarchés, complètement kitsch, souvent très laide et bien désespérante, l’Amérique de Trump, celle des laissés-pour-compte. Il ne se passe pas grand-chose sinon qu’ils sont tous les deux, même si l’un dort les trois quarts du temps tandis que l’autre pense à la vie. A-t-il réussi la sienne ?
Un texte parfois un peu longuet c’est vrai, mais tellement touchant, dans lequel il est question d’un bonheur auquel on s’accroche quand tout s’effondre autour de soi...
Très beau et plein d’humanité.
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« Le Paradis des fous » est le cinquième volume que Richard Ford consacre à Frank Bascombe.
Âgé de soixante-quatorze ans, le « héros » récurrent fait le bilan de sa vie lorsqu'il apprend que Paul, son fils de quarante-sept ans, est atteint de la maladie de Charcot, une affection incurable et très douloureuse qui entraîne la mort à plus ou moins brève échéance.
Vivant seul depuis que sa seconde épouse est partie en Tchétchénie pour s'occuper des « affligés », il décide de devenir ce qu'on appelle un aidant pour son aîné.
Il quitte le New Jersey pour l'accompagner à la clinique Mayo de Rochester (Minnesota) où Paul « se prête à une étude expérimentale sur un traitement ».
Que faire après ? Que faire alors que la mort est inéluctable pour l'un comme pour l'autre, même si elle est plus proche pour le plus jeune ?
Frank propose à son rejeton d'aller dans le Dakota du Sud voir les têtes sculptées de George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln. Le comble du kitsch pour l'amateur de ce genre qu'est Paul !
Pour Frank, ce périple, qu'il a déjà effectué avec ses parents, est un retour à sa jeunesse perdue. Paul, désormais dépendant de son géniteur, reprend un statut d'enfant.
Embarqué à bord d'une Dodge tractant une caravane d'un autre âge, le père et fils deviennent, par la force du destin, des intimes, alors que leurs relations étaient jusque-là plutôt lâches, Frank trouvant Paul étrange et Paul étant plus proche de sa mère décédée.
Cette proximité donne lieu à des dialogues souvent absurdes et parfois féroces, surtout de la part de Paul qui extériorise sa déchéance, à des considérations philosophiques, à des situations saugrenues et à des moments de grâce.
Richard Ford ne nous épargne pas la description réaliste des transformations physiques et des souffrances qu'endure Paul mais aussi des douleurs de Frank dont le corps lâche. Pourtant, il doit se tenir debout pour soutenir un fils encore plus affaibli que lui.
Chronique douce-amère à l'humour désenchanté sur le temps qui passe, sur le sens de la vie et sur la filiation, « Le Paradis des fous » dégage un parfum de nostalgie qui émeut.
En situant son road trip en 2019, il fait aussi le portrait de l'Amérique profonde, celle qui a voté pour Trump.
EXTRAITS
Le monde des aidants est un monde de tâches inachevées.
C'est ça, la mort. On pisse tout le temps.
Être vieux, c'est en effet comme avoir une maladie incurable.
Son décès appartient peut-être à un avenir lointain, mais la mort nous accompagne dans cet espace minuscule, nos visages côte à côte dans le miroir embué.
Plus on vieillit, plus on voit le monde d'un œil de flic.
http://papivore.net/litterature-anglophone/critique-le-paradis-des-fous-richard-ford-lolivier/
Dans l’émission radiophonique de France Culture « La bibliothèque de... » consacrée à Josée Kamoun, celle-ci se dit « hantée » par une œuvre qui l’a beaucoup marquée : « Canada » de Richard Ford, texte publié en juin 2012 aux États-Unis. Josée Kamoun explique qu’elle relit régulièrement ce roman (qu’elle a traduit) sans jamais en épuiser totalement le sens.
« Canada » est en effet une œuvre étrange, énigmatique et qui donne l’impression qu’un mystère se cache dans ce qui est dit, dans ce qui est là devant nos yeux mais que nous ne parvenons pas à saisir. Comme le dit la traductrice qui l’a relu plus d’une fois : à la fin, le mystère reste complet. À moins qu’il n’y ait pas de mystère. Seulement du vide et du silence.
Le narrateur, Dell Parsons, professeur à la veille de la retraite, raconte comment, alors qu’il avait quinze ans, ses parents, des gens banals et sans histoires, des gens ordinaires et tout à fait respectables, ont été amenés à dévaliser une banque, eux qui n’étaient absolument pas prédisposés à accomplir ce genre d’acte. Il évoque donc son enfance, interrompue brutalement par le hold-up et ses terribles conséquences à savoir l’éclatement de la structure familiale au moment même où il était un adolescent en train de se construire.
Il tente de cerner la personnalité de ses parents et de sa sœur jumelle. Le regard distancié du jeune homme devenu adulte donne l’impression qu’un destin terrible s’est abattu sur lui sans qu’il ait pu faire quoi que ce soit, le privant de toute liberté. Il ne fut en effet que le témoin en retrait d’événements qui se sont imposés à lui sans qu’il puisse avoir la moindre prise sur eux.
Qui est coupable ? Comment ses parents ont-ils pu en arriver là ? N’ont-ils pas, eux aussi, été piégés par la vie ? Comment survit-on, adolescent, balancé seul dans le monde, comme abandonné ? Le narrateur est sans cesse à la recherche d’un sens à donner à tout ce qu’il vit, à la terrible violence qu’il a subie. Il est extrêmement touchant dans sa volonté de comprendre, d’analyser le réel, de « reconstituer sa vie », lui qui, adolescent, voulut croire le plus longtemps possible qu’il allait pouvoir vivre normalement au sein de sa famille, aller au lycée comme les autres et se vouer à ses passions : les échecs (où l’on se déplace avec méthode et calcul) et l’apiculture (il est fasciné par l’organisation parfaite d’une ruche.) Mais le destin en a décidé autrement. Quel a été le sens de tout ce qui lui est arrivé ? Y avait-il, au moins, un sens à tout cela ?
Ford est un romancier brillant : ses personnages, incarnés grâce à des portraits extrêmement fouillés et ses descriptions de paysages, remarquables de précision et de nuance, créent un univers à la Hopper. Tout est là, sous nos yeux et pourtant, l’inconnu demeure. Josée Kamoun ajoute que « Canada » est un roman de l’espace, dans lequel les personnages se déplacent constamment, et de la frontière, du passage. Les descriptions des grandes étendues de blé sous un ciel immense sont fabuleuses de beauté et de mystère. Mais pour autant, aller ailleurs ne signifie pas « aller mieux ». Partir ne veut pas toujours dire « se reconstruire » ou « revenir ».
Par ailleurs, la capacité d’invention de Ford est étonnante : il surprend constamment son lecteur en plaçant ses personnages dans des situations inattendues, les rendant par là-même étrangers à ce qu’ils vivent et peut-être aussi à eux-mêmes.
« Canada » est un fabuleux roman d’apprentissage qui montre comment l’on se construit quand tout se détruit autour de nous. Il dit ce qu’est la vie. Brutale, cruelle, sans pitié. Absurde aussi. Absurde surtout. Et qu’il est inutile de chercher un sens caché. Il faut faire avec et essayer. Tant bien que mal.
Incontestablement, « Canada » est un très grand roman.
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Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Chacune des deux demeures dont il sera question est représentée dans le sablier et le lecteur sait d'entrée de jeu qu'il faudra retourner le livre pour découvrir la vérité. Pour comprendre l'enquête menée en 1939, on a besoin de se référer aux indices présents dans la première histoire... un véritable puzzle, d'un incroyable tour de force
Sanche, chanteur du groupe Planète Bolingo, a pris la plume pour raconter son expérience en tant qu’humanitaire...
Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !